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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
désespérer de connaître un jour le nom de l’original. Mais, sans attendre
un résultat si désirable, il est indispensable de déclarer dès à présent que
nous sommes en présence d’une bonne, sincère et loyale sculpture, et de
venger sans plus tarder le talent et l’honneur méconnus du vieil imager
italien. En effet, notre pièce plaide elle-même et fort éloquemment sa
cause. O11 peut affirmer qu’elle est absolument authentique et qu’elle est
bien l’œuvre directe d’un sculpteur italien de la fin du xve siècle ou du
commencement du xvie. L’exécution est exactement celle de cette époque.
Le marbre est travaillé et poli comme on le travaillait et on le polissait
alors dans tous les endroits destinés à être vus. Les parties en creux
sont coupées brusquement et tous les trous de la mèche ou du trépan
sont encore parfaitement visibles. L’artiste ne s’est pas donné la peine de
terminer partout son œuvre. Le dessous des cheveux est creusé à coups de
mèche qu’on peut très bien compter. Ce travail libre, large, brusque,
saccadé, improvisé et interrompu est un signe certain d’authenticité. Le
dessous du buste est évidé, ainsi que dans toutes les œuvres similaires
du xve siècle. Malheureusement, le nom de l’artiste ne s’y trouve pas
gravé, comme c’est le cas pour un certain nombre de bustes.
Beauvallet, Deseine, Michallon, Loucou et les autres restaurateurs atti-
trés du Musée des monuments français ne traitaient pas ainsi leurs
œuvres. Ils finissaient partout avec le même soin, avec une conscience
égale à leur froideur. Tout dans leurs sculptures est finalement poncé et
bruni. Le travail préparatoire de la mèche et du trépan disparaît sous la
râpe et sous la lime. Les pièces que ces artistes ont, très honnêtement
d’ailleurs, fabriquées pour Lenoir ne peuvent induire en erreur ; leur
manière personnelle apparaît jusque dans leurs restaurations. Ils étaient
parfaitement sincères dans leurs maladroits pastiches et trop incapables
pour être dangereux. Qui ne connaît la grotesque Jeanne d’Arc en terre
cuite de Beauvallet, n° 527 du Catalogue du Musée des monuments fran-
çais, aujourd’hui dans un escalier du musée de Versailles? Malgré les
insinuations de Lenoir, qui dit dans ses descriptions : « J’ai fait restau-
rer (sic) ce buste par M. Beauvallet, d’après une peinture ancienne, pour
être placé dans la salle du xve siècle auprès de celui de Charles Vil1 », cet
innocent pastiche, en style troubadour, après avoir inspiré l’ancienne sta-
tue de la place du Martroy à Orléans, ne trompe plus personne. On ne
conçoit pas que le célèbre Charles VIII, également en terre cuite, du sculp-
teur Deseine2, ait pu, sans soulever de protestations, agacer aussi long-
1, Catalogue du Musée des monuments français, édilion de 1810, p. 211.
2. Lenoir dit, dans l’édition de l’an X de son catalogue, n° 444 : « Ce buste, vrai
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désespérer de connaître un jour le nom de l’original. Mais, sans attendre
un résultat si désirable, il est indispensable de déclarer dès à présent que
nous sommes en présence d’une bonne, sincère et loyale sculpture, et de
venger sans plus tarder le talent et l’honneur méconnus du vieil imager
italien. En effet, notre pièce plaide elle-même et fort éloquemment sa
cause. O11 peut affirmer qu’elle est absolument authentique et qu’elle est
bien l’œuvre directe d’un sculpteur italien de la fin du xve siècle ou du
commencement du xvie. L’exécution est exactement celle de cette époque.
Le marbre est travaillé et poli comme on le travaillait et on le polissait
alors dans tous les endroits destinés à être vus. Les parties en creux
sont coupées brusquement et tous les trous de la mèche ou du trépan
sont encore parfaitement visibles. L’artiste ne s’est pas donné la peine de
terminer partout son œuvre. Le dessous des cheveux est creusé à coups de
mèche qu’on peut très bien compter. Ce travail libre, large, brusque,
saccadé, improvisé et interrompu est un signe certain d’authenticité. Le
dessous du buste est évidé, ainsi que dans toutes les œuvres similaires
du xve siècle. Malheureusement, le nom de l’artiste ne s’y trouve pas
gravé, comme c’est le cas pour un certain nombre de bustes.
Beauvallet, Deseine, Michallon, Loucou et les autres restaurateurs atti-
trés du Musée des monuments français ne traitaient pas ainsi leurs
œuvres. Ils finissaient partout avec le même soin, avec une conscience
égale à leur froideur. Tout dans leurs sculptures est finalement poncé et
bruni. Le travail préparatoire de la mèche et du trépan disparaît sous la
râpe et sous la lime. Les pièces que ces artistes ont, très honnêtement
d’ailleurs, fabriquées pour Lenoir ne peuvent induire en erreur ; leur
manière personnelle apparaît jusque dans leurs restaurations. Ils étaient
parfaitement sincères dans leurs maladroits pastiches et trop incapables
pour être dangereux. Qui ne connaît la grotesque Jeanne d’Arc en terre
cuite de Beauvallet, n° 527 du Catalogue du Musée des monuments fran-
çais, aujourd’hui dans un escalier du musée de Versailles? Malgré les
insinuations de Lenoir, qui dit dans ses descriptions : « J’ai fait restau-
rer (sic) ce buste par M. Beauvallet, d’après une peinture ancienne, pour
être placé dans la salle du xve siècle auprès de celui de Charles Vil1 », cet
innocent pastiche, en style troubadour, après avoir inspiré l’ancienne sta-
tue de la place du Martroy à Orléans, ne trompe plus personne. On ne
conçoit pas que le célèbre Charles VIII, également en terre cuite, du sculp-
teur Deseine2, ait pu, sans soulever de protestations, agacer aussi long-
1, Catalogue du Musée des monuments français, édilion de 1810, p. 211.
2. Lenoir dit, dans l’édition de l’an X de son catalogue, n° 444 : « Ce buste, vrai