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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cette introduction dans do justes limites, il importe d’y faire rentrer tous les faits et
toutes les remarques qui justifient la comparaison perpétuelle que nous proposons
d’instituer entre les arts de la Grèce et ceux des peuples dont les Grecs ont pu mettre
à profit les exemples et les leçons. Il n’est qu’un moyen de réussir à tenir compte de
cette double nécessité : c’est de porter dans l’étude des détails tout le soin, toute la
précision possibles, et de ne donner pourtant ici que les résultats généraux de cette
étude; c’est de faire pour soi-môme le dénombrement exact de tous les phénomènes,
mais de n’exposer que la loi qui les régit, telle que la révélera cette enquête appro-
fondie et minutieuse. On ne devra donc point chercher dans ces pages la description
circonstanciée des édifices égyptiens, môme des plus importants et des plus renom-
més. Nous n’entreprendrons pas une seule monographie de temple ou de tombeau ;
mais nous aurons examiné d’assez près tombeaux et temples, nous les aurons, si l’on
peut ainsi parler, assez démontés pièce à pièce pour pouvoir ensuite essayer de mon-
trer comment les Égyptiens ont compris soit l’architecture funéraire, soit l’architec-
ture religieuse et quels changements a subis, suivant les époques, chacune de ces
conceptions monumentales... Cette même méthode analytique nous permettra de
rendre un compte à la fois exact et sommaire des procédés de construction employés
par les Égyptiens et de l’aspect que présentent, du rôle que jouent les formes qui
entrent dans la construction de leurs édifices, soit que ces formes résultent de la con-
struction même, soit que l’emploi en ait été suggéré par toute autre cause, par la na-
ture ou par des traditions antérieures, ou bien encore par des besoins spéciaux. Ainsi
nous réunirons dans un même chapilre tout ce qui concerne les bases principales ou
accessoires, les portés et leur agencement, les fenêtres hautes qui concourent, dans
une mesure très restreinte, à donner du jour aux appartements; dans un autre, nous
étudierons la colonne avec son chapiteau ; nous indiquerons les différences qu’elle
présente dans ses proportions et son galbe, suivant les temps et suivant la matière dont
elle est faite. Chacune de nos assertions sera expliquée et justifiée par des exemples
caractéristiques; nous n’aurons que l’embarras du choix, grâce au vaste inventaire
que nous avons dressé de tout ce qui subsiste aujourd'hui des monuments élevés par
l’antique Égypte, de Menés à la conquête Perse... »
« Au terme de cette longue et minutieuse étude, nous pourrions craindre le re-
proche de nous être trop étendu sur l’architecture égyptienne; notre excuse, c’est que
l’architecture est, de tous les arts plastiques, celui que l’Égypte a poussé le plus loin
et qui a joui chez elle des plus grands honneurs. En veut-on la preuve? Sur les peintres
nous ne savons rien; malgré le talent qu’ont montré plusieurs de ceux qui ont été
employés à décorer les tombes thébaines, il semble que leur condition esc celle d’arti-
sans plus ou moins habiles et plus ou moins achalandés. Les sculpteurs paraissent
avoir eu quelquefois une position déjà plus relevée; deux ou trois d’entre eux nous
ont laissé leur nom et se vantent d’avoir été chers aux princes qui les ont occupés ;
mais les seuls artistes qui parvinssent à une haute situation sociale, dans cette Égypte
où, comme en Chine, tous les rangs étaient marqués, c’étaient les architectes ou les
ingénieurs, comme on voudra les appeler; aussi les compte-t-on par centaines parmi
ces membres de la classe supérieure dont les noms sont arrivés jusqu’à nous, grâce au
luxe de leurs tombes et aux inscriptions gravées sur leurs stèles.
