i.DM'.I.rSION .
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l'esprit de conquête à Sparte avec Agis et Cléomène rétablit
les positions comme au Ve siècle : l'ennemi au sud, le
sauveur au nord, non plus Athènes cette fois, mais l'Achaïe :
Mantinée fraternise donc avec Aratos (234). Mais voici que
l'Achéen libérateur se change en tyran, comme jadis le
Thébain. Nouvelle interversion : le Spartiate reparaît
comme défenseur de l'autonomie péloponnésienne, et
Mantinée l'adopte. Dans ce duel suprême, où Aratos appelle
à la rescousse le Macédonien, Mantinée et « le lion de
Sparte » succombent. Dès lors l'équilibre est rompu dans le
Péloponnèse ; l'union se fait par l'abdication de toutes les
indépendances et Mantinée marche comme un simple
hoplite à la voix des stratèges achéens.
Dans toutes ces péripéties, Mantinée comprend et accepte
vaillamment les devoirs et les charges de sa position inter-
médiaire au centre des factions adverses. Les succès de son
parti ne lui profitent guère ; s'ils lui assurent pour un
temps l'indépendance, ils ne lui procurent pas la souve-
raineté, parce que la nature lui a refusé l'espace et l'a
entourée de barrières. Elle ne peut ni rester neutre ni
devenir omnipotente. Aussi les revers retombent-ils lour-
dement sur elle, quand elle demeure isolée au milieu de
ses ennemis. Ce rôle ingrat auquel elle ne peut ni ne veut
se dérober lui a valu une triste réputation : son nom est
devenu synonyme de cimelière des armées grecques. Mais
il y aurait injustice à ne pas lui reconnaître d'autres titres
à la gloire. Dans de pareilles conditions, la lullepourla
vie équivalait à un sacrifice perpétuel et s'accompagnait
d'effroyables angoisses. Aussi Mantinée doit-elle prendre
place parmi les plus intéressants martyrs des vices poli-
tiques de la Grèce. Le malheur était un levain d'héroïsme
et les catastrophes surexcitaient, chez les victimes, l'âpre
désir de revivre. Mantinée a suppléé à sa faiblesse maté-
rielle par d'admirables qualités morales : un ressort
merveilleux ; un sens de la dignité et de la justice avivé
par la menace ; un amour de la patrie et de l'indépendance
aiguisé par l'impossibilité du repos. Au milieu de ses tracas,
ce peuple n'a pas borné son ambition, comme les ïégéates,
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l'esprit de conquête à Sparte avec Agis et Cléomène rétablit
les positions comme au Ve siècle : l'ennemi au sud, le
sauveur au nord, non plus Athènes cette fois, mais l'Achaïe :
Mantinée fraternise donc avec Aratos (234). Mais voici que
l'Achéen libérateur se change en tyran, comme jadis le
Thébain. Nouvelle interversion : le Spartiate reparaît
comme défenseur de l'autonomie péloponnésienne, et
Mantinée l'adopte. Dans ce duel suprême, où Aratos appelle
à la rescousse le Macédonien, Mantinée et « le lion de
Sparte » succombent. Dès lors l'équilibre est rompu dans le
Péloponnèse ; l'union se fait par l'abdication de toutes les
indépendances et Mantinée marche comme un simple
hoplite à la voix des stratèges achéens.
Dans toutes ces péripéties, Mantinée comprend et accepte
vaillamment les devoirs et les charges de sa position inter-
médiaire au centre des factions adverses. Les succès de son
parti ne lui profitent guère ; s'ils lui assurent pour un
temps l'indépendance, ils ne lui procurent pas la souve-
raineté, parce que la nature lui a refusé l'espace et l'a
entourée de barrières. Elle ne peut ni rester neutre ni
devenir omnipotente. Aussi les revers retombent-ils lour-
dement sur elle, quand elle demeure isolée au milieu de
ses ennemis. Ce rôle ingrat auquel elle ne peut ni ne veut
se dérober lui a valu une triste réputation : son nom est
devenu synonyme de cimelière des armées grecques. Mais
il y aurait injustice à ne pas lui reconnaître d'autres titres
à la gloire. Dans de pareilles conditions, la lullepourla
vie équivalait à un sacrifice perpétuel et s'accompagnait
d'effroyables angoisses. Aussi Mantinée doit-elle prendre
place parmi les plus intéressants martyrs des vices poli-
tiques de la Grèce. Le malheur était un levain d'héroïsme
et les catastrophes surexcitaient, chez les victimes, l'âpre
désir de revivre. Mantinée a suppléé à sa faiblesse maté-
rielle par d'admirables qualités morales : un ressort
merveilleux ; un sens de la dignité et de la justice avivé
par la menace ; un amour de la patrie et de l'indépendance
aiguisé par l'impossibilité du repos. Au milieu de ses tracas,
ce peuple n'a pas borné son ambition, comme les ïégéates,