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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 28.1883

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Nr. 4
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Renan, Ary: Ischia: souvenirs et impressions
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https://doi.org/10.11588/diglit.24260#0319

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306

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

chapelles à coupoles orientales, les murs de pierre sèche des masserie,
les bastides peintes de couleurs gaies, semées dans la verdure intense,
égrenées en chapelet le long des sentiers encaissés, étagées au fond
des ravins, massées dans les échancrures de la côte, formaient pour le
plaisir des yeux un paysage tout gracieux, plutôt humble et riant que
grandiose, naïf et pourtant d’une élégance poussinesque.

L’esthétique intime de ces pays méridionaux a-t-elle jamais été vé-
ritablement dégagée et fixée par la plastique? Guère plus, ce semble, que
celle des pays de montagne et du grandiose alpestre, ou parce qu’en
réalité l’art d’ajouter l’homme à cette nature est gêné par quelque dis-
proportion entre celui-ci et celle-là, ou parce que l’artiste a manqué
jusqu’ici. Les détails de mœurs piquants, les petits jeux de la lumière,
le célèbre pittoresque des costumes, c’est à peu près tout ce que les
écoles passées ont vu et rendu1. Il ne fallait pas chercher, du reste, à
Ischia cet intérêt passionnant pour quelques-uns qui s’attache aux vieux
sols historiques. C’était plutôt par un charme pur et enfantin comme
celui qui séduit, dit-on, si fort ceux qui visitent la Polynésie, par un
attrait quelque peu matériel qu’on la distinguait entre les villégiatures
dont abonde l’Italie. Les tropiques sont encore bien loin : ce n’est pas
la Croix du Sud, c’est toujours la Grande-Ourse qui éclaire les nuits sans
lune; et déjà pourtant la créature est jetée dans un moule nouveau. Une
langueur pénétrante, analogue à celle qui énerve les races créoles, une
grande bonté de la nature impriment aux populations des caractères
particuliers, les dégrossissent, les affinent et les appellent au maximum
de jouissance sans les élever à la noblesse et au sérieux austère des
vieilles races autochtones du continent. L’épique et l’héroïque se font
bien rares sur la planète ; de même, hélas! la naïveté dans les appétits,
les passions et les conceptions idéales ne se conserve plus que dans
quelques endroits défendus par leur situation naturelle.

Ici, par exemple, pas d’architecte qui ait laissé de trace notoire de
son passage : l’île ne fut jamais assez riche pour posséder des monu-
ments; pas de traces très apparentes non plus de gouvernement et
d’autorité; rien surtout qui atteste l’aptitude au travail ni les préoccupa-
tions raisonnées de l’art. A Sorrente, à Castellamare, à Pausilippe, sous
le même ciel, les villas sont bâties à Y européenne, et la classe pauvre, à la
fois servile et rétive, est trop souvent corrompue par le voisinage de Na-

1. Peut-être Léopold Robert avait-il des intentions plus hautes. Se rappelle-t-on
une Femme de Procida donnant à boire à un travailleur? Malgré le costume qui la
localise, la scène reste humaine et grande.
 
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