L’EXPOSITION NATIONALE DE 18 83.
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la première fois, au palais de l’Industrie, est destiné à la décoration du
Panthéon. Par façon de parenthèse et pour l’acquit de notre conscience
de critique, disons tout de suite combien cette décoration va devenant,
chaque fois qu’on y ajoute quelque nouvel ouvrage, de plus en plus dis-
parate dans ses parties et tout à fait incohérente dans son ensemble. Ce
n’est point en tout cas la dernière peinture de M. Henri Lévy qui contri-
buera à ramener l’unité et à rétablir l’harmonie absentes, car elle-même
va jeter une note encore inédite au milieu de cette cacophonie décorative.
Comme toutes les commandes destinées au Panthéon, la composition
de M. Lévy se divise en trois parties séparées par des entrecolonnements.
Dans le panneau central, le plus vaste, l’artiste a peint Charlemagne « à
la barbe florie » recevant la couronne impériale des mains du pape
Léon III. La scène se continue à droite et à gauche dans les panneaux
latéraux; à gauche, c’est le clergé et toutes les pompes sacerdotales; à
droite « sous les sacrés portiques » se presse la foule du peuple — une
foule d’opéra — acclamant l’empereur d’Occident. M. Lévy ne s’est mis
en peine pour cette vaste « machine » ni de recherches archaïques, ni de
couleur locale, ni de restitutions archéologiques. Toute la composition
est combinée, agencée, d’après les meilleures formules empruntées à l’art
du xvme siècle ; Subleyras y entre pour quelque chose et Natoire pour
beaucoup; on dirait au surplus que C. Eisen ou N. Cochin en ont fourni le
dessin. Cela est chiffonné, enlevé et « troussé » à ravir dans une allure
générale, facile et cursive : avons-nous besoin d’ajouter qu’au point de
vue des nécessités historiques, cela manque absolument de caractère?
Pour remplir la partie supérieure de son panneau central, M. Lévy
fait assister à la fête Dieu le père lui-même, entouré d’un cortège d’anges.
Assurément le fait n’a rien de positif, mais il était de toute convenance
que le Père Eternel tînt ici la place de l’allégorie obligée, du moins,
d’après les règles de la poétique du xvme siècle.
L’exécution, d’un aspect assez tendre et harmonieux, s’évapore cepen-
dant et se trouble en plus d’un endroit. La partie de beaucoup la meil-
leure est le groupe des évêques : nous retrouvons seulement là quelque
chose de la distinction du coloriste habile, délicat, raffiné même, qu’il y
a en M. Henri Lévy.
Avec M. Brozik nous changeons singulièrement de gamme. Élève de
l’académie de Prague et de MM. Piloty et Munkacsy, M. Brozik fait de la
peinture sévère, grave et tournant volontiers à la tragédie. Dans sa Con-
damnation de Jean Iluss au concile de Constance, l’artiste met en scène
une cinquantaine de personnages. Le concile, après avoir jugé Jean Iluss,
s’est réuni dans la cathédrale de Constance et l’empereur Sigismond pré-
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la première fois, au palais de l’Industrie, est destiné à la décoration du
Panthéon. Par façon de parenthèse et pour l’acquit de notre conscience
de critique, disons tout de suite combien cette décoration va devenant,
chaque fois qu’on y ajoute quelque nouvel ouvrage, de plus en plus dis-
parate dans ses parties et tout à fait incohérente dans son ensemble. Ce
n’est point en tout cas la dernière peinture de M. Henri Lévy qui contri-
buera à ramener l’unité et à rétablir l’harmonie absentes, car elle-même
va jeter une note encore inédite au milieu de cette cacophonie décorative.
Comme toutes les commandes destinées au Panthéon, la composition
de M. Lévy se divise en trois parties séparées par des entrecolonnements.
Dans le panneau central, le plus vaste, l’artiste a peint Charlemagne « à
la barbe florie » recevant la couronne impériale des mains du pape
Léon III. La scène se continue à droite et à gauche dans les panneaux
latéraux; à gauche, c’est le clergé et toutes les pompes sacerdotales; à
droite « sous les sacrés portiques » se presse la foule du peuple — une
foule d’opéra — acclamant l’empereur d’Occident. M. Lévy ne s’est mis
en peine pour cette vaste « machine » ni de recherches archaïques, ni de
couleur locale, ni de restitutions archéologiques. Toute la composition
est combinée, agencée, d’après les meilleures formules empruntées à l’art
du xvme siècle ; Subleyras y entre pour quelque chose et Natoire pour
beaucoup; on dirait au surplus que C. Eisen ou N. Cochin en ont fourni le
dessin. Cela est chiffonné, enlevé et « troussé » à ravir dans une allure
générale, facile et cursive : avons-nous besoin d’ajouter qu’au point de
vue des nécessités historiques, cela manque absolument de caractère?
Pour remplir la partie supérieure de son panneau central, M. Lévy
fait assister à la fête Dieu le père lui-même, entouré d’un cortège d’anges.
Assurément le fait n’a rien de positif, mais il était de toute convenance
que le Père Eternel tînt ici la place de l’allégorie obligée, du moins,
d’après les règles de la poétique du xvme siècle.
L’exécution, d’un aspect assez tendre et harmonieux, s’évapore cepen-
dant et se trouble en plus d’un endroit. La partie de beaucoup la meil-
leure est le groupe des évêques : nous retrouvons seulement là quelque
chose de la distinction du coloriste habile, délicat, raffiné même, qu’il y
a en M. Henri Lévy.
Avec M. Brozik nous changeons singulièrement de gamme. Élève de
l’académie de Prague et de MM. Piloty et Munkacsy, M. Brozik fait de la
peinture sévère, grave et tournant volontiers à la tragédie. Dans sa Con-
damnation de Jean Iluss au concile de Constance, l’artiste met en scène
une cinquantaine de personnages. Le concile, après avoir jugé Jean Iluss,
s’est réuni dans la cathédrale de Constance et l’empereur Sigismond pré-