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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 28.1883

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Nr. 1
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Jouin, Henry: Le Salon de 1883, [3], La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24260#0066

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

nous enveloppe ou de laisser intercepter ses rayons par le fluide refroidi.
L’art aura-t-il de moins grandes franchises ? Est-ce que sa puissance n’est
pas absolue? Est-ce que l’artiste n’est pas seul responsable de son dis-
cours? Est-ce qu’il n’est pas créateur? et créer, n’est-ce pas faire quel-
que chose de rien?

Oui, sans doute, l’artiste est maître de sa pensée, de la forme dont
il la revêt, du style dont il pare cette forme. Mais, au-dessus de lui et
malgré lui peut-être, une vérité demeure, vérité nettement exprimée,
dont le sens ne sera pas éludé et à laquelle les seuls transfuges ou les
obscurs praticiens de l’art tentent d’échapper, tandis que les maîtres
orientent leur esprit, leur activité, leurs doigts dociles et savants vers ce
point fixe. Cette vérité qui n’a pas vieilli, parce que le propre de l’être est
de ne rien craindre du temps, la voici :

« L’art est la manifestation du beau. »

Telle est la loi. Nul n’y changera rien. Ce n’est pas assez pour le
sculpteur de limiter son effort à la représentation du vrai, ce n’est pas
assez qu’il se montre traducteur fidèle, exact, plein de justesse et d’ha-
bileté. De simples transcriptions ne relèvent que de l’œil et de la main.
L’art découle de plus haut. Son foyer, c’est l’âme; et c’est à l’âme, c’est-
à-dire au plus intime de la personne humaine, que l’art est tenu de pro-
voquer une sensation noble, généreuse, première étape de l’ascension
rationnelle de la créature vers l’incréé. Or, je vous le demande, où est
l’âme dans ces compositions modelées qui n’ont pour objet que la repré-
sentation de la laideur, de la décrépitude, de la bassesse, de la trivialité?
L’âme est absente de pareilles œuvres. Ceux qui les ont produites, en
dépit de la vogue dont ils peuvent jouir auprès de certains groupes d’amis,
en dépit des médailles ou des mentions, ne sont pas des sculpteurs. Nous
concédons qu’ils aient quelque adresse. La nature, dans ce quelle a
d’extérieur et de tangible, leur est familière. Ils lisent ; ils ne savent pas
penser. Lire ! est-ce donc chose si méritoire? Tout le monde lit, et le livre
est partout. La rue, la maison, le théâtre, les réunions publiques pré-
sentent au regard des pages de toute sorte que nous lisons sans y prendre
garde. L’artiste épris de son art traduira-t-il, à peine rentré chez lui, ce
qu’il vient de lire dans la rue? Eh quoi! ne va-t-il pas s’interroger lui-
même sur la valeur plastique, sur la portée morale dos scènes dont le
hasard l’a fait témoin, des types fortuitement rencontrés? Je ne puis
croire qu’il prenne son ébauchoir d’une main hâtive, sans réflexion, sans
discernement. Lire n’est rien ; ce qui importe, c’est savoir lire.

Ceux-là ne savent pas lire qui tendent par leurs œuvres à faire de l’art
la manifestation de la laideur. Déjà malheureusement ils sont un petit
 
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