n Décembre 1876. L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
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à vous si je ne la retrouve pas aussi pure qu'elle est
à présent, avec tout son capital.
La tante fut si interloquée qu'elle demeura près
d'une minute la main en L'air avec une prise dans le
creux du poignet. À la fin, elle reprit sa contenance
et tèndit.sa tabatière à la souris en lui demandant:
— En usez-vous, madame?
— Merci, madame, vous êtes bien bonne ! Et là-
dessus, elle s'esquiva, car l'odeur du tabac l'incom-
modait.
Félicité fut bien épeurée du départ de son amie,
aussi se promit-elle la plus grande prudence.
La souris, de son côté, se déguisa en étincelle élec-
trique et partit pour l'Amérique en filant sur le
câble sous-marin. Après avoir exploré le pays, elle
entra dans une grande République. Le fils du prési-
dent était beau comme le jour et avait toutes les
qualités; seulement La souris savait par ses relations
qu'il était enrhumé du cerveau.
Én conséquence, elle mit une cravate de grand
médecin et lui persuada de voyager, de se distraire
et de commencer par venir à Paris, afin de retenir
en passant ses appartements pour l'Exposition uUi-
verselle. Le fils du président de la République par-
tit le lendemain, avec sa suite, et un mois après il
débarquait à l'Hôtel du Louvre.
La souris riait en elle-même de voir comme tout
allait bien; il va sans dire qu'elle était revenue rue
du Clos-Georgeau aussitôt après sa consultation.
Elle se déguisa en Amour paternel,et mit dans l'âme
du fils du président de la République un vif désir
de se marier avec une Parisienne, tellement que tous
les matins il se réveillait en disant à sa suite :
— Nom de nom, ma suite, comme j'ai envie
d'épouser une Parisienne !
La souris, enchantée de ces paroles, courut à son
sac à malicçs et se déguisa sous les traits do M. de
Foy, avec un beau faux-côl, un jabot, et un sourire
HISTOIRE DE WAGON (Suite)
— Le vil assassin a un revolver, — Il tire le coussin, il veut étoulfer — L'infïime va me cribler comme — Mais je vendrai chèrement ma
parons la mort avec ce coussin... mes cris... Faut-il mourir si jeune !... une cible... Oh ! Providence!... peau... armons-nous de courage !..
fin et lumineux comme le premier croissant de la
lune.
Elle alla à l'hôtel du Louvre et demanda à parler
au fils du président de la République. Celui-ci la fit
•entrer de suite.
— Monsieur le fils du président de la République,
dit la souris avec la voix du fameux marieur, je vous
présente mes civilités.
— Moi aussi, monsieur. A quoi dois-je le plaisir
de vous voir?
— Monsieur le fils du président de la République,
voici en deux mots : J'ai parmi mes beautés une
demoiselle que je réservais au plus beau des fils des
présidents des Républiques. J'ose dire que c'est
vous, et qu'un morceau comme elle no convient
qu'à un morceau comme vous !
Le fils du président de la République se sentit
rougir de plaisir ; cependant son maître des
requêtes qui était là, et qui avait une expérience
considérable, demanda :
— A-t-elle beaucoup d'argent?
— Ali! monsieur le graud-maitre des requêtes, fît
le. faux M. de Foy avec finesse, elle a des dettes
énormes.
Il parlait ainsi pour l'éprouver.
— Rah ! fit aussitôt le fils du président de la Ré-
publique, je vous les donne pour vos peines; lais-
sons là les questions d'argent, de grâce...
— Merci infiniment, fit la souris en riant comme
une folle de voir un président de la République si
pratique.
— Donnez-moi rendez-vous ce soir, de façon à ce
que je voie la demoiselle sans être aperçu, et vous
me présenterez sans avoir l'air de rien.
— Rien ! Ce soir à l'Opéra-Gomique. Voici le cou-
pon de la loge.
— J'y serai.
— Nous aussi !
