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MANTINÉE ET l'aRCADIE ORIENTALE.
vertu n'a rien à faire avec les occupations des artisans, des
marchands et des salariés. De plus, à circuler autour de l'agora
et dans les rues, tous ces gens-là prennent facilement l'habitude
de se réunir en assemblée, tandis que les cultivateurs, dissé-
minés dans les terres, n'ont pas l'occasion de se rencontrer et
n'éprouvent pas le môme besoin de s'assembler. Lorsque le
pays est constitué de telle sorte que les terres sont à grande
distance de la ville, il est aisé d'établir une démocratie et un
gouvernement excellents : car le peuple est forcé d'émigré'-
aux champs (1). S'il y a une plèbe urbaine, il lui sera interdit,
dans de pareilles démocraties, de former des assemblées sans
le concours de la masse des campagnards (2) ».
Dans sa Politique, Aristote juge les gouvernements plutôt en
théoricien qu'en historien; ses définitions ont un caractère
général et idéal, mais les lignes essentielles en sont empruntées
à des exemples particuliers. En esquissant le tableau de la
démocratie rurale, Aristote avait dans l'esprit un modèle réel
qu'il est aisé de reconnaître, puisqu'aussi bien il le cite lui-
même : c'était la république de Mantinée. Les traits parti-
culiers qui devaient déterminer la forme politique de cet Etat
se déduisent des recherches précédentes sur la constitution du
sol, et sur l'origine de la population. Ce sont exactement les
mêmes qu'Aristote a signalés comme des facteurs de la bonne
démocratie.
Le peuple niantinéen réunit le caractère agricole et pastoral.
Le sol morcelé en petits domaines par les chaînons, par la
diversité des terres et par la répartition des eaux se prête à la
culture variée et à la petite propriété (3). L'absence de capital
industriel et commercial oblige le citoyen à travailler pour
vivre. Il vit d'ordinaire loin de l'agora parce que son domaine
réclame de lui une vigilance assidue : cultivateur, il lui faut,
défendre sa terre contre le caprice des eaux, faire boire son
champ sans détremper du même coup ni assoilîer celui du
voisin. Seul le citoyen libre et responsable peut mener à bien
cette tâche délicate. Propriétaire de troupeaux, il doit leur
assurer de bons pâturages, les protéger contre les vols et. les
bêtes fauves, diriger ses bergers, surveiller ses laitages et la
(1) Voy. sur la vie rurale en Grèce, Guiraud. Propriété foric. en Grèce, p-
09 et suiv. et p. 448.
(2) Aristote. Politique éd. Susemihl. VII (VI), 4, p. 1318b 0x 1319».
(3) L'inscription archaïque publiée aux appendices, mentionne des lois
(Xp7]|xâT(i)V x'o \iyoz), qui représentent les domaines héréditaires.
MANTINÉE ET l'aRCADIE ORIENTALE.
vertu n'a rien à faire avec les occupations des artisans, des
marchands et des salariés. De plus, à circuler autour de l'agora
et dans les rues, tous ces gens-là prennent facilement l'habitude
de se réunir en assemblée, tandis que les cultivateurs, dissé-
minés dans les terres, n'ont pas l'occasion de se rencontrer et
n'éprouvent pas le môme besoin de s'assembler. Lorsque le
pays est constitué de telle sorte que les terres sont à grande
distance de la ville, il est aisé d'établir une démocratie et un
gouvernement excellents : car le peuple est forcé d'émigré'-
aux champs (1). S'il y a une plèbe urbaine, il lui sera interdit,
dans de pareilles démocraties, de former des assemblées sans
le concours de la masse des campagnards (2) ».
Dans sa Politique, Aristote juge les gouvernements plutôt en
théoricien qu'en historien; ses définitions ont un caractère
général et idéal, mais les lignes essentielles en sont empruntées
à des exemples particuliers. En esquissant le tableau de la
démocratie rurale, Aristote avait dans l'esprit un modèle réel
qu'il est aisé de reconnaître, puisqu'aussi bien il le cite lui-
même : c'était la république de Mantinée. Les traits parti-
culiers qui devaient déterminer la forme politique de cet Etat
se déduisent des recherches précédentes sur la constitution du
sol, et sur l'origine de la population. Ce sont exactement les
mêmes qu'Aristote a signalés comme des facteurs de la bonne
démocratie.
Le peuple niantinéen réunit le caractère agricole et pastoral.
Le sol morcelé en petits domaines par les chaînons, par la
diversité des terres et par la répartition des eaux se prête à la
culture variée et à la petite propriété (3). L'absence de capital
industriel et commercial oblige le citoyen à travailler pour
vivre. Il vit d'ordinaire loin de l'agora parce que son domaine
réclame de lui une vigilance assidue : cultivateur, il lui faut,
défendre sa terre contre le caprice des eaux, faire boire son
champ sans détremper du même coup ni assoilîer celui du
voisin. Seul le citoyen libre et responsable peut mener à bien
cette tâche délicate. Propriétaire de troupeaux, il doit leur
assurer de bons pâturages, les protéger contre les vols et. les
bêtes fauves, diriger ses bergers, surveiller ses laitages et la
(1) Voy. sur la vie rurale en Grèce, Guiraud. Propriété foric. en Grèce, p-
09 et suiv. et p. 448.
(2) Aristote. Politique éd. Susemihl. VII (VI), 4, p. 1318b 0x 1319».
(3) L'inscription archaïque publiée aux appendices, mentionne des lois
(Xp7]|xâT(i)V x'o \iyoz), qui représentent les domaines héréditaires.