DISSERTATION
SUR LA
BARBARIE,
QUI COMPREND
LES ROYAUMES
DE BARCA, DE TRIPOLI, DE TUNIS,
D'ALGER, DE FEZ ET DE MAROC.
QgSQ^ra^g^Ette partie la plus Septentrionale
^^^^^^^^ de l'Afrique , qui confine l'Egyp-
^^^^^g^ te à l'Orient, elt baignée à l'Oc-
||| ES£H$£ cident par l'Océan Atlantique ;
TOgHSil^ Par la Mer Méditerranée au Nord ;
& le Mont Atlas, le Biledulge-
^||||^K^Krid , & le Desert de Barca la
*â8UMMàmmMfa consinent au Midi. Nos Géogra-
phes conviennent qu'elle a neus cens lieues de lon-
gueur. Mais quant à la largeur les uns difent qua-
tre-vingts lieues tout au plus, & les autres vont jus-
ques à cent trente. L'origine de son nom elt in-
connue, ou du moins fort douteufe. Mais on ne
sauroit nier l'antiquité du terme Barbare ; puifque
la Nation qui se croioit la plus polie, la mieux
civilisée, le donnoit anciennement à toutes les au-
tres. Personne n'ignore non plus ce que Bar-
bare veut dire en bonne & faine Morale , c'elt-à-
dire ce qu'il y a de plus deteltable dans la Société
Humaine.
Comme elle elt toute située dans la Zone tempé-
rée Septentrionale , le climat en elt afsez doux ; le
froid ne s'y sait sentir que dans les hautes Monta-
gnes de l'Atlas , & la chaleur y elt par-tout allez
suportable. Les sailbns y font plus avancées qu'en
Europe : le Printems commence le 2.5"- Février ,
& dure jusques au 18. Mai, & les autres à propor-
tion. Ce qui fait que dès le commencement d'A-
vril tous les Arbres commencent à fleurir , qu'on
y trouve en quelques endroits des Cerifesmûres fur
la fin du même mois, & que dès le milieu de Juil-
let, on y mange abondamment des Pommes , des
Poires, des Prunes & des Railins. H n'y a que fur
les hautes montagnes de l'Atlas, qu'on ne diitingue
ue deux faifons , l'Hiver qui dure depuis le mois
'Octobre jufqu'en Avril , & l'Eté depuis le mois
d'Avril jufques à la fin de Septembre. On y palîè
immédiatement du froid au chaud , & du chaud
au froid fans aucun milieu, parce que ces monta-
gnes étant sort élevées ne reçoivent point la cha-
leur ou la froideur par degrez ; mais qu'elles parti-
cipent tout-à-coup à la qualité de l'air qui les envi-
ronne. Ce climat ne laiiie pas d'être aisez fain, &
le Terroir plus ou moins fertile félon les différens
endroits. On y recueille plusieurs sortes de grains,
quantité de Dates, d'Oranges, de Citrons, d'Oli-
ves, de Figues, de bon Vin, de Melons délicieux
& d'autres sortes de fruits. Il y a aulli force ef-
pèce de bêtes, soit domeltiques, soit sauvages, qui
ne sont point en Europe ; des Chameaux, des
Lions, des Dragons , des Léopards, des Panthè-
res , des Tigres, des Elephans, des Bubales, des
Singes &c. Le Pais nourrit aulli ces chevaux qu'on
appelle Barbes, & dont on fait si grand cas pour
leur bonté toute extraordinaire ; aulli sont-ils
chers & recherchez à proportion. On y voit de
plus des Moutons dont la queue elt d'une grof-
feur prodigieuse , & d'autres Beltiaux qui four-
nilsent des cuirs du meilleur ufage, & sur-tout le
Maroquin. On y pêche beaucoup de Corail, sur
les Côtes.
De cette deseription il est sacile déjuger, dit un
Ecrivain, que la Barbarie elt le plus beau & le meil-
leur Pais de l'Asrique; aulli n'y en a-t-il point dans
cette partie du Monde qui soit plus peuplée. On y
voit trois fortes de Nations dissérentes , des Ara-
bes, des Turcs, & des Afriquainsnaturels. Ceux-
ci font de deux fortes : les uns blancs , qui habi-
tent vers les côtes, & les autres noirs, vers le Bi-
lédulgerid. Ils ont en général l'efprit vis, mais
l'ufage qu'ils font de cette vivacité elt différent fé-
lon les difïêrens genres de vie. Ceux qui habitent
sous des tentes en pleine campagne , comme les
Arabes & les Bergers , font vaillans, laborieux,
doux & libéraux; c'elt la nature toute pure qui les
guide ; & leurs mœurs fe relîèntent de l'ancienne
limplicité. Mais les Habitans des Villes font siers,
vindicatiss , avares & de mauvaiie foi. La Socié-
G x té
a
SUR LA
BARBARIE,
QUI COMPREND
LES ROYAUMES
DE BARCA, DE TRIPOLI, DE TUNIS,
D'ALGER, DE FEZ ET DE MAROC.
