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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 35.1887

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Nr. 2
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Lostalot, Alfred de: Revue musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24189#0190

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174

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

incompréhensible, infligé à la mémoire du plus grand des compositeurs
français? Nous avons deux théâtres largement subventionnés par l’État,
et ni l’un ni l’autre, malgré la détresse artistique où ils sont réduits, n’ont
pu se décider jusqu’à présent à nous faire entendre les œuvres superbes
qu’enfanta son génie ! L’auteur des Troyens, de Benvenuto Cellini n’est pas
jugé digne de marcher de pair avec MM. Massenet, Delibes, Salvayre et
Paladilhe ! Nous ne nous lasserons pas de protester contre ce monstrueux
déni de justice, au nom de l’art, au nom des droits chèrement acquis par le
public; et si notre voix est trop faible pour se faire entendre, nous comptons
du moins que nos efforts joints à ceux de nos confrères de la presse déter-
mineront un jour la direction des Beaux-Arts à intervenir; c’est son droit
puisque, en retour des faveurs de l’État, les théâtres subventionnés lui
doivent compte des services qu’ils rendent à l’art français.

Les sociétés de concert, qui participent également aux largesses du
budget, dans une mesure modeste, il est vrai, ne se montrent guère plus
équitables envers la mémoire de Berlioz : ils sont tout à Wagner. De la part
de M. Colonne, c’est une véritable marque d’ingratitude, car il doit la fortune
de son entreprise à la Damnation de Faust; s’il croit s’acquitter suffisamment
envers le maître, en donnant l’ouverture de Benvenuto Cellini, les habitués
des concerts du Châtelet ne sont pas de son avis. Chez M. Lamoureux, on
vient d’exécuter, supérieurement d’ailleurs, la Symphonie fantastique. C’est
tout; il nous faut faire notre deuil de la Damnation, de Bornéo et de YEnfance
du Christ, trois chefs-d’œuvre, sans compter les autres compositions d’impor-
tance moindre que l’on entendrait avec un vif plaisir.

Berlioz ne cesse jamais d’être l’artiste exquis, original et émouvant que
ses œuvres capitales nous ont appris à connaître; c’est avant tout un poète
de l’art et ce qu’il dit, personne ne Ta exprimé avant lui ni senti de la
même manière. Les moindres productions de sa pensée ont en elles un
charme pénétrant et sont revêtues de couleurs imprévues : ainsi ce duo de
la Mort d'Ophéhe que la Concordia nous fit entendre, il y a peu de jours,
arrangé en chœur, et qui ravit d’aise tous les assistants. Il est vrai que le
groupe de jeunes femmes du monde qui l’interprétait, sous la direction de
Mme Fuchs et de M. Widor, Ta chanté avec une rare perfection. Nous pouvons
faire le même éloge de l’exécution du Faust de Schumann, mais la vérité
nous oblige à risquer quelques réserves à propos de la scène des Floramyes
du 2e acte de Parsifal. C’est un effort considérable à coup sûr et qui fait
honneur au courage des sociétaires de la Concordia, de s’attaquer à des
œuvres de cette nature où toutes les difficultés vocales semblent accumulées
à plaisir, mais l’auditeur est égoïste; avant tout, il veut être charmé et, il
faut le dire, ce désidératum a été bien incomplètement rempli. Peut-être la
faute en est-elle un peu à Wagner lui-même, qui ne s’est pas assez préoccupé
de ne pas excéder les forces de la voix humaine. Les grands compositeurs
sont ainsi faits : dans leur toute-puissance, ils se rient volontiers des obstacles
qu’ils sèment derrière eux. Beethoven n’a-t-il pas écrit les chœurs de la
neuvième symphonie qui ont enrayé pendant si longtemps la marche de cet
immortel chef-d’œuvre?

ALFRED DE LOSTALOT.
 
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