Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 28.1883

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Duret, Théodore: Les expositions de Londres: Dante Gabriel Rossetti
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24260#0057

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LES EXPOSITIONS DE LONDRES.

51

L’exposition de la Grosvenor-Gallery se distingue, comme les années
précédentes, par le bon choix des toiles qui la composent. M. Millais a
envoyé un excellent portrait, celui de la duchesse de Westminster, et
M. Watts, une tête pleine d’expression et d’une touche délicate, qu’il appelle
Etude de portrait. M. Watts expose encore un petit paysage, Haystacks,
des meules de foin, largement traité, plein d’air et d’un sentiment de la
nature profond et pénétrant. Cette étude de portrait et ces meules de
foin m’émeuvent beaucoup plus que les autres toiles du même peintre,
qui sont pourtant autrement travaillées et prétentieuses par le titre, mais
d’une touche lourde : Un Condottiere du xv° siècle, Les quatre cavaliers
de F Apocalypse, etc. La montre de l’érudition et l’accumulation du travail
ne sont rien par eux-mêmes; et je ne sais pourquoi M. Watts persiste à
aller chercher au loin des sujets littéraires, dans l'histoire et la légende,
alors que les motifs empruntés à la vie qui l’entoure lui réussissent si
bien lorsqu’il les aborde.

Nous retrouvons à la Grosvenor-Gallery MM. Whistler et J!urne Jones,
les deux peintres qui lui réservent sans partage leurs envois. M. Whistler
expose cette année à Paris, à la fois au Salon et à la galerie Petit, rue de
Sèze, aussi n’a-t-il à la Grosvenor-Gallery que deux toiles d’assez petites
dimensions, déjà anciennes, deux nocturnes. L’un, nocturne en noir et
or, est un effet de nuit noire, et comme la nuit noire est généralement
obscure, je trouve l’effet que le tableau prétend rendre assez peu sai-
sissable. Mais l’autre, nocturne en bleu et argent, me laisse voir, à la
pâle lueur du crépuscule, la mer assombrie, immense, mystérieuse :
quelques barques indiquées d'une touche demi-effacée glissent dans
l'ombre et le silence. Voilà une production d’art absolument personnelle,
quelque chose que personne n’avait encore fait et qu’après M. Whistler
on ne fera peut-être jamais plus.

M. Burne Jones est toujours le même peintre concentré dans un monde
de formes et de types tout à fait conventionnels. Les tableaux qu’il expose
cette année, comme toujours, révèlent la main d’un artiste, ils sont pleins
de mélancolie, d’un coloris et d’un dessin distingués, mais plus que
jamais peut-être les personnages figurés ont quelque chose de maladif et
manquent de vie, de chair et de sang. M. Burne Jones aura vécu en
Angleterre au xixe siècle, sans que rien dans l’œuvre qu’il laissera indique
qu’il ait jamais jeté les yeux sur le monde qui l’entoure. Aucun artiste
ne se sera plus mis à part du milieu vivant pour s’absorber dans l’extase
et le rêve. Si l’on veut juger jusqu’à quel point M. Burne Jones est inca-
pable de saisir par les yeux les formes et les types du pays dans lequel
il se trouve, il faut l’observer dans le portrait. Et justement „il expose
 
Annotationen