DAVID S’ÉTABLIT A BRUXELLES
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d’eux leur maître, dont la haute expérience et les savants travaux allaient jeter un nouveau
lustre sur les arts de leur patrie.
Si les satisfactions de l’amour-propre sont assez puissantes pour consoler de la mau-
vaise fortune, David fut bientôt à même de ne plus regretter son sort, car l’étranger
s’empressait de justifier en lui ces paroles prononcées par le député Ganilh dans la discus-
sion sur la loi ^amnistie : « Les crimes politiques, avait-il dit, ne se jugent pas du même
œil que les crimes privés, et les hommes bannis pour de pareilles causes, trouvent, à
l’étranger, où ils portent leurs talents, leur industrie, leur fortune, asile, protection et même
des honneurs. »
En effet, à peine avait-il quitté la France, que David recevait du Roi de Prusse
l’invitation à venir se fixer à Berlin, pour y prendre la direction des beaux-arts. Le
comte de Goltz, ambassadeur de ce prince près la cour de France, lui transmettait ainsi
les intentions de son maître :
« Paris, 12 mars 1816.
» Monsieur,
» Le Roi, mon maître, me charge de vous faire savoir que Sa Majesté, charmée de
fixer un artiste aussi distingué que vous, aimerait que vous vinssiez vous établir dans sa
capitale, où Sa Majesté est disposée à vous procurer une existence agréable, et les secours
dont vous pourriez avoir besoin.
» Votre départ pour Bruxelles ne me permettant pas de m’entretenir avec vous
des intentions de Sa Majesté, je vous engage à écrire de suite, directement, à
S. A. Mgr le prince de Hardenberg, auquel vous ferez connaître vos vœux. Je prends
toutefois le parti de vous adresser un passeport, avec lequel vous vous rendrez, si vous le
voulez, à Berlin, où vous trouverez un accueil digne de vos talents. Si cependant vous
étiez décidé à ne pas vous servir de mon passeport, je m’attends à ce que vous me le
renverrez, en adressant votre lettre à M. Conrad, directeur des postes militaires prussiennes
à Sedan.
» Agréez, Monsieur, etc.
» Le comte de Goltz. »
A cette lettre en était jointe une autre de la main d’Alexandre de Humboldt,
collègue de David à l’institut, dans laquelle ce savant distingué expliquait mieux la
pensée du Roi :
« Paris, le 12 mars, quai Malaquais, n° 3.
« Monsieur et très honoré collègue,
» Mon ami, le comte de Goltz, ministre de Prusse à Paris, a eu des lettres de la chan-
cellerie d’État, du prince de Hardenberg, dans lesquelles on lui dit :
» Un homme célèbre, M. David, se trouvant sur la liste des proscrits, Sa Majesté le
Roi de Prusse croyait faire une chose infiniment utile au progrès des arts, en engageant
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d’eux leur maître, dont la haute expérience et les savants travaux allaient jeter un nouveau
lustre sur les arts de leur patrie.
Si les satisfactions de l’amour-propre sont assez puissantes pour consoler de la mau-
vaise fortune, David fut bientôt à même de ne plus regretter son sort, car l’étranger
s’empressait de justifier en lui ces paroles prononcées par le député Ganilh dans la discus-
sion sur la loi ^amnistie : « Les crimes politiques, avait-il dit, ne se jugent pas du même
œil que les crimes privés, et les hommes bannis pour de pareilles causes, trouvent, à
l’étranger, où ils portent leurs talents, leur industrie, leur fortune, asile, protection et même
des honneurs. »
En effet, à peine avait-il quitté la France, que David recevait du Roi de Prusse
l’invitation à venir se fixer à Berlin, pour y prendre la direction des beaux-arts. Le
comte de Goltz, ambassadeur de ce prince près la cour de France, lui transmettait ainsi
les intentions de son maître :
« Paris, 12 mars 1816.
» Monsieur,
» Le Roi, mon maître, me charge de vous faire savoir que Sa Majesté, charmée de
fixer un artiste aussi distingué que vous, aimerait que vous vinssiez vous établir dans sa
capitale, où Sa Majesté est disposée à vous procurer une existence agréable, et les secours
dont vous pourriez avoir besoin.
» Votre départ pour Bruxelles ne me permettant pas de m’entretenir avec vous
des intentions de Sa Majesté, je vous engage à écrire de suite, directement, à
S. A. Mgr le prince de Hardenberg, auquel vous ferez connaître vos vœux. Je prends
toutefois le parti de vous adresser un passeport, avec lequel vous vous rendrez, si vous le
voulez, à Berlin, où vous trouverez un accueil digne de vos talents. Si cependant vous
étiez décidé à ne pas vous servir de mon passeport, je m’attends à ce que vous me le
renverrez, en adressant votre lettre à M. Conrad, directeur des postes militaires prussiennes
à Sedan.
» Agréez, Monsieur, etc.
» Le comte de Goltz. »
A cette lettre en était jointe une autre de la main d’Alexandre de Humboldt,
collègue de David à l’institut, dans laquelle ce savant distingué expliquait mieux la
pensée du Roi :
« Paris, le 12 mars, quai Malaquais, n° 3.
« Monsieur et très honoré collègue,
» Mon ami, le comte de Goltz, ministre de Prusse à Paris, a eu des lettres de la chan-
cellerie d’État, du prince de Hardenberg, dans lesquelles on lui dit :
» Un homme célèbre, M. David, se trouvant sur la liste des proscrits, Sa Majesté le
Roi de Prusse croyait faire une chose infiniment utile au progrès des arts, en engageant