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tous à l’accomplissement harmonieux de l’ensemble de ses fonctions.
Spencer a vu les astres nus s’échapper de la nébuleuse, se solidifier
peu à peu, l’eau se condenser à leur surface, la vie élémentaire sourdre
de l’eau, diversifier ses apparences, pousser tous les jours plus haut
ses branches, ses rameaux, ses fruits, et, comme une fleur sphérique
s’ouvre pour livrer sa poussière à l’espace, le cœur du monde s’épa-
nouir dans ses formes multipliées. Mais il semble qu’un désir obscur
de retourner à ses origines gouverne l’univers. Les planètes, sorties
du soleil, ne peuvent s’arracher au cercle de sa force, comme si elles
voulaient s’y replonger. L’atome sollicite l’atome, et tous les orga-
nismes vivants, issus d’une même cellule, cherchent des organismes
vivants pour refaire cette cellule en s’abîmant en eux... Ainsi le juste
quand il se contente de vivre, ainsi le savant, ainsi l’artiste quand ils
pénètrent côte à côte dans le monde des formes et des sentiments,
font remonter à leur conscience la route qu’elle a parcourue pour
passer de son ancienne homogénéité à sa diversité actuelle, et dans un
héroïque effort, recréent l’unité primitive.
Que l’artiste ait donc l’orgueil de sa vie illuminée et douloureuse !
De ces annonciateurs de l’espérance, il a le rôle le plus haut. Il peut
dans tous les cas le conquérir. L’action scientifique, l’action sociale
portent en elles une signification assez définie pour se suffire. L’art
touche à la science par le monde formel qui est l’élément de son œuvre,
il entre dans le plan social en s’adressant à notre faculté d’aimer. Il y a de
grands savants qui ne savent pas émouvoir, de grands hommes de bien
qui ne savent pas raisonner. Il n’y a pas un héros de l’art qui ne soit
en même temps, par l’âpre et longue conquête de son moyen d’expres-
sion, un héros de la connaissance, un héros humain par le cœur. Quand
il sent vivre en lui la terre et l’espace, et tout ce qui remue, et tout ce
qui vit, même tout ce qui paraît mort, jusqu’au tissu des pierres,
comment n’y sentirait-il pas vivre aussi les émotions, les passions, les
souffrances de ceux qui sont faits comme lui? Qu’il le sache ou non,
qu’il le veuille ou non, son œuvre est solidaire de l’œuvre des artistes
d’hier et des artistes de demain, elle révèle aux hommes d’aujourd’hui
la solidarité de leur effort. Toute l’action du temps, toute l’action de
l’étendue aboutissent à son action. C’est à lui qu’il appartient d’af-
firmer l’accord de la pensée de Jésus, de la pensée de Newton et de la
pensée de Lamarck. Et c’est pour cela qu’il est nécessaire que Phidias
et Rembrandt se reconnaissent et que nous nous reconnaissions en eux.

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