CORRESPONDANCE D’ITALIE.
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mère de toutes les églises du monde catholique, et la regardant comme un insigne
monument, vraie gloire du pontificat romain, il avait décidé d’ordonner l’agran-
dissement de l’abside du Lateran. » L’organisation des travaux et le soin de la
dépense furent confiés au comte Vespignani. Pendant six années, les travaux
furent rapidement poussés, et, le 3 juin 1886, pour la fête de l’Ascension, la toile
qui cachait la nouvelle abside étant enlevée, l’on a pu voir, dans toute leur fraîcheur
éclatante, mosaïques et marbres de couleur, ornements du pavé, dorures du plafond,
peintures et stucs et plâtres des murailles.
Le prolongement de l’abside a ajouté à l’église une longueur de vingt mètres.
De là cette impression d’énormité architecturale qui vous saisit au Lateran, même
sortant d’une grande basilique comme Sainte-Marie Majeure. A l’endroit où l’an-
cienne abside se détachait de la nef Clémentine, l’on voit aujourd’hui un arc
triomphal soutenu par deux colonnes de granit de Baveno, qui marquent le passage
de la construction antique à la nouvelle.
L’affreuse décoration de la nef Clémentine a fourni le thème ornemental pour
la restauration de l’église ; d’ailleurs on a trouvé moyen de l’exagérer singulièrement.
Le nouveau plafond est plus massif encore et plus prétentieux que l’ancien ; sa
principale décoration est un écusson d’un poids inquiétant, aux armes de Léon XIII ;
les compartiments qui l’environnent présentent des emblèmes eucharistiques
alternant avec des targes soutenues par des enfants, et portant l’éternelle inscrip-
tion : LEO. XIII. P. M., et S. P. AN. VII. Le grand arc d’entrée, avec ses deux
colonnes corinthiennes, correspond à celui du fond, qui ouvre sur l’abside même,
et s’appuie sur deux pilastres analogues. Dans l’intervalle des deux arcs, c’est-à-dire
dans le nouveau chœur des chanoines, les parois latérales, incrustées de marbres
de toute sorte, offrent aussi de chaque côté un arc de moindre dimension, avec
deux fenêtres formant balcon, à l’usage des dignitaires qui assistent aux offices
derrière les jalousies de bois sculpté et doré à profusion par un Vespignani. Toute
la dynastie des Vespignani s’est partagé le Lateran. Les balcons, en marbres
variés, sont soutenus par des tables en marbre sculpté, qui posent sur des têtes
de séraphins desquelles partent des festons de fruits. Entre ces balcons s’ouvre,
des deux parts, l’espace réservé à la chapelle de chant. Les orgues, tout dorés,
naturellement, ont été reportés aux deux extrémités du transsept. Au-dessus des
loges latérales, qui ont des colonnettes en vert antique, accostant encore l’écusson
papal, on peut admirer deux grandes fresques, encadrées par une sorte de rideau
en trompe-l’œil, terminé par une frange et des glands de stuc. Toutes ces peintures
ont le même style, ou plutôt n’en ont point. Elles représentent Léon XIII qui
ordonne le nouveau travail.
Mal gré la forte différence d’aspect qui distingue l’abside du reste de la nef, on
a cru devoir, pour harmoniser le tout, revêtir la partie basse de compartiments
de marbre en mosaïque dans le genre des œuvres des Cosmas. Au centre, deux
colonnes torses à incrustations brillantes encadrent le trône pontifical, qui n’a
conservé de l’ancienne chaire du moyen âge qu’un degré et une inscription. Pour-
quoi n’avoir pas replacé dans l’église le siège ancien, si élégant, conservé dans le
cloître? Est-ce parce que l’on arrive fâcheusement disposé par la décoration criarde
du transsept et de la nef, que l’on cherche volontiers chicane à ce revêtement
polychrome assez banal, etq ui aurait pu s’inspirer mieux des Cosmas? En tou cas,
il ne repose pas l’œil; et, quand on vient à regarder la mosaïque, on est las d'avoir
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mère de toutes les églises du monde catholique, et la regardant comme un insigne
monument, vraie gloire du pontificat romain, il avait décidé d’ordonner l’agran-
dissement de l’abside du Lateran. » L’organisation des travaux et le soin de la
dépense furent confiés au comte Vespignani. Pendant six années, les travaux
furent rapidement poussés, et, le 3 juin 1886, pour la fête de l’Ascension, la toile
qui cachait la nouvelle abside étant enlevée, l’on a pu voir, dans toute leur fraîcheur
éclatante, mosaïques et marbres de couleur, ornements du pavé, dorures du plafond,
peintures et stucs et plâtres des murailles.
Le prolongement de l’abside a ajouté à l’église une longueur de vingt mètres.
De là cette impression d’énormité architecturale qui vous saisit au Lateran, même
sortant d’une grande basilique comme Sainte-Marie Majeure. A l’endroit où l’an-
cienne abside se détachait de la nef Clémentine, l’on voit aujourd’hui un arc
triomphal soutenu par deux colonnes de granit de Baveno, qui marquent le passage
de la construction antique à la nouvelle.
L’affreuse décoration de la nef Clémentine a fourni le thème ornemental pour
la restauration de l’église ; d’ailleurs on a trouvé moyen de l’exagérer singulièrement.
Le nouveau plafond est plus massif encore et plus prétentieux que l’ancien ; sa
principale décoration est un écusson d’un poids inquiétant, aux armes de Léon XIII ;
les compartiments qui l’environnent présentent des emblèmes eucharistiques
alternant avec des targes soutenues par des enfants, et portant l’éternelle inscrip-
tion : LEO. XIII. P. M., et S. P. AN. VII. Le grand arc d’entrée, avec ses deux
colonnes corinthiennes, correspond à