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DISSERTATION
SUR
D E
MADAGASCAR.
|N apelle auslî Madagascar , l*Ile de
^ Lune , l'Ile Dauphine , l'Ile de St.
[I Laurent. Les Auteurs ne s'accor-
1 dent point snr la raiion de ce dernier
' nom : les uns disent qu'elle l'a reçu des
'François, parce qu'ils la découvrirent
lé 10. d'Août jour que l'EgHse Romaine célèbre la
Fête de ce Martyr. D'autres veulent que Fernand
Soures & RodericFriério,Commandansd'une Flo-
te Portugaise qui alloit à la découverte , jettez par
une tempête à Madagascar , dont on n'avoit point
encore entendu p irler ,• lui donnèrent le nom de
St. Laurent, pour faire honneur au Fils de Fran-
çois Almeyde, Général des Portugais dans les Indes,
qui portoit ce nom-là.
Madagascar , que les Naturels du Païs nomment
Madecaile, ell une des plus grandes Iles du Monde.
Les Portugais la découvrirent sur la fin du 15-. fîè-
cle. Elle est située entre le Zanguebar & laCafre-
ïie: elle tient depuis onze jusques à vingt-cinq de-
grez cinquante minutes de Latitude Méridionale ;
qui font trois cens trente-six lieues de longueur.
Cependant d'autres supputent cent cinquante de
l'un, & pas plus de cent pour l'autre.
L'air y est, bon, excepté en quelques endroits où
il le corrompt par les eaux croupissantes. Le ter-
roir est fertile en quantité de choses nécefîàires &
agréables à la vie humaine. Le Païs abonde en
bêtes terrestres & aquatiques, tant bonnes que mau-
vaises : il y a même des mines d'or & d'argent,
mais les Originaires ont la finellè, ou plûtôt la pru-
dence de les cacher aux étrangers. La Religion la
plus commune est l'Idolâtrie , & le reste un Maho-
mctisme défiguré. Les habitans sont ou tous blancs
qui se disent descendus des Arabes, ou noirs qui
sont presque soûmis aux autres. Ceux des Côtes
sont plus sociables & de meilleur commerce , que
ceux qui vivent vers le milieu de l'Ile. Elle est gou-
vernée par des Grands, appeliez en langue du Païs
Dians ; & chacun de ces Seigneurs est absolu dans
son département, On partage cette grande Ile en
vingt-huit Provinces. J'oubliois que sa pointe au
Midi s'élargit \ers le Cap de Bonne Esperance; &
celle au Nord , beaucoup plus étroite , se courbe
vers la Mer des Indes.
Tom. VI.
Cette Ile, qui a huit cens lieues de tour, & lâ
plus grande des Mers connues, a été visitée de tou-
tes les Nations de l'Europe ; mais particulièrement
des Portugais , dés Anglois, des Hollandois, &
des François. Ces derniers furent lés seuls qui tin-
rent bon ; & aiant commencé leur premier établis-
sement en mil six cens quarante-deux , après quel-
ques traverses, vingt-deux ans après , ils seroient
devenus tout-puillàns dans ce Païs-là , sans un ac-
cident causé par un zèle indiscet ; en voici l'his-
toire.
Il y avoit dans le Fort Dauphin, le Chef de la
Colonie , & le Commandant de la Place ; & ces
deux Osficiers, Rivaux en autorité, ne s'accordoient
point. La mort obligea le Chef à quicer la partie:
cela affermit le pouvoir du Commandant ; & pour
éteindre entièrement les prétextes de desunion , il
prit pour soi le Lieutenant du Défunt. Ce Gou-
verneur ne trouvant donc plus d'opposition à son
Commandement , il fit un détachement de trente
hommes de la Colonie,c'est-à-dire trente François,
pour aller en course, en avanture,depuis les Mata-
tanes jusqu'à quatre-vingt lieues vers la Baie de Saint
Augultin, qui regarde le Monomotapa ; & ces Cou-
reurs eurent un succèssiheurcux,qu'en peu de temps
ils asTujettirent cette grande étendue de Païs.
Ensuite on envoya, sous la conduite d'un Roche*
lois , homme distingué pour sa valeur & pour son
mérite militaire , une vingtaine de Soldats pour re*
connoître l'Ile soîxante lieues plus au Nord que les
Matatanes. Enfin un parti de quarante autres Fran-
çois eut l'agrément du Gouverneur pour pénétrer
jusques à la partie de l'Ile la plus voisine du Conti-
nent de l'Afrique , Jk plus haut qu'on n'avoit enco-
re découvert, d'où on se flatoit de revenir, non seu-
lement avec quantité de bétail, mais même chargé
de pierreries.
Ces expéditions, dont on attendoit tant d'avarï--
tages, & par lesquelles on le promettait d'étendre
bien loin la gloire de la Gent Conquérante, pous
ne point dire usnrpatrice ; ces Expéditions, dis-
je, ne dévoient vraisemblablement donner aucune
atteinte au centre de la Puilïanee Françoilè à Ma-
dagascar: cette Puuiance n'avoit plus d'ennemis;
& d'ailleurs tout abondoit chez elle par les Tri-
O o buts
DISSERTATION
SUR
D E
MADAGASCAR.
|N apelle auslî Madagascar , l*Ile de
^ Lune , l'Ile Dauphine , l'Ile de St.