La souris rentra lestement rue du Clos-Georgeau
et dit à Félicité :
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à vous si je ne la retrouve pas aussi pure qu'elle est
à présent, avec tout son capital.
La tante fut si interloquée qu'elle demeura près
d'une minute la main en L'air avec une prise dans le
creux du poignet. À la fin, elle reprit sa contenance
et tèndit.sa tabatière à la souris en lui demandant:
— En usez-vous, madame?
— Merci, madame, vous êtes bien bonne ! Et là-
dessus, elle s'esquiva, car l'odeur du tabac l'incom-
modait.
Félicité fut bien épeurée du départ de son amie,
aussi se promit-elle la plus grande prudence.
La souris, de son côté, se déguisa en étincelle élec-
trique et partit pour l'Amérique en filant sur le
câble sous-marin. Après avoir exploré le pays, elle
entra dans une grande République. Le fils du prési-
dent était beau comme le jour et avait toutes les
qualités; seulement La souris savait par ses relations
qu'il était enrhumé du cerveau.
Én conséquence, elle mit une cravate de grand
médecin et lui persuada de voyager, de se distraire
et de commencer par venir à Paris, afin de retenir
en passant ses appartements pour l'Exposition uUi-
verselle. Le fils du président de la République par-
tit le lendemain, avec sa suite, et un mois après il
débarquait à l'Hôtel du Louvre.
La souris riait en elle-même de voir comme tout
allait bien; il va sans dire qu'elle était revenue rue
du Clos-Georgeau aussitôt après sa consultation.
Elle se déguisa en Amour paternel,et mit dans l'âme
du fils du président de la République un vif désir
de se marier avec une Parisienne, tellement que tous
les matins il se réveillait en disant à sa suite :
— Nom de nom, ma suite, comme j'ai envie
d'épouser une Parisienne !
La souris, enchantée de ces paroles, courut à son
sac à malicçs et se déguisa sous les traits do M. de
Foy, avec un beau faux-côl, un jabot, et un sourire
HISTOIRE DE WAGON (Suite)
— Le vil assassin a un revolver, — Il tire le coussin, il veut étoulfer — L'infïime va me cribler comme — Mais je vendrai chèrement ma
parons la mort avec ce coussin... mes cris... Faut-il mourir si jeune !... une cible... Oh ! Providence!... peau... armons-nous de courage !..
fin et lumineux comme le premier croissant de la
lune.
Elle alla à l'hôtel du Louvre et demanda à parler
au fils du président de la République. Celui-ci la fit
•entrer de suite.
— Monsieur le fils du président de la République,
dit la souris avec la voix du fameux marieur, je vous
présente mes civilités.
— Moi aussi, monsieur. A quoi dois-je le plaisir
de vous voir?
— Monsieur le fils du président de la République,
voici en deux mots : J'ai parmi mes beautés une
demoiselle que je réservais au plus beau des fils des
présidents des Républiques. J'ose dire que c'est
vous, et qu'un morceau comme elle no convient
qu'à un morceau comme vous !
Le fils du président de la République se sentit
rougir de plaisir ; cependant son maître des
requêtes qui était là, et qui avait une expérience
considérable, demanda :
— A-t-elle beaucoup d'argent?
— Ali! monsieur le graud-maitre des requêtes, fît
le. faux M. de Foy avec finesse, elle a des dettes
énormes.
Il parlait ainsi pour l'éprouver.
— Rah ! fit aussitôt le fils du président de la Ré-
publique, je vous les donne pour vos peines; lais-
sons là les questions d'argent, de grâce...
— Merci infiniment, fit la souris en riant comme
une folle de voir un président de la République si
pratique.
— Donnez-moi rendez-vous ce soir, de façon à ce
que je voie la demoiselle sans être aperçu, et vous
me présenterez sans avoir l'air de rien.
— Rien ! Ce soir à l'Opéra-Gomique. Voici le cou-
pon de la loge.
— J'y serai.
— Nous aussi !
La souris rentra lestement rue du Clos-Georgeau
et dit à Félicité :
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Histoire de wagon (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)