QgSQ^ra^g^Ette partie la plus Septentrionale
^^^^^^^^ de l'Afrique , qui confine l'Egyp-
^^^^^g^ te à l'Orient, elt baignée à l'Oc-
||| ES£H$£ cident par l'Océan Atlantique ;
TOgHSil^ Par la Mer Méditerranée au Nord ;
& le Mont Atlas, le Biledulge-
^||||^K^Krid , & le Desert de Barca la
*â8UMMàmmMfa consinent au Midi. Nos Géogra-
phes conviennent qu'elle a neus cens lieues de lon-
gueur. Mais quant à la largeur les uns difent qua-
tre-vingts lieues tout au plus, & les autres vont jus-
ques à cent trente. L'origine de son nom elt in-
connue, ou du moins fort douteufe. Mais on ne
sauroit nier l'antiquité du terme Barbare ; puifque
la Nation qui se croioit la plus polie, la mieux
civilisée, le donnoit anciennement à toutes les au-
tres. Personne n'ignore non plus ce que Bar-
bare veut dire en bonne & faine Morale , c'elt-à-
dire ce qu'il y a de plus deteltable dans la Société
Humaine.
Comme elle elt toute située dans la Zone tempé-
rée Septentrionale , le climat en elt afsez doux ; le
froid ne s'y sait sentir que dans les hautes Monta-
gnes de l'Atlas , & la chaleur y elt par-tout allez
suportable. Les sailbns y font plus avancées qu'en
Europe : le Printems commence le 2.5"- Février ,
& dure jusques au 18. Mai, & les autres à propor-
tion. Ce qui fait que dès le commencement d'A-
vril tous les Arbres commencent à fleurir , qu'on
y trouve en quelques endroits des Cerifesmûres fur
la fin du même mois, & que dès le milieu de Juil-
let, on y mange abondamment des Pommes , des
Poires, des Prunes & des Railins. H n'y a que fur
les hautes montagnes de l'Atlas, qu'on ne diitingue
ue deux faifons , l'Hiver qui dure depuis le mois
'Octobre jufqu'en Avril , & l'Eté depuis le mois
d'Avril jufques à la fin de Septembre. On y palîè
immédiatement du froid au chaud , & du chaud
au froid fans aucun milieu, parce que ces monta-
gnes étant sort élevées ne reçoivent point la cha-
leur ou la froideur par degrez ; mais qu'elles parti-
cipent tout-à-coup à la qualité de l'air qui les envi-
ronne. Ce climat ne laiiie pas d'être aisez fain, &
le Terroir plus ou moins fertile félon les différens
endroits. On y recueille plusieurs sortes de grains,
quantité de Dates, d'Oranges, de Citrons, d'Oli-
ves, de Figues, de bon Vin, de Melons délicieux
& d'autres sortes de fruits. Il y a aulli force ef-
pèce de bêtes, soit domeltiques, soit sauvages, qui
ne sont point en Europe ; des Chameaux, des
Lions, des Dragons , des Léopards, des Panthè-
res , des Tigres, des Elephans, des Bubales, des
Singes &c. Le Pais nourrit aulli ces chevaux qu'on
appelle Barbes, & dont on fait si grand cas pour
leur bonté toute extraordinaire ; aulli sont-ils
chers & recherchez à proportion. On y voit de
plus des Moutons dont la queue elt d'une grof-
feur prodigieuse , & d'autres Beltiaux qui four-
nilsent des cuirs du meilleur ufage, & sur-tout le
Maroquin. On y pêche beaucoup de Corail, sur
les Côtes.
De cette deseription il est sacile déjuger, dit un
Ecrivain, que la Barbarie elt le plus beau & le meil-
leur Pais de l'Asrique; aulli n'y en a-t-il point dans
cette partie du Monde qui soit plus peuplée. On y
voit trois fortes de Nations dissérentes , des Ara-
bes, des Turcs, & des Afriquainsnaturels. Ceux-
ci font de deux fortes : les uns blancs , qui habi-
tent vers les côtes, & les autres noirs, vers le Bi-
lédulgerid. Ils ont en général l'efprit vis, mais
l'ufage qu'ils font de cette vivacité elt différent fé-
lon les difïêrens genres de vie. Ceux qui habitent
sous des tentes en pleine campagne , comme les
Arabes & les Bergers , font vaillans, laborieux,
doux & libéraux; c'elt la nature toute pure qui les
guide ; & leurs mœurs fe relîèntent de l'ancienne
limplicité. Mais les Habitans des Villes font siers,
vindicatiss , avares & de mauvaiie foi. La Socié-
G x té
a