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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ex-voto d’Athènes. Et cependant, si l’on examine les bas-reliefs du
soubassement, on y surprend bien vite ce mélange de style grec et
d’éléments orientaux qui caractérise la sculpture lycienne. La plus
grande frise, celle qui se développe à hauteur d’homme autour de la
base, offre une suite de scènes de combats, faisant allusion à ces
luttes entre Lyciens, Cariens et Phrygiens dont nous parvenons mal
à débrouiller l’histoire. L’armement est tantôt grec, tantôt oriental.
Les casques à haut panache, qui avaient valu aux Cariens de la part
des Perses le surnom de « coqs » (àÀexxpuoveç), s’y voient à côté de
coiffures rappelant la tiare persique. D’autres combattants sont
représentés nus, comme des héros mythologiques. Enfin, dans le
camp des adversaires des Lyciens, on remarque des guerriers vêtus
de longues tuniques flottantes, tombant jusqu’aux mollets; on les
prendrait pour des Amazones, si l’artiste n’avait pris le soin d’indiquer
le sexe avec une précision qui n’est pas exempte de naïveté. A coup
sûr, il a été hanté par le souvenir des frises grecques où la sculpture
décorative du ve siècle a si souvent représenté des combats d’Amazones.
Voyez par exemple cette figure de guerrier vêtu à l’orientale et
renversé sur son cheval; vous la retrouvez dans la frise de Phigalie.
Le Parthénon a aussi fourni des modèles. Ces cavaliers qui galopent
au milieu des combattants, avec leur allure aisée, leur type juvénile,
descendent en droite ligne de ceux qui font piaffer leurs montures
dans la cavalcade des Panathénées. A l’aide de toutes ces réminiscences,
le sculpteur a composé une frise qui présente comme un reflet de la
grande sculpture attique; œuvre estimable sans doute, où le mou-
vement et la vie ne manquent pas, mais où le style n’a ni la finesse
ni la souplesse d’une œuvre grecque, et qui produit l’effet d’une
contrefaçon.
La frise supérieure du soubassement nous ramène en Orient,
sinon pour le style, au moins pour la composition, dont le principe
est plus assyrien que grec. L’artiste y a développé un thème historique :
l’attaque et la prise d’une place forte, où l’on s’accorde à reconnaître
Telmessos, et il a pris soin de représenter les phases successives de
l’action 1. Voici la bataille en plaine, et les hles de soldats armés à
la grecque, s’avançant d’un pas régulier; plus loin, les assaillants
munis d’échelles montant à l’assaut d’une porte de la ville. Ailleurs
c’est le blocus de la forteresse, figurée par des murs crénelés au-dessus
1. Il est assez difficile de reconstituer la frise dont les dalles ont été retrouvées
isolément. Le meilleur classement a été donné par M. Michaelis. Voir les planches
des Monumenti inediti deU’ bistituto, vol. X, pl. XI-XYII1.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ex-voto d’Athènes. Et cependant, si l’on examine les bas-reliefs du
soubassement, on y surprend bien vite ce mélange de style grec et
d’éléments orientaux qui caractérise la sculpture lycienne. La plus
grande frise, celle qui se développe à hauteur d’homme autour de la
base, offre une suite de scènes de combats, faisant allusion à ces
luttes entre Lyciens, Cariens et Phrygiens dont nous parvenons mal
à débrouiller l’histoire. L’armement est tantôt grec, tantôt oriental.
Les casques à haut panache, qui avaient valu aux Cariens de la part
des Perses le surnom de « coqs » (àÀexxpuoveç), s’y voient à côté de
coiffures rappelant la tiare persique. D’autres combattants sont
représentés nus, comme des héros mythologiques. Enfin, dans le
camp des adversaires des Lyciens, on remarque des guerriers vêtus
de longues tuniques flottantes, tombant jusqu’aux mollets; on les
prendrait pour des Amazones, si l’artiste n’avait pris le soin d’indiquer
le sexe avec une précision qui n’est pas exempte de naïveté. A coup
sûr, il a été hanté par le souvenir des frises grecques où la sculpture
décorative du ve siècle a si souvent représenté des combats d’Amazones.
Voyez par exemple cette figure de guerrier vêtu à l’orientale et
renversé sur son cheval; vous la retrouvez dans la frise de Phigalie.
Le Parthénon a aussi fourni des modèles. Ces cavaliers qui galopent
au milieu des combattants, avec leur allure aisée, leur type juvénile,
descendent en droite ligne de ceux qui font piaffer leurs montures
dans la cavalcade des Panathénées. A l’aide de toutes ces réminiscences,
le sculpteur a composé une frise qui présente comme un reflet de la
grande sculpture attique; œuvre estimable sans doute, où le mou-
vement et la vie ne manquent pas, mais où le style n’a ni la finesse
ni la souplesse d’une œuvre grecque, et qui produit l’effet d’une
contrefaçon.
La frise supérieure du soubassement nous ramène en Orient,
sinon pour le style, au moins pour la composition, dont le principe
est plus assyrien que grec. L’artiste y a développé un thème historique :
l’attaque et la prise d’une place forte, où l’on s’accorde à reconnaître
Telmessos, et il a pris soin de représenter les phases successives de
l’action 1. Voici la bataille en plaine, et les hles de soldats armés à
la grecque, s’avançant d’un pas régulier; plus loin, les assaillants
munis d’échelles montant à l’assaut d’une porte de la ville. Ailleurs
c’est le blocus de la forteresse, figurée par des murs crénelés au-dessus
1. Il est assez difficile de reconstituer la frise dont les dalles ont été retrouvées
isolément. Le meilleur classement a été donné par M. Michaelis. Voir les planches
des Monumenti inediti deU’ bistituto, vol. X, pl. XI-XYII1.