154 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
éblouis de l'éclat que répandaient des richesses merveilleuses jetées à
profusion sur ce sol généreux, et que les architectes, leurs devanciers,
fermant les yeux à la lumière, n'avaient pas aperçues, ou, pour mieux
dire, n'avaient pas voulu voir. Pour eux, leurs regards embrassèrent tout
ce vaste horizon. A côté des temples en ruine, ils virent les églises et les
basiliques debout. A côté des palais couchés dans la poussière, près des
thermes écroulés, ils virent les palais pleins de vie des seigneurs romains.
Sur les voies antiques, ils admiraient ces villas, ces jardins, que l'art de
la Renaissance avait semés au milieu de tant de débris. En présence de
ces beautés, ils firent deux parts de leur vie : l'une, consacrée aux
devoirs imposés aux pensionnaires, appartenait à la Rome des Césars;
l'autre, que de vaines distractions auraient pu emporter, fut consacrée
à la cité moderne. M. Fontaine rend ainsi compte de ces doubles tra-
vaux : (( Dès le grand matin, nous allions chaque jour explorer, dessiner,
mesurer tous les édifices dans lesquels nous trouvions des traces du bon
goût qui, pendant le xve et le xvie siècle, régna en Italie. Nous rentrions
ensuite chacun chez nous, pour mettre au net les fruits de la récolte de
chaque jour. Ainsi nous passions le temps, ne négligeant en aucun point
les règlements du pensionnat1 ».
Dans l'éblouissement de la première heure, à son arrivée à Rome,
Percier traverse cette crise si fréquente chez les lauréats du grand prix2,
un état d'abattement, d'étourdissement qui le laissa tout d'abord inca-
pable d'aucune application, d'aucun travail sérieux. Il fut arraché à cette
torpeur contemplative par un jeune pensionnaire, son aîné de deux ans
à l'Académie, Jean Drouais3.
4. Ces dessins et ces études leur servirent pour la publication de leurs ouvrages
sur les Palais et maisons de Rome et sur les Maisons de plaisance de l'Italie ; cetle
publication les aida à supporter les mauvais jours qui les attendaient à leur retour
dans leur patrie. — Éloge de Fontaine, par Halévy.
2. Près d'un siècle plus tard, notre grand statuaire Carpeaux subissait la même
émotion et en éprouvait les mêmes effets. « Sa première sensation fut une sorte d'en-
vahissement de bonheur tel qu'il pensa un moment ne plus rien faire que de jouir en
dileitante. » {Le Statuaire J.-B. Carpeaux, sa vie et son œuvre, par Ernest Chesneau.
'I vol. in-8°. Paris, chez A. Quantin, imprimeur-éditeur.)
3. Jean-Germain Drouais, né à Paris le 25 novembre 4763, mort à Rome le 13 fé-
vrier '1788, élève de David, obtint le grand prix de peinture au concours de 1784. Son
tableau le Christ et la Chananéenne, qui est au Louvre, étonna toute l'Académie et
excita un véritable enthousiasme parmi la jeunesse artiste. Il mourut à vingt-cinq ans,
à Rome, de la petite vérole. Ses camarades le pleurèrent comme un frère et lui éle-
vèrent, dans l'église Sanla-Maria in via Lala, un monument en marbre, dont les
sculptures furent exécutées par le statuaire Claude Michalon, son ami, comme lui pen-
sionnaire de l'Académie, d'après les dessins de Percier et Fontaine.
éblouis de l'éclat que répandaient des richesses merveilleuses jetées à
profusion sur ce sol généreux, et que les architectes, leurs devanciers,
fermant les yeux à la lumière, n'avaient pas aperçues, ou, pour mieux
dire, n'avaient pas voulu voir. Pour eux, leurs regards embrassèrent tout
ce vaste horizon. A côté des temples en ruine, ils virent les églises et les
basiliques debout. A côté des palais couchés dans la poussière, près des
thermes écroulés, ils virent les palais pleins de vie des seigneurs romains.
Sur les voies antiques, ils admiraient ces villas, ces jardins, que l'art de
la Renaissance avait semés au milieu de tant de débris. En présence de
ces beautés, ils firent deux parts de leur vie : l'une, consacrée aux
devoirs imposés aux pensionnaires, appartenait à la Rome des Césars;
l'autre, que de vaines distractions auraient pu emporter, fut consacrée
à la cité moderne. M. Fontaine rend ainsi compte de ces doubles tra-
vaux : (( Dès le grand matin, nous allions chaque jour explorer, dessiner,
mesurer tous les édifices dans lesquels nous trouvions des traces du bon
goût qui, pendant le xve et le xvie siècle, régna en Italie. Nous rentrions
ensuite chacun chez nous, pour mettre au net les fruits de la récolte de
chaque jour. Ainsi nous passions le temps, ne négligeant en aucun point
les règlements du pensionnat1 ».
Dans l'éblouissement de la première heure, à son arrivée à Rome,
Percier traverse cette crise si fréquente chez les lauréats du grand prix2,
un état d'abattement, d'étourdissement qui le laissa tout d'abord inca-
pable d'aucune application, d'aucun travail sérieux. Il fut arraché à cette
torpeur contemplative par un jeune pensionnaire, son aîné de deux ans
à l'Académie, Jean Drouais3.
4. Ces dessins et ces études leur servirent pour la publication de leurs ouvrages
sur les Palais et maisons de Rome et sur les Maisons de plaisance de l'Italie ; cetle
publication les aida à supporter les mauvais jours qui les attendaient à leur retour
dans leur patrie. — Éloge de Fontaine, par Halévy.
2. Près d'un siècle plus tard, notre grand statuaire Carpeaux subissait la même
émotion et en éprouvait les mêmes effets. « Sa première sensation fut une sorte d'en-
vahissement de bonheur tel qu'il pensa un moment ne plus rien faire que de jouir en
dileitante. » {Le Statuaire J.-B. Carpeaux, sa vie et son œuvre, par Ernest Chesneau.
'I vol. in-8°. Paris, chez A. Quantin, imprimeur-éditeur.)
3. Jean-Germain Drouais, né à Paris le 25 novembre 4763, mort à Rome le 13 fé-
vrier '1788, élève de David, obtint le grand prix de peinture au concours de 1784. Son
tableau le Christ et la Chananéenne, qui est au Louvre, étonna toute l'Académie et
excita un véritable enthousiasme parmi la jeunesse artiste. Il mourut à vingt-cinq ans,
à Rome, de la petite vérole. Ses camarades le pleurèrent comme un frère et lui éle-
vèrent, dans l'église Sanla-Maria in via Lala, un monument en marbre, dont les
sculptures furent exécutées par le statuaire Claude Michalon, son ami, comme lui pen-
sionnaire de l'Académie, d'après les dessins de Percier et Fontaine.