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Le charivari — 61.1892

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Décembre
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https://doi.org/10.11588/diglit.23886#1422
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LE CHARIVARI

LE QUATRAIN D’HIER

Cette fois, c’est bien toi, Bonhomme Hiver, dur
Au-dessous de zéro descend le thermomètre. [maître,
Et par malheur, — cela, c'est le plus embêtant, —
Les affaires ont l'air d'en vouloir faire autant.

SIFFLET

LES MÉMOIRES DE PARIS

LI

Lies iræ!... Pardon, ne vous y trompez pas. Ce
n’est point de funérailles que je vais parler : c’est
du Jour de l’An.

Oh 1 oui, le voilà, le vrai dies iræ, tortureur
des pauvres diables, extorqueur qui vous met la
vanité sous la gorge comme un pistolet, criant
donne à ceux qui n’ont quelquefois pas de quoi
manger leur content !

Dies iræ!... En faut-il embrasser, de ces visa-
ges parfois repoussants !

Dies iræ\... En faut-il répéter,de ces souhaits
mensongers !

Dies iræ!... Coutume abêtissante, et par cela
même immuable !

Dies iræ!... Cela n’empêchera pas les badauds
de s’étouffer sur les boulevards, où se retrouvent
au même endroit les mêmes poli ss boutiques
banales.

Que voulez-vous? Un sage l’a dit il y a long-
temj .

—; On appelle badauderie la curiosité des
autres.

Et ; suis capable de passer, moi aussi, une
h . e stupide à inspecter les polichinelles.

En attendant ceux-là, voyons ceux que l’actua-
lité nous fournit, joujoux à part.

Nos sénateurs et députés se sont dérobés. Ce
ne sont donc pas eux qui m’approvisionneront de
drôleries.

N’allez pas prendre cette constatation pour un
regret, au moins 1

Mieux vaut encore le tohu-bohu des étrennes
que le tohu-bohu des délations.

Ah ! si un Aristophane nous était donné, quels
coups de fouet! Mais, en fait d’Aristophane, nous
n’avons que les parodistes cascades du Grand-
Théâtre.

Ce pauvre Grand-Théâtre! L’adjectif a, déci-
dément, l’air de lui porter malheur.

Ainsi il advint du Grand ministère.

M. Porel aurait-il simplement commis une
grande erreur en voulant soulever un trop lourd
poids? Je le crains.

Jusqu’à présent, à son actif, une reprise et un
pastiche de la Belle Hélène. Comme régénération
de l’art et comme innovation, c’est insuffisant, ce
me semble.

cilL»

En fait de cocasserie, les faits-divers nous ont
régalés de l’histoire d’un guillotiné qui, sur le
point d’être raccourci, aurait fait don, à l’aumô-
nier des dernières minutes, d’un œil de verre
qu’il portait.

Et, ajoutaient les faits-divers, l’excellent au-
mônier a gardé précieusement ce legs.

C’est pousser bien loin le culte des reliques'.

Voyez-vous la scène d’ici?

L’autre dévisse sa prunelle :

— Tenez! mettez ça dans un bocal, en souvenir
de moi.

— Merci. Ça me servira de baromètre.

Comme quoi le burlesque et le lugubre conti-
nuent à vivre sous le régime de la communauté !

X

Vous me permettrez bien, à ce propos, de faire,
malgré mon titre, une petite excursion excep-
tionnelle du côté de l’Angleterre.

Quelle étonnante histoire que celle de cet aris-
tocratique personnage qui, ayant eu une fille na-
turelle, la fait élever à la brochette et en secret !

Quand la fille a eu l’âge de raison, ce facétieux
papa l’a épousée et engrossée.

Peut-être dans le but de se ménager une nou-
velle primeur dans seize ans.

.tonnante, cette façon de considérer la famille
.0’ un garde-manger!

D(C

Mais l’amusant n’est-il pas partout !

Vous vous rappelez la terrible catastrophe de
Saint-Gervais.

Un brave garçon, coiffeur de son état, y fut
vraiment héroïque. Nul ne l’a oublié, et beau-
coup — je suis du nombre — regrettèrent qu’on
n’honorât pas la Légion d'honneur en la lui dé-
cernant.

Mais voilà que ce brave garçon vient de s’éta-
blir ici et qu’il a, raconte-t-on, pris pour en-
seigne : Aux bains Saint-Gervais.

Cette manière d’exploiter un horrible souvenir
m’a quelque peu désillusionné.

Il ne manquerait plus que d’arborer, au-dessus
de la boutique où il va faire des barbes, un ta-
bleau représentant la catastrophe et orné d’un
certain nombre de cadavres.

La réclame est, décidément, la maladie de notre
temps. Une maladie qui s’attaque à tous, comme
vous le voyez.

On est admirable de dévouement d’abord. Puis
il faut que le coup de grosse caisse intervienne.
Le De profundis même se chante avec accom-
pagnement de Dsiml boum! boum!

UN PASSANT.

LE PIOUPIOU( BAULYT” rn?na)

CHERRY BRANDY'-S

Dépôt Principal chez B. ANDOtTARD

v DES G4-* MARQUES DE VINS ET SPIRITUEUX, BORDEAUX



CHRONIQUE DU JOUR

La Ligue pour le droit des femmes va commencer
son tour de France 11 s’agit d’intéresser le public,
et plus spécialement les ouvriers, à la question fé-
minine.