« On pourrait donc s’amuser à dresser de longues listes d’architectes égyptiens
dont les noms se répartiraient sur un espace de plusieurs milliers d’années, depuis ce
Nefer dont la statue est à Boulaq, et qui a peut-être bâti une des pyramides jusqu’aux
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cette introduction dans do justes limites, il importe d’y faire rentrer tous les faits et
toutes les remarques qui justifient la comparaison perpétuelle que nous proposons
d’instituer entre les arts de la Grèce et ceux des peuples dont les Grecs ont pu mettre
à profit les exemples et les leçons. Il n’est qu’un moyen de réussir à tenir compte de
cette double nécessité : c’est de porter dans l’étude des détails tout le soin, toute la
précision possibles, et de ne donner pourtant ici que les résultats généraux de cette
étude; c’est de faire pour soi-môme le dénombrement exact de tous les phénomènes,
mais de n’exposer que la loi qui les régit, telle que la révélera cette enquête appro-
fondie et minutieuse. On ne devra donc point chercher dans ces pages la description
circonstanciée des édifices égyptiens, môme des plus importants et des plus renom-
més. Nous n’entreprendrons pas une seule monographie de temple ou de tombeau ;
mais nous aurons examiné d’assez près tombeaux et temples, nous les aurons, si l’on
peut ainsi parler, assez démontés pièce à pièce pour pouvoir ensuite essayer de mon-
trer comment les Égyptiens ont compris soit l’architecture funéraire, soit l’architec-
ture religieuse et quels changements a subis, suivant les époques, chacune de ces
conceptions monumentales... Cette même méthode analytique nous permettra de
rendre un compte à la fois exact et sommaire des procédés de construction employés
par les Égyptiens et de l’aspect que présentent, du rôle que jouent les formes qui
entrent dans la construction de leurs édifices, soit que ces formes résultent de la con-
struction même, soit que l’emploi en ait été suggéré par toute autre cause, par la na-
ture ou par des traditions antérieures, ou bien encore par des besoins spéciaux. Ainsi
nous réunirons dans un même chapilre tout ce qui concerne les bases principales ou
accessoires, les portés et leur agencement, les fenêtres hautes qui concourent, dans
une mesure très restreinte, à donner du jour aux appartements; dans un autre, nous
étudierons la colonne avec son chapiteau ; nous indiquerons les différences qu’elle
présente dans ses proportions et son galbe, suivant les temps et suivant la matière dont
elle est faite. Chacune de nos assertions sera expliquée et justifiée par des exemples
caractéristiques; nous n’aurons que l’embarras du choix, grâce au vaste inventaire
que nous avons dressé de tout ce qui subsiste aujourd'hui des monuments élevés par
l’antique Égypte, de Menés à la conquête Perse... »
« Au terme de cette longue et minutieuse étude, nous pourrions craindre le re-
proche de nous être trop étendu sur l’architecture égyptienne; notre excuse, c’est que
l’architecture est, de tous les arts plastiques, celui que l’Égypte a poussé le plus loin
et qui a joui chez elle des plus grands honneurs. En veut-on la preuve? Sur les peintres
nous ne savons rien; malgré le talent qu’ont montré plusieurs de ceux qui ont été
employés à décorer les tombes thébaines, il semble que leur condition esc celle d’arti-
sans plus ou moins habiles et plus ou moins achalandés. Les sculpteurs paraissent
avoir eu quelquefois une position déjà plus relevée; deux ou trois d’entre eux nous
ont laissé leur nom et se vantent d’avoir été chers aux princes qui les ont occupés ;
mais les seuls artistes qui parvinssent à une haute situation sociale, dans cette Égypte
où, comme en Chine, tous les rangs étaient marqués, c’étaient les architectes ou les
ingénieurs, comme on voudra les appeler; aussi les compte-t-on par centaines parmi
ces membres de la classe supérieure dont les noms sont arrivés jusqu’à nous, grâce au
luxe de leurs tombes et aux inscriptions gravées sur leurs stèles.
« On pourrait donc s’amuser à dresser de longues listes d’architectes égyptiens
dont les noms se répartiraient sur un espace de plusieurs milliers d’années, depuis ce
Nefer dont la statue est à Boulaq, et qui a peut-être bâti une des pyramides jusqu’aux