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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
très exactement une œuvre ancienne en employant les procédés mêmes
qui ont été mis à profit pour l’original : mais les restaurateurs désinté-
ressés du commencement de ce siècle, les sculpteurs de la Révolution et
de l’Empire avaient puisé dans leur éducation trop de mépris pour l’art
du moyen âge et de la première Renaissance italienne pour s’abaisser à
en emprunter le style. D’ailleurs, l’eussent-ils voulu, ils ne l’auraient pas
pu ; on ne peut imiter que ce que l’on comprend ; leurs copies sont mala-
droites. C’est le travail d’un calligraphe qui croit calquer une signature
et la redessine et la corrige involontairement. L’existence des copies et
même des faux plus ou moins réussis du commencement de ce siècle ne
doit donc pas préoccuper beaucoup les connaisseurs.
J’ai démontré précédemment que le buste du Louvre existait dans nos
collections nationales avant 1818. Mais je ne comprends pas que ceux-là
mêmes qui ignoraient ce point de fait aient pu supposer de modernes faus-
saires capables d’un tel effort et d’un semblable succès. Une exécution
uniformément timide et soignée, ce qui se rencontre dans quelques
œuvres de la Renaissance, pourrait à la rigueur se contrefaire. Un pas-
tiche peut actuellement emprunter les procédés d’un autre âge, mais il
est incapable d’inspirer par son exécution seule, en dehors de son style,
la confiance que fait naître le buste du Louvre en nous transmettant le
travail interrompu de son auteur. Tout ce qui n’était pas destiné à être
vu n’est pas travaillé avec recherche. Si le front, les yeux et la bouche
sont modelés et exécutés avec un certain soin sommaire, d’autres parties
ne sont encore qu’ébauchées, comme le nez et le dessous des narines.
C’est ce qu’un faussaire se garde bien de pratiquer. Il exécute tout avec
un soin égal et prodigue partout une égale attention. Il est probable que
ce buste était destiné à être peint. On voit à Vienne, dans la collection
d’Ambras, un buste de femme1 dont il sera question plus loin et qui,
dans son travail, offre de certaines analogies avec notre marbre. La pein-
ture accentue ce que la sculpture ne faisait qu’indiquer. Les narines colo-
rées en brun par-dessous prennent de la profondeur, et les parties qui
ne sont qu’ébauchées au ciseau reçoivent de la couleur un supplément de
modelé.
IL
Quand le buste n° 2596 de l'inventaire de la Restauration vint de Ver-
sailles à Paris, nous avons vu qu’il n’y arrivait pas seul. Il était accom-
1. Notice sommaire de la collection impériale et royale d'Ambras, 1873, in-12,
p. 28, cinquième salle, entre les vitrines A et B.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
très exactement une œuvre ancienne en employant les procédés mêmes
qui ont été mis à profit pour l’original : mais les restaurateurs désinté-
ressés du commencement de ce siècle, les sculpteurs de la Révolution et
de l’Empire avaient puisé dans leur éducation trop de mépris pour l’art
du moyen âge et de la première Renaissance italienne pour s’abaisser à
en emprunter le style. D’ailleurs, l’eussent-ils voulu, ils ne l’auraient pas
pu ; on ne peut imiter que ce que l’on comprend ; leurs copies sont mala-
droites. C’est le travail d’un calligraphe qui croit calquer une signature
et la redessine et la corrige involontairement. L’existence des copies et
même des faux plus ou moins réussis du commencement de ce siècle ne
doit donc pas préoccuper beaucoup les connaisseurs.
J’ai démontré précédemment que le buste du Louvre existait dans nos
collections nationales avant 1818. Mais je ne comprends pas que ceux-là
mêmes qui ignoraient ce point de fait aient pu supposer de modernes faus-
saires capables d’un tel effort et d’un semblable succès. Une exécution
uniformément timide et soignée, ce qui se rencontre dans quelques
œuvres de la Renaissance, pourrait à la rigueur se contrefaire. Un pas-
tiche peut actuellement emprunter les procédés d’un autre âge, mais il
est incapable d’inspirer par son exécution seule, en dehors de son style,
la confiance que fait naître le buste du Louvre en nous transmettant le
travail interrompu de son auteur. Tout ce qui n’était pas destiné à être
vu n’est pas travaillé avec recherche. Si le front, les yeux et la bouche
sont modelés et exécutés avec un certain soin sommaire, d’autres parties
ne sont encore qu’ébauchées, comme le nez et le dessous des narines.
C’est ce qu’un faussaire se garde bien de pratiquer. Il exécute tout avec
un soin égal et prodigue partout une égale attention. Il est probable que
ce buste était destiné à être peint. On voit à Vienne, dans la collection
d’Ambras, un buste de femme1 dont il sera question plus loin et qui,
dans son travail, offre de certaines analogies avec notre marbre. La pein-
ture accentue ce que la sculpture ne faisait qu’indiquer. Les narines colo-
rées en brun par-dessous prennent de la profondeur, et les parties qui
ne sont qu’ébauchées au ciseau reçoivent de la couleur un supplément de
modelé.
IL
Quand le buste n° 2596 de l'inventaire de la Restauration vint de Ver-
sailles à Paris, nous avons vu qu’il n’y arrivait pas seul. Il était accom-
1. Notice sommaire de la collection impériale et royale d'Ambras, 1873, in-12,
p. 28, cinquième salle, entre les vitrines A et B.