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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
faisais alors, » répondait-il à un élève qui avait l’imprudence de
louer devant lui le Saint Luc peignant la Vierge, œuvre de jeunesse,
antérieure à son voyage d’Italie, qu’il avait laissée comme souvenir
à ses confrères, au moment de partir pour Rome (1532), et qu’on peut
voir aujourd’hui au Musée de Harlem (n° 89).
Dans le Déluge (n° 444) de Cornelis de Harlem, signé du mono-
gramme et daté 1592, une dizaine de grands gaillards de face, de dos
et de profil, debout ou à genoux, penchés ou renversés, les bras levés
et les jambes tendues, se campent dans toutes les postures qui, par
la saillie des muscles et le développement des pectoraux, peuvent
donner prétexte à de belles variations académiques. Au fond, d’autres
grimpent aux arbres et font méthodiquement de la gymnastique,
comme dans VIncendie du Bourg, tandis qu’au premier plan, une femme
assise et un homme agenouillé, vus de dos, semblent disposés à con-
firmer les théories, et tout prêts de jouer la scène finale de l’acte
second de VAbbesse de Jouarre.
Serait-ce là cette Scène du déluge « extraordinairement étudiée »
dont parle Van Mander? Mais nous n’avons ici qu’un panneau de 0,74
sur 0.92, auquel ne sauraient s’appliquer à aucun titre les mots de
« grande toile en largeur » employés pour désigner la grande
composition qui passa plus tard aux mains du duc de Leicester. C’en
est sans doute une variante ou une simple réduction, car l’exécution
est trop poussée pour qu’on puisse croire à une esquisse. Cornelis
avait l’habitude de faire servir à plusieurs. fins ses études, et il
portait sans façon les académies dont il était content d’une toile à
l’autre, même dans des sujets tout à fait différents. Sans beaucoup
chercher, on retrouverait dans le Massacre des Innocents de La Haye
plusieurs des raccourcis de la Scène du déluge. On voit encore de
lui, à Brunswick, une Vénus avec l'Amour (n° 442) signée du mono-
gramme et datée 1610, un Démocrile et Héraclite (n° 443) de 1613 et
un Age d'or (n° 440) dé 1615 h
On ne serait pourtant pas juste envers ces maîtres, si l'on se bor-
nait à critiquer leur esthétique; ils ont, en dépit de tout, des parties 1
1. Comme exemple d’influence italienne mal digérée, il faut signaler encore à
Brunswick, le Triomphe de Bacchus (n° 495) signé du monogramme de Moïse van
Uytenbroeek et daté 1027 — où la recherche des belles élégances et la lourdeur
naturelle de l’artiste se combinent et se contrarient de la façon la plus amusante.
Bacchus veut être un jeune dieu italien, mais ses compagnons sont des lourdauds,
et le tout se trémousse dans un paysage où se reconnaît l’influence et peut-être
même la main de Poelenburg.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
faisais alors, » répondait-il à un élève qui avait l’imprudence de
louer devant lui le Saint Luc peignant la Vierge, œuvre de jeunesse,
antérieure à son voyage d’Italie, qu’il avait laissée comme souvenir
à ses confrères, au moment de partir pour Rome (1532), et qu’on peut
voir aujourd’hui au Musée de Harlem (n° 89).
Dans le Déluge (n° 444) de Cornelis de Harlem, signé du mono-
gramme et daté 1592, une dizaine de grands gaillards de face, de dos
et de profil, debout ou à genoux, penchés ou renversés, les bras levés
et les jambes tendues, se campent dans toutes les postures qui, par
la saillie des muscles et le développement des pectoraux, peuvent
donner prétexte à de belles variations académiques. Au fond, d’autres
grimpent aux arbres et font méthodiquement de la gymnastique,
comme dans VIncendie du Bourg, tandis qu’au premier plan, une femme
assise et un homme agenouillé, vus de dos, semblent disposés à con-
firmer les théories, et tout prêts de jouer la scène finale de l’acte
second de VAbbesse de Jouarre.
Serait-ce là cette Scène du déluge « extraordinairement étudiée »
dont parle Van Mander? Mais nous n’avons ici qu’un panneau de 0,74
sur 0.92, auquel ne sauraient s’appliquer à aucun titre les mots de
« grande toile en largeur » employés pour désigner la grande
composition qui passa plus tard aux mains du duc de Leicester. C’en
est sans doute une variante ou une simple réduction, car l’exécution
est trop poussée pour qu’on puisse croire à une esquisse. Cornelis
avait l’habitude de faire servir à plusieurs. fins ses études, et il
portait sans façon les académies dont il était content d’une toile à
l’autre, même dans des sujets tout à fait différents. Sans beaucoup
chercher, on retrouverait dans le Massacre des Innocents de La Haye
plusieurs des raccourcis de la Scène du déluge. On voit encore de
lui, à Brunswick, une Vénus avec l'Amour (n° 442) signée du mono-
gramme et datée 1610, un Démocrile et Héraclite (n° 443) de 1613 et
un Age d'or (n° 440) dé 1615 h
On ne serait pourtant pas juste envers ces maîtres, si l'on se bor-
nait à critiquer leur esthétique; ils ont, en dépit de tout, des parties 1
1. Comme exemple d’influence italienne mal digérée, il faut signaler encore à
Brunswick, le Triomphe de Bacchus (n° 495) signé du monogramme de Moïse van
Uytenbroeek et daté 1027 — où la recherche des belles élégances et la lourdeur
naturelle de l’artiste se combinent et se contrarient de la façon la plus amusante.
Bacchus veut être un jeune dieu italien, mais ses compagnons sont des lourdauds,
et le tout se trémousse dans un paysage où se reconnaît l’influence et peut-être
même la main de Poelenburg.