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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
influence qu’il est important de noter. Ce Sellier, dont on a vu
récemment l’Exposition des œuvres à l’École des Beaux-Arts, est un
peintre de second plan dont l’action sur ses camarades a été assuré-
ment plus grande que ne l’était son talent. Gaillard avouait lui-même
qu’il lui devait une bonne part de cette compréhension des maîtres
du dessin qu’il a portée si loin.
Jusqu’en 1865, année où le graveur révèle subitement sa person-
nalité avec la planche du Condottiere, d’Antonello de Messine, parue
dans la Gazette des Beaux-Arts, Gaillard semble osciller, incertain,
entre l’étude des modernes et son penchant encore mal défini pour
les primitifs et les consciencieux. Le Portrait de Jean Bellin avait
été assez mal accueilli par les juges du quai Malaquais; il avait
même été refusé au Salon. On avait généralement blâmé cette ten-
tative d’indépendance vis-à-vis des belles traditions consacrées par
le talent des Desnoyers et des Henriquel. Aussi Gaillard, qui
débutait à Paris sans ressources pécuniaires, se crut-il obligé de
rogner ses ailes pour se concilier les faveurs administratives.
L’art assagi et tiède n’allait point à son tempérament. Des œuvres
assez insignifiantes s’échappent de sa main distraite. Le Portrait
d'Horace Vernet (Gazette des Beaux-Arts, octobre 1863) n’est qu’un
bon exercice selon les pratiques banales des burinistes. Il en est de
même de sa Vierge au linge d’après Raphaël, qu’il gravait en 1864
pour un marchand d’estampes.
Émile Galichon, qui dirigeait alors avec tant de finesse et de goût
la Gazette des Beaux-Arts, avait deviné l’avenir de ce talent naissant.
La vente Pourtalès se préparait. Il demande à Gaillard d’interpréter
l’admirable chef-d’œuvre d’Antonello de Messine, ce portrait de
Condottiere, payé cent mille francs par le Louvre, et le charmant
tableau de la Vierge au donateur de Jean Bellin. Heureux temps où
l’on voyait paraître dans la même livraison deux planches de Gaillard
(janvier 1865j ! C’était le moment où Jules Jacquemart enlevait du
bout de sa pointe juvénile ses premières et merveilleuses eaux-fortes.
Les deux gravures de Gaillard sont remarquables à des titres
divers. Elles témoignent encore d’une certaine gaucherie dans le
maniement de l’outil. Mais combien le style en est déjà ferme,
incisif, personnel ! Les tailles entrecroisées de l’Antonello n’ont,
sans doute, rien de bien hardi comme pratique de burin ; tout l’intérêt
de la gravure est dans la décision de l’effet, dans la force d’un dessin
vigoureusement écrit; l’œil et la bouche sont d’un rendu surprenant.
Malheureusement, le cuivre un peu mou employé par l’artiste n’a
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
influence qu’il est important de noter. Ce Sellier, dont on a vu
récemment l’Exposition des œuvres à l’École des Beaux-Arts, est un
peintre de second plan dont l’action sur ses camarades a été assuré-
ment plus grande que ne l’était son talent. Gaillard avouait lui-même
qu’il lui devait une bonne part de cette compréhension des maîtres
du dessin qu’il a portée si loin.
Jusqu’en 1865, année où le graveur révèle subitement sa person-
nalité avec la planche du Condottiere, d’Antonello de Messine, parue
dans la Gazette des Beaux-Arts, Gaillard semble osciller, incertain,
entre l’étude des modernes et son penchant encore mal défini pour
les primitifs et les consciencieux. Le Portrait de Jean Bellin avait
été assez mal accueilli par les juges du quai Malaquais; il avait
même été refusé au Salon. On avait généralement blâmé cette ten-
tative d’indépendance vis-à-vis des belles traditions consacrées par
le talent des Desnoyers et des Henriquel. Aussi Gaillard, qui
débutait à Paris sans ressources pécuniaires, se crut-il obligé de
rogner ses ailes pour se concilier les faveurs administratives.
L’art assagi et tiède n’allait point à son tempérament. Des œuvres
assez insignifiantes s’échappent de sa main distraite. Le Portrait
d'Horace Vernet (Gazette des Beaux-Arts, octobre 1863) n’est qu’un
bon exercice selon les pratiques banales des burinistes. Il en est de
même de sa Vierge au linge d’après Raphaël, qu’il gravait en 1864
pour un marchand d’estampes.
Émile Galichon, qui dirigeait alors avec tant de finesse et de goût
la Gazette des Beaux-Arts, avait deviné l’avenir de ce talent naissant.
La vente Pourtalès se préparait. Il demande à Gaillard d’interpréter
l’admirable chef-d’œuvre d’Antonello de Messine, ce portrait de
Condottiere, payé cent mille francs par le Louvre, et le charmant
tableau de la Vierge au donateur de Jean Bellin. Heureux temps où
l’on voyait paraître dans la même livraison deux planches de Gaillard
(janvier 1865j ! C’était le moment où Jules Jacquemart enlevait du
bout de sa pointe juvénile ses premières et merveilleuses eaux-fortes.
Les deux gravures de Gaillard sont remarquables à des titres
divers. Elles témoignent encore d’une certaine gaucherie dans le
maniement de l’outil. Mais combien le style en est déjà ferme,
incisif, personnel ! Les tailles entrecroisées de l’Antonello n’ont,
sans doute, rien de bien hardi comme pratique de burin ; tout l’intérêt
de la gravure est dans la décision de l’effet, dans la force d’un dessin
vigoureusement écrit; l’œil et la bouche sont d’un rendu surprenant.
Malheureusement, le cuivre un peu mou employé par l’artiste n’a