Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 35.1887

DOI issue:
Nr. 3
DOI article:
Phillips, Claude: Expositions rétrospectives de la Royal Academy et de la Grosvenor Gallery: correspondance d'Angleterre
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24189#0284

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
262

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

voit représentés deux épisodes du Jugement de Paris : l’un nous fait voir un Paris
Florentin qui, ayant examiné les mérites des trois déesses entièrement couvertes
de vêtements d’une fantaisie étrange, tend à Vénus une pomme portant l'inscrip-
tion tt) xocXr) ; l’autre représente un groupe, dont fait partie Vénus triomphante,
montrant la pomme à Jupiter. Cette étrange composition n’a rien ni de l’énergie
passionnée ni de la facture de Botticelli, mais, néanmoins, les types des person-
nages et surtout leur parure bizarre, ont une analogie marquée avec les séries
gravées des Sibylles et des Prophètes, attribuées généralement au concours de Bot-
ticelli et de Baccio Baldini : c’est surtout avec la première série des Sibylles (repro-
duite dernièrement par la nouvelle Société chalcographique d’après l’exemplaire
unique faisant partie de la collection Malcolm) que la ressemblance est frappante;
mais la grande supériorité de ces merveilleuses estampes sur le panneau en ques-
tion ferait croire qu’en cette occasion le peintre, quel qu’il soit, a profité de l’ins-
piration du graveur. La place d’honneur dans ce même salon est occupée par un
carton au crayon noir : la Vierge avec l’Enfant Jésus (au colonel Sterling), attribué
à Raphaël, et censé être celui du tableau connu en Angleterre sous le nom Rogers
Madonna, qui faisait antérieurement partie de la grande collection de la maison
d’Orléans. Ce carton, mentionné par Passavant, est accepté comme authentique
par MM. Crowe et Cavalcaselle dans leur biographie récente de Raphaël; il paraît
que, comme composition et comme dimension, il répond à cette Madone autrefois
assez connue, mais qui depuis longtemps a été ensevelie, et comme perdue pour
le public. Néanmoins, il est difficile de croire, après un examen attentif de ce
dessin, que le divin Sanzio lui-même, en pleine possession de ses forces, en soit
responsable. L’ajustement des voiles de la sainte Vierge, le type relativement insi-
gnifiant de sa figure, ont je ne sais quoi de lombard, qui ferait songer au Sodoma,
ou à un peintre de son École, sous l’influence de Raphaël. Fort à propos, on a
placé au-dessus du dessin un tableau de forme ronde attribué avec justice à Bazzi,
et rappelant par le caractère de certaines figures un tableau célèbre de la pre-
mière salle de la galerie Borghèse, que certains critiques allemands ont retiré à
Lorenzo di Credi pour le donner à ce peintre Lombardo-Siennois. Une des gloires
de l’Exposition est le célèbre portrait de femme de Lorenzo Lotto, provenant de
Dorchester llouse. Il représente une jeune et belle patricienne, qu’on dirait Véni-
tienne, si elle ne portait un genre de turban rond, dont l’usage était inconnu à
Venise, mais qui avait été adopté en Lombardie. Elle porte à la main un dessin
représentant Lucrèce nue qui se donne la mort, et l’indique d’un geste significatif
au spectateur; plus bas se voit sur une table placée à coté d’elle l’inscription :
Nec ulla impudica Lucretiæ cxemplo vivet. L’expression sombre et tragique de
cette jeune et belle femme ne s’accorde que trop bien avec sa devise mystérieuse;
le feu intérieur de ses yeux expressifs n’altère presque pas ses traits, d’une beauté
délicate et régulière, mais il annonce une résolution inébranlable et une préoccu-
pation qui nous défend de croire que cette Lucrèce moderne se soit fait peindre
ainsi par pure fantaisie ou pour suivre les modes humanistes de l’époque. Assu-
rément Titien et Palma ont produit dans le même genre des merveilles supérieures,
au point de vue de l’exécution, à cette belle œuvre ; mais ni l’un ni l’autre n’ont
jamais prêté à une physionomie de femme jeune et radieuse de beauté une
signification si étrange et si émouvante. De Dorchester House provient aussi une
Sainte Famille de Gaudenzio Ferrari, peintre fort peu connu en Angleterre, quoique,
 
Annotationen