On va commencer par dos réunions publiques. Il
avait même été question de soupes-conférences.
Pourquoi pas des coutures-conférences, dans les-
quelles les femmes auraient posé des boutons aux
gilets des auditeurs, raccommodé le linge et reprisé
les chaussettes, tout en insinuant au public que la
femme est faite pour autre chose que pour distin-
guer entre un pourpoint et un haut-de chausses?

Quelques dames avaient également proposé la
distribution de bulletins par des demoiselles de la
Ligue, vêtues d’un costume spécial. La perspective
de quelques distributrices gentilles, court-vêtues,
genre écossais, n’était pas pour nous faire peur. La
Ligue a trouvé le projet trop «Armée du Salut».

Les jeunes filles ont fait leur apparition dans les
bureaux de poste de Paris. Les guichets ont agréa-
blement changé d’aspect. Rue Lafayette, notamment,
le coup d'œil est charmant.

Eh bien, pensez vous que le public soit satisfait?

— Ah! monsieur, nous disait hier une des jeunes
employées, vous ne croiriez pas qu’un tas dé mes-
sieurs se plaignent de ne plus avoir affaire à des
hommes !

— Et la galanterie?

— Oh! la galanterie! Sur vingt personnes, il n'y
en a pas une seule qui songe à nous regarder!

Vous savez que le Conseil municipal a décidé de-
puis longtemps le transfert des prisonniers à la
campagne : Mazas, Sainte-Pélagie et la Roquette
disparaîtront, et c’est à Fresnes, dans les environs
de Paris, que seront construites les nouvelles pri-
sons.

Une innovation intéressante est à signaler.

Ce sont les détenus eux-mêmes qui seront appelés
à édifier leur propre maison. Douce application du
proverbe : « Comme on fait son lit on se couche. »

On aurait pu trouver un notaire condamné pour
passer l’acte, quelque architecte sous les verroux

iTROP DE ZÈLE!

Les affiches du théâtre municipal, posées parci-
monieusement aux principaux carrefours de la pe-
tite ville, annonçaient en lettres gigantesques :

DÉBUTS DE Mlle ESTHER
Ingénue

Mlle Esther venait remplacer une actrice qui n’a-
vait pas su plaire aux habitants.

En engageant Mlle Esther, le directeur l’avait bien
avertie :

— Ces messieurs de « la société » avaient chassé
l’autre parce qu’elle « était bégueule ».

Et il lui avait recommandé d’aller, avant la repré-
sentation, rendre visite aux membres influents du
cercle, gentiment, comme cela se devait.

Mlle Esther revêtit donc sa plus suave toilette, et
s’en fut faire la tournée de rigueur.

Elle commença — à tout seigneur tout honneur —
par le président du cercle, un célibataire pas très
folichon, mais qui était soupçonné d’avoir un goût
particulier pour les ingénues.

L’excellent homme donna ordre d’introduire
Mlle Esther dans le petit salon, où il ne recevait que
les intimes.

La bonne la fit entrer et referma la porte sur elle.

Aussi ne pourrons-nous savoir ce qui se passa au
cours de cette conversation, qui dura une bonne
demi-heure.

Quand Mlle Esther sortit, elle était fort rouge et,
tout en arpentant ce que la bonne appelait le collidor,
elle tira de sa poche sa boîte à poudre de riz, se
passa délicatement la houppe sur les joues, remit
du rouge à ses lèvres et rajusta sa coiffure.

Il lui restait encore neuf visites à faire.

— Ce sera dur! se dit-elle avec un soupir.

Les neuf abonnés influents la retinrent chacun
plus ou moins longtemps.

Il était sept heures du soir lorsqu’elle eut terminé
ses visites.

Elle rentra et se mit à table en murmurant :

— Heureusement que ce n’est pas tous les jouis
débuts !.. S'ils ne sont pas contents, les influents 1...

Le directeur vint, peu après, lui demander des
nouvelles de ces messieurs.

— Ils sont très gentils, répondit-elle.

— Alors, ma fille, tu es sûre de leurs voix?

— Plus que de la mienne... Parce que, vous savez,
pour chanter les couplets de vaudeville...

— As pas peur .. Avec ma grosse caisse, personne
ne t’entendra. Et puis, dés lors que tu réponds de
ces messieurs, c’est tout le public.

Les débuts étaient pour le lendemain.

Les dix abonnés influents furent exacts. Ils étaient
assis côte à côte dans les dix meilleurs fauteuils

d’orchestre, quelques instants avant le lever du ri-
deau.

Dès son entrée en scène, Mlle Esther, avant même
de saluer le public, eut un sourire circulaire pour
les dix personnages.

Mais ces aristarques ne se déridèrent pas.

Du reste, cela ne troubla pas la folle ingénue; elle
comprit qu'en public, ces messieurs devaient être
plus graves que dans le tète-à-tète.

Et elle attaqua bravement son rôle.

Elle avait justement à dire, dès le début, un mot
à effet sur lequel elle comptait beaucoup.

Comme il n’y avait pas de claque au théâtre,
c’était le directeur lui-même qui, des coulisses, don-
nait le signal des applaudissements.

Mais il eut beau faire, la salle resta muette.

Les dix abonnés étaient impassibles.

Mlle Esther n’était pas au bout de ses étonne-
ments.

Elle avait à débiter, au courant de son rôle, quel-
ques gentillesses de ce genre :

« L’amour? Mais je ne sais pas ce que c’est. »

Ou encore :

« Je vais aller mettre ma fleur d’oranger pour la
cérémonie. »

Chaque fois, les dix abonnés firent entendre des
ricanements.

La salle, qui avait les yeux sur les influents pour
se faire une opinion, comprit qu’on lui produisait
\ encore une ingénue de pacotille.
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