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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 35.1887

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Nr. 2
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Lostalot, Alfred de: Revue musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24189#0186

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REVUE MUSICALE

omme nous nous occupons exclusivement ici des œuvres musi-
cales qui intéressent l’art à un degré marqué ou se recom-
mandent à l’attention du public par les réelles jouissances
que leur audition procure à tous, amateurs éclairés ou autres,
nous avons rarement à prendre la parole. La musique traverse
une phase dangereuse de son évolution : il semble vraiment que la spirituelle
boutade de Théophile Gautier soit sur le point de devenir l’expression
d’une vérité courante; pour peu que cela continue, la musique sera le plus
désagréable de tous les bruits. Des artistes de talent se jettent de gaieté de
cœur dans la cacophonie; dévorés d’ambition pour leur art, ils rêvent de
lui tout asservir. A quoi bon la peinture, la poésie et même le langage
articulé, si les sons peuvent à la fois dépeindre, émouvoir et instruire?
Il n’est pas jusqu’à la philosophie et l’histoire qui ne leur semblent avoir
trouvé dans la musique un mode d’expression d’une éloquence achevée.
De cette erreur funeste, deux hommes de génie ont presque fait une vérité;
c’est là ce qui perd la plupart de nos jeunes compositeurs : ils ne jurent
que par Berlioz et Wagner. L’engouement est tel qu’on ne veut même pas
entendre ceux qui protestent contre cet exclusivisme au nom de l’indépendance
de l’art et de la liberté de pensée et d’expression sans laquelle il ne peut se
former de véritable artiste, l’histoire est là pour le dire.

M. Saint-Saëns est un des rares musiciens de notre époque qui n’aient
pas voulu subir le joug commun; il recueille aujourd’hui le prix de sa
courageuse résistance. La symphonie qu’il vient de faire entendre aux
concerts du Conservatoire est à proprement parler une œuvre de maître et
telle que personne, même Brahms, n’en a écrit depuis Mendelssohn et
Schumann. — Je laisse de coté les œuvres symphoniques de Berlioz,
imaginations prodigieuses d’un artiste exceptionnel, qui est et restera
toujours en dehors des classiques. — Cette symphonie n’est pas absolument
nouvelle, puisqu’on l’a entendue à Londres en 1885 et depuis, je crois, en
Allemagne; mais c’était une nouveauté pour les habitués du Conservatoire,
et certains n’ont pas été peu surpris, malgré leur estime pour l’œuvre connu
de M. Saint-Saëns, de voir que nous possédions en France un maître de mérite
transcendant : les artistes le savent depuis longtemps. L’éminent compo-
siteur de l’opéra Henri VIII, des pièces symphoniques, le Rouet d’Omphale,
 
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