LE CHARIVARI
Si donc, prince, vous vous avisiez de montrer
quelque part à Paris le bout de votre nez,au lieu
des ovations que vos flatteurs vous promettent
peut-être, vous ne récolteriez que des sifflets et
des huées.
Le premier sergent de ville venu, que la foule
seconderait avec empressement, vous cueillerait
et vous mènerait au poste. De là on vous expédie-
rait dans une prison où les déguisements seraient
défendus et où vous ne trouveriez pas, je vous
en réponds, la planche de salut fournie jadis par
le maçon de Ham.
Ayant ouï dire que vous la menez joyeuse là-
bas,je suppose que cette perspective n’a rien qui
vous séduise, que vous préférez continuer à sa-
vourer, avenue Louise, la bonne table, le bon
gîte et le reste.
C’est pourquoi je vous crie charitablement
casse-cou, pour le cas où vous seriez pris de ver-
tige.
Ce n’est pas pour vous que le four chauffe. Ne
venez donc pas vous y brûler le nez.
Ne demandant aucun remercîment pour ce
sage avis qui vous blessera peut-être, je vous
présente quand même, prince, mes civilités — et
rien de plus.
UN EX-BONAPARTISTE.
LE CARNET DCN ACTUALITE
VIEILLES PIÈCES
Ce n’est pas de théâtre, mais de monnaie qu’il
s’agit.
On va, dit-on, changer l’effigie des cent sous
actuels.
On la trouve trop académique pour une fin de
siècle aussi réaliste.
On a raison peut-être.
Cependant, je ne contemple jamais une de ces
vieilles pièces, dont l’usure atteste le roulement,
sans rester songeur.
Une romance, sentimentalement beuglée dans
toutes les cours non étrangères, disait jadis :
En vérité, l’on saurait bien des choses,
Si le bon Dieu faisait parler les fleurs.
Pas besoin du bon Dieu pour savoir bien des
choses, si les pièces de cent sous prenaient la
parole.
Ce serait plutôt l’affaire du diable.
En conteraient-elles, grand Dieu ! En conte-
raient-elles!
Consciences achetées,—je rentre doublement
dans l’actualité, — amours vénales, sourires tari-
fés... Toute la grimaçante sériel
Puis, de l’autre côté, le bienfait, la souffrance
soulagée, le travail encouragé, la juste récom-
pense du méritant.
FLAMMÈCHES
Aimez-vous les ligues? On en met partout.
En voici une qui s'est formée pour la démolition
des fortifications de Paris.
C’est une reprise, car jusqu’ici les efforts n’ont
pas abouti. Et j’espère bien qu’ils n’aboutiront pa*
encore.
Je n’irai pas jusqu'à dire que, si les fortifications
n’existaient pas, il faudrait les inventer. Ce serait
de l’exagération. Mais elles existent, et l’on fera
bien de les garder, à mon humble avis. Ce n’est pas
ici la place d’entamer une dissertation stratégique,
pour laquelle, d’ailleurs, je ne m'attribue pas une
compétence à la Vauban. Mais il tombe sous le sens
que deux prècauiions valent mieux qu’une. On a
construit des forts que je me plais à croire impre-
nables. Qui vous dit qu’un jour l’ennemi ne sera pas
tenté de passer entre ces forts-là pour venir nous
offrir une petite Surprise nocturne, d'un charme
médiocre?
***
Mais, même les considérations de défense mises
à part, ne sont-ils pas bien ingrats, ceux qui veulent
démolir ces remparts, qu’on pourrait appeler la
Quel Janus que l’argent !
Et quels sujets do romans pour un feuilleto-
niste que les souvenirs d’une vieille pièce de
cent sous!
Elles vont bientôt venir, dit-on, les nouvelles.
Ce sera, parbleu, pour recommencer la double
litanie.
Car l’humanité est immuable, quoi qu’en disent
les apologistes du progrès.
Et comme ce'les auxquelles elles succéderont,
elles seront tour à tour employées aux viles be-
sognes et aux nobles tâches. Elles serviront tan-
tôt à seconder le vice corrupteur, tantôt à venir
en aide à la vertu.
Plus souvent, par exemple, au premier usage
qu’au second.
Pauvres nous I
QUIVALA.
BOURdUIONON. puissant diaestir
à base d’alcool v-leux pur de vin
SIJMOJV aîné, OSALON - sun-SAOîCK
LE COURSIER CURAÇAO TRIPLE SEC.
PAUL COURSE, Distillateur,fl BERGERAC.
3 Médailles d’Or, Expositions de JParis 187*8 et 1889.
CHRONIQUE DU JOUR
Nous nous sommes permis de blaguer naguère,
ici même, l’administration par trop prévoyante qui,
dès l’entrée de l’hiver, racolait des ouvriers sans
travail pour enlever la neige... quand elle tomberait.
Il est vrai que l’ad-mi-nis-tra-ti-on déjà nommée
s'est empressée de racheter cet excès de zèle en ne
faisant pas balayer du tout la neige, la seule fois
qu’elle ait bien’ voulu honorer de sa présence les
rues de Paris.
Elle avait cependant eu le choix entre « les ou-
vriers sans travail », l’administration.
Rien qu’en quelques jours, il s’en était présenté
treize mille. (O misère 1)
C’est pourquoi, probablement, l’administration se
sera dit : « Ils sonftrop », et n’en a employé aucun.
Non, ces politiciens, qui ruinent la France par
leurs agitations stériles, quand elles ne sont pas
scandaleuses, sont ruisselants d’inouïsme.
L’un d’eux imprime gaillardement, en tête de son
article, dans un journal important :
«Nos commerçants affirment que les affaires vont
mal. Soit. Mais ce qui affaiblit beaucoup la portée
qu’on voudrait donner à cette constatation, c’est que
le fait ne date pas d’aujourd'hui. »
Si vous croyez que c'est consolant!...
Boireau s’est arrêté, rêveur, devant une de ces
naïves petites affiches :
campagne du pauvre ? Tout le monde n’a pas le
temps d’aller chercher au loin un brin de gazon, un
bout de feuillage pour se mettre un peu de prin-
temps dans le regard et dans le cœur. Ceux que leur
pauvreté attache au rivage, les déshérités des fau-
bourgs, se répandent joyeusement, dès qu’ils ont
une minute de répit, sur ces talus îjui leur sont de-
venus chers.
C’est même un des spectacles les plus pittores-
ques de la comédie parisienne, que cet essaime-
ment tout le long, le long des anciens bastions. De
toutes parts, pendent des grappes de bambins et de
gamines. Puis, çà et là, les duos d’amoureux, épars
au milieu des déjeuners de famille, où l’on savoure,
sur l’herbe un peu jaune, hélas ! le jambonneau tra-
ditionnel.
L’alerte ouvrière, le fredon aux lèvres, glane de
rares et maigres fleurs au sommet des murs. De
pauvres hères exténués lézardent, couchés de tout
leur long. Le troupier en bonne fortune explique1^
sa bobonne, d’un air important, les secrets de l’art
militaire. Un orgue fait chanter aux échos le dernier
refrain en vogue. Le marchand de galette offre, d’une
voix sonore, son produit aux amateurs, tandis que
dans les guinguettes d’alentour bruisseit les fré-
missements alléchants de la gibelotte.
Oui, tout cela fait un tableau curieux, et un tableau
qui ne ressemble pas aux autres. N’y touchez donc
pas Vous remplacerez cela par des bâtisses caser-
neuses. La belle avance!
« On demande des dames et des demoiselles pour
confection d’enfants. »
— C’est drôle! On demande toujours, pour cette
affaire-là, des demoiselles ou des dames, et jamais
des hommes! Il me semble, cependant, que nous y
sommes bien pour quelque chose...
Carnet d’un Parisien :
« Ce qui vous dégoûte parfois de prêter cinq francs
à des gens qui vous les rendraient peut-être un jour,
c’est d’avoir prêté souvent cinq louis à des gens qui
ne vous les rendront jamais. »
Les Dahoméens, qui ne sont peut-être pas aussi
sauvages que nous avons l’air de le croire, ont, eux
aussi, une Sagesse des nations, laquelle, naturelle-
ment, s’exprime en proverbes, à l’instar de Sancho
Pança.
Entre autres dictons de l’endroit, je vous invite à
déguster celui-ci :
« Dieu a fait le café, il a fait le lait; mais il n’est
pour rien dans le café au lait »
Dicton qui m’en suggère immédiatement un autre,
à l’usage des européens prétendus civilisés :
« Dieu a créé l’homme, il a créé la femme; mais
il n’est absolument pour rien dans le mariage. »
Echantillon de style.
Côté du roman-feuilleton :
« L’évanouissement de Noël dure longtemps. Et
l’inquiétude de Gertrude est à son comble et devient
de la terreur quand enfin il donne signe de vie... Il
ouvre les yeux. II essaie de se relever en s appuyant
sur les mains... II n’en a pas la force. Il est pris de
frissons violents. Ses tempes claquent... »
Mince de frisson !
Le citoyen Galurin, peut-être sans le vouloir, n’a
pas été tendre pour le député de son arrondisse-
ment.
Comme on ne sait guère, en ce temps de chèques
qui courent (et même qui volent), si tel honorable
aujourd'hui ne sera pas coffré demain, notre homme
a envoyé, un peu en avance, à l’occasion du Jour de
l’An, sa carte de visite à son mandataire politique.
Mais il a eu soin de mettre sur l’enveloppe ;
« En cas de départ, faire suivre à Mazas, s. v. p. »
Il n’y a plus d’enfants.
Deux petites filles jouent aux « grandes dames».
L’une distribue les rôles.
— Moi, je serai la cocotte... Toi, tu feras l’hon-
nête femme vivant de son travail...
— Non... Pas l’honnête femme, moi; ce n’est pas
assez amusant!
Henri Second.
Le Directeur-Gérant, Pierre Véron.
Paris. — lmp. Alcan-Lévy, Î4, rne Chanchat
Respectez la villégiature gratuite des malheureux-
Respectez aussi les souvenirs du siège durant le-
quel, sur ces fortifications dont l’ennemi ne put pas
venir à bout, la population parisienne pratiqua tout
entière, avec un si touchant entrain, la fraternité du
sacrifice et du patriotisme.
***
On reparle de la métallisation des défunts par un
nouveau système.
Lorsqu'une première fois la métallisation fut pro-
posée, l’esprit de concurrence a tout de suite pro-
testé, et les embaumeurs ont déclaré que le métal-
lisme ne résistait pas à l’examen.
— Vous verriez, ont-ils dit. votre tante s’écailler
au bout de quelques semaines. Le jour où vous vou-
driez vous enfermer en tète-à-tète avec feu votre
épouse, préalablement nickelée, et repasser dans
une méditation rétrospective les souvenirs de votre
lune de miel, vous vous apercevriez avec désespoir
que la chère regrettée s’est lézardée de la pointe du
menton à la plante des pieds. Spectacle douloureux
qui porterait la désolation dans les familles...
Je n’ai pas à me placer au point de vue commer-
cial et technique, je n’ai pas à savoir si oui ou non
il est possible de cuirasser artificiellement les pro-
ches qu’on a perdus. En considérant simplement le
côté sentimental de la question, je n’hésite point à
déclarer qu’on ne tarderait pas à trouver intolérable
le côte-à-côte de ces musées rétrospectifs.
Si donc, prince, vous vous avisiez de montrer
quelque part à Paris le bout de votre nez,au lieu
des ovations que vos flatteurs vous promettent
peut-être, vous ne récolteriez que des sifflets et
des huées.
Le premier sergent de ville venu, que la foule
seconderait avec empressement, vous cueillerait
et vous mènerait au poste. De là on vous expédie-
rait dans une prison où les déguisements seraient
défendus et où vous ne trouveriez pas, je vous
en réponds, la planche de salut fournie jadis par
le maçon de Ham.
Ayant ouï dire que vous la menez joyeuse là-
bas,je suppose que cette perspective n’a rien qui
vous séduise, que vous préférez continuer à sa-
vourer, avenue Louise, la bonne table, le bon
gîte et le reste.
C’est pourquoi je vous crie charitablement
casse-cou, pour le cas où vous seriez pris de ver-
tige.
Ce n’est pas pour vous que le four chauffe. Ne
venez donc pas vous y brûler le nez.
Ne demandant aucun remercîment pour ce
sage avis qui vous blessera peut-être, je vous
présente quand même, prince, mes civilités — et
rien de plus.
UN EX-BONAPARTISTE.
LE CARNET DCN ACTUALITE
VIEILLES PIÈCES
Ce n’est pas de théâtre, mais de monnaie qu’il
s’agit.
On va, dit-on, changer l’effigie des cent sous
actuels.
On la trouve trop académique pour une fin de
siècle aussi réaliste.
On a raison peut-être.
Cependant, je ne contemple jamais une de ces
vieilles pièces, dont l’usure atteste le roulement,
sans rester songeur.
Une romance, sentimentalement beuglée dans
toutes les cours non étrangères, disait jadis :
En vérité, l’on saurait bien des choses,
Si le bon Dieu faisait parler les fleurs.
Pas besoin du bon Dieu pour savoir bien des
choses, si les pièces de cent sous prenaient la
parole.
Ce serait plutôt l’affaire du diable.
En conteraient-elles, grand Dieu ! En conte-
raient-elles!
Consciences achetées,—je rentre doublement
dans l’actualité, — amours vénales, sourires tari-
fés... Toute la grimaçante sériel
Puis, de l’autre côté, le bienfait, la souffrance
soulagée, le travail encouragé, la juste récom-
pense du méritant.
FLAMMÈCHES
Aimez-vous les ligues? On en met partout.
En voici une qui s'est formée pour la démolition
des fortifications de Paris.
C’est une reprise, car jusqu’ici les efforts n’ont
pas abouti. Et j’espère bien qu’ils n’aboutiront pa*
encore.
Je n’irai pas jusqu'à dire que, si les fortifications
n’existaient pas, il faudrait les inventer. Ce serait
de l’exagération. Mais elles existent, et l’on fera
bien de les garder, à mon humble avis. Ce n’est pas
ici la place d’entamer une dissertation stratégique,
pour laquelle, d’ailleurs, je ne m'attribue pas une
compétence à la Vauban. Mais il tombe sous le sens
que deux prècauiions valent mieux qu’une. On a
construit des forts que je me plais à croire impre-
nables. Qui vous dit qu’un jour l’ennemi ne sera pas
tenté de passer entre ces forts-là pour venir nous
offrir une petite Surprise nocturne, d'un charme
médiocre?
***
Mais, même les considérations de défense mises
à part, ne sont-ils pas bien ingrats, ceux qui veulent
démolir ces remparts, qu’on pourrait appeler la
Quel Janus que l’argent !
Et quels sujets do romans pour un feuilleto-
niste que les souvenirs d’une vieille pièce de
cent sous!
Elles vont bientôt venir, dit-on, les nouvelles.
Ce sera, parbleu, pour recommencer la double
litanie.
Car l’humanité est immuable, quoi qu’en disent
les apologistes du progrès.
Et comme ce'les auxquelles elles succéderont,
elles seront tour à tour employées aux viles be-
sognes et aux nobles tâches. Elles serviront tan-
tôt à seconder le vice corrupteur, tantôt à venir
en aide à la vertu.
Plus souvent, par exemple, au premier usage
qu’au second.
Pauvres nous I
QUIVALA.
BOURdUIONON. puissant diaestir
à base d’alcool v-leux pur de vin
SIJMOJV aîné, OSALON - sun-SAOîCK
LE COURSIER CURAÇAO TRIPLE SEC.
PAUL COURSE, Distillateur,fl BERGERAC.
3 Médailles d’Or, Expositions de JParis 187*8 et 1889.
CHRONIQUE DU JOUR
Nous nous sommes permis de blaguer naguère,
ici même, l’administration par trop prévoyante qui,
dès l’entrée de l’hiver, racolait des ouvriers sans
travail pour enlever la neige... quand elle tomberait.
Il est vrai que l’ad-mi-nis-tra-ti-on déjà nommée
s'est empressée de racheter cet excès de zèle en ne
faisant pas balayer du tout la neige, la seule fois
qu’elle ait bien’ voulu honorer de sa présence les
rues de Paris.
Elle avait cependant eu le choix entre « les ou-
vriers sans travail », l’administration.
Rien qu’en quelques jours, il s’en était présenté
treize mille. (O misère 1)
C’est pourquoi, probablement, l’administration se
sera dit : « Ils sonftrop », et n’en a employé aucun.
Non, ces politiciens, qui ruinent la France par
leurs agitations stériles, quand elles ne sont pas
scandaleuses, sont ruisselants d’inouïsme.
L’un d’eux imprime gaillardement, en tête de son
article, dans un journal important :
«Nos commerçants affirment que les affaires vont
mal. Soit. Mais ce qui affaiblit beaucoup la portée
qu’on voudrait donner à cette constatation, c’est que
le fait ne date pas d’aujourd'hui. »
Si vous croyez que c'est consolant!...
Boireau s’est arrêté, rêveur, devant une de ces
naïves petites affiches :
campagne du pauvre ? Tout le monde n’a pas le
temps d’aller chercher au loin un brin de gazon, un
bout de feuillage pour se mettre un peu de prin-
temps dans le regard et dans le cœur. Ceux que leur
pauvreté attache au rivage, les déshérités des fau-
bourgs, se répandent joyeusement, dès qu’ils ont
une minute de répit, sur ces talus îjui leur sont de-
venus chers.
C’est même un des spectacles les plus pittores-
ques de la comédie parisienne, que cet essaime-
ment tout le long, le long des anciens bastions. De
toutes parts, pendent des grappes de bambins et de
gamines. Puis, çà et là, les duos d’amoureux, épars
au milieu des déjeuners de famille, où l’on savoure,
sur l’herbe un peu jaune, hélas ! le jambonneau tra-
ditionnel.
L’alerte ouvrière, le fredon aux lèvres, glane de
rares et maigres fleurs au sommet des murs. De
pauvres hères exténués lézardent, couchés de tout
leur long. Le troupier en bonne fortune explique1^
sa bobonne, d’un air important, les secrets de l’art
militaire. Un orgue fait chanter aux échos le dernier
refrain en vogue. Le marchand de galette offre, d’une
voix sonore, son produit aux amateurs, tandis que
dans les guinguettes d’alentour bruisseit les fré-
missements alléchants de la gibelotte.
Oui, tout cela fait un tableau curieux, et un tableau
qui ne ressemble pas aux autres. N’y touchez donc
pas Vous remplacerez cela par des bâtisses caser-
neuses. La belle avance!
« On demande des dames et des demoiselles pour
confection d’enfants. »
— C’est drôle! On demande toujours, pour cette
affaire-là, des demoiselles ou des dames, et jamais
des hommes! Il me semble, cependant, que nous y
sommes bien pour quelque chose...
Carnet d’un Parisien :
« Ce qui vous dégoûte parfois de prêter cinq francs
à des gens qui vous les rendraient peut-être un jour,
c’est d’avoir prêté souvent cinq louis à des gens qui
ne vous les rendront jamais. »
Les Dahoméens, qui ne sont peut-être pas aussi
sauvages que nous avons l’air de le croire, ont, eux
aussi, une Sagesse des nations, laquelle, naturelle-
ment, s’exprime en proverbes, à l’instar de Sancho
Pança.
Entre autres dictons de l’endroit, je vous invite à
déguster celui-ci :
« Dieu a fait le café, il a fait le lait; mais il n’est
pour rien dans le café au lait »
Dicton qui m’en suggère immédiatement un autre,
à l’usage des européens prétendus civilisés :
« Dieu a créé l’homme, il a créé la femme; mais
il n’est absolument pour rien dans le mariage. »
Echantillon de style.
Côté du roman-feuilleton :
« L’évanouissement de Noël dure longtemps. Et
l’inquiétude de Gertrude est à son comble et devient
de la terreur quand enfin il donne signe de vie... Il
ouvre les yeux. II essaie de se relever en s appuyant
sur les mains... II n’en a pas la force. Il est pris de
frissons violents. Ses tempes claquent... »
Mince de frisson !
Le citoyen Galurin, peut-être sans le vouloir, n’a
pas été tendre pour le député de son arrondisse-
ment.
Comme on ne sait guère, en ce temps de chèques
qui courent (et même qui volent), si tel honorable
aujourd'hui ne sera pas coffré demain, notre homme
a envoyé, un peu en avance, à l’occasion du Jour de
l’An, sa carte de visite à son mandataire politique.
Mais il a eu soin de mettre sur l’enveloppe ;
« En cas de départ, faire suivre à Mazas, s. v. p. »
Il n’y a plus d’enfants.
Deux petites filles jouent aux « grandes dames».
L’une distribue les rôles.
— Moi, je serai la cocotte... Toi, tu feras l’hon-
nête femme vivant de son travail...
— Non... Pas l’honnête femme, moi; ce n’est pas
assez amusant!
Henri Second.
Le Directeur-Gérant, Pierre Véron.
Paris. — lmp. Alcan-Lévy, Î4, rne Chanchat
Respectez la villégiature gratuite des malheureux-
Respectez aussi les souvenirs du siège durant le-
quel, sur ces fortifications dont l’ennemi ne put pas
venir à bout, la population parisienne pratiqua tout
entière, avec un si touchant entrain, la fraternité du
sacrifice et du patriotisme.
***
On reparle de la métallisation des défunts par un
nouveau système.
Lorsqu'une première fois la métallisation fut pro-
posée, l’esprit de concurrence a tout de suite pro-
testé, et les embaumeurs ont déclaré que le métal-
lisme ne résistait pas à l’examen.
— Vous verriez, ont-ils dit. votre tante s’écailler
au bout de quelques semaines. Le jour où vous vou-
driez vous enfermer en tète-à-tète avec feu votre
épouse, préalablement nickelée, et repasser dans
une méditation rétrospective les souvenirs de votre
lune de miel, vous vous apercevriez avec désespoir
que la chère regrettée s’est lézardée de la pointe du
menton à la plante des pieds. Spectacle douloureux
qui porterait la désolation dans les familles...
Je n’ai pas à me placer au point de vue commer-
cial et technique, je n’ai pas à savoir si oui ou non
il est possible de cuirasser artificiellement les pro-
ches qu’on a perdus. En considérant simplement le
côté sentimental de la question, je n’hésite point à
déclarer qu’on ne tarderait pas à trouver intolérable
le côte-à-côte de ces musées rétrospectifs.