[I Laurent. Les Auteurs ne s'accor-
1 dent point snr la raiion de ce dernier
' nom : les uns disent qu'elle l'a reçu des
'François, parce qu'ils la découvrirent
lé 10. d'Août jour que l'EgHse Romaine célèbre la
Fête de ce Martyr. D'autres veulent que Fernand
Soures & RodericFriério,Commandansd'une Flo-
te Portugaise qui alloit à la découverte , jettez par
une tempête à Madagascar , dont on n'avoit point
encore entendu p irler ,• lui donnèrent le nom de
St. Laurent, pour faire honneur au Fils de Fran-
çois Almeyde, Général des Portugais dans les Indes,
qui portoit ce nom-là.
Madagascar , que les Naturels du Païs nomment
Madecaile, ell une des plus grandes Iles du Monde.
Les Portugais la découvrirent sur la fin du 15-. fîè-
cle. Elle est située entre le Zanguebar & laCafre-
ïie: elle tient depuis onze jusques à vingt-cinq de-
grez cinquante minutes de Latitude Méridionale ;
qui font trois cens trente-six lieues de longueur.
Cependant d'autres supputent cent cinquante de
l'un, & pas plus de cent pour l'autre.
L'air y est, bon, excepté en quelques endroits où
il le corrompt par les eaux croupissantes. Le ter-
roir est fertile en quantité de choses nécefîàires &
agréables à la vie humaine. Le Païs abonde en
bêtes terrestres & aquatiques, tant bonnes que mau-
vaises : il y a même des mines d'or & d'argent,
mais les Originaires ont la finellè, ou plûtôt la pru-
dence de les cacher aux étrangers. La Religion la
plus commune est l'Idolâtrie , & le reste un Maho-
mctisme défiguré. Les habitans sont ou tous blancs
qui se disent descendus des Arabes, ou noirs qui
sont presque soûmis aux autres. Ceux des Côtes
sont plus sociables & de meilleur commerce , que
ceux qui vivent vers le milieu de l'Ile. Elle est gou-
vernée par des Grands, appeliez en langue du Païs
Dians ; & chacun de ces Seigneurs est absolu dans
son département, On partage cette grande Ile en
vingt-huit Provinces. J'oubliois que sa pointe au
Midi s'élargit \ers le Cap de Bonne Esperance; &
celle au Nord , beaucoup plus étroite , se courbe
vers la Mer des Indes.
Tom. VI.
Cette Ile, qui a huit cens lieues de tour, & lâ
plus grande des Mers connues, a été visitée de tou-
tes les Nations de l'Europe ; mais particulièrement
des Portugais , dés Anglois, des Hollandois, &
des François. Ces derniers furent lés seuls qui tin-
rent bon ; & aiant commencé leur premier établis-
sement en mil six cens quarante-deux , après quel-
ques traverses, vingt-deux ans après , ils seroient
devenus tout-puillàns dans ce Païs-là , sans un ac-
cident causé par un zèle indiscet ; en voici l'his-
toire.
Il y avoit dans le Fort Dauphin, le Chef de la
Colonie , & le Commandant de la Place ; & ces
deux Osficiers, Rivaux en autorité, ne s'accordoient
point. La mort obligea le Chef à quicer la partie:
cela affermit le pouvoir du Commandant ; & pour
éteindre entièrement les prétextes de desunion , il
prit pour soi le Lieutenant du Défunt. Ce Gou-
verneur ne trouvant donc plus d'opposition à son
Commandement , il fit un détachement de trente
hommes de la Colonie,c'est-à-dire trente François,
pour aller en course, en avanture,depuis les Mata-
tanes jusqu'à quatre-vingt lieues vers la Baie de Saint
Augultin, qui regarde le Monomotapa ; & ces Cou-
reurs eurent un succèssiheurcux,qu'en peu de temps
ils asTujettirent cette grande étendue de Païs.
Ensuite on envoya, sous la conduite d'un Roche*
lois , homme distingué pour sa valeur & pour son
mérite militaire , une vingtaine de Soldats pour re*
connoître l'Ile soîxante lieues plus au Nord que les
Matatanes. Enfin un parti de quarante autres Fran-
çois eut l'agrément du Gouverneur pour pénétrer
jusques à la partie de l'Ile la plus voisine du Conti-
nent de l'Afrique , Jk plus haut qu'on n'avoit enco-
re découvert, d'où on se flatoit de revenir, non seu-
lement avec quantité de bétail, mais même chargé
de pierreries.
Ces expéditions, dont on attendoit tant d'avarï--
tages, & par lesquelles on le promettait d'étendre
bien loin la gloire de la Gent Conquérante, pous
ne point dire usnrpatrice ; ces Expéditions, dis-
je, ne dévoient vraisemblablement donner aucune
atteinte au centre de la Puilïanee Françoilè à Ma-
dagascar: cette Puuiance n'avoit plus d'ennemis;
& d'ailleurs tout abondoit chez elle par les Tri-
O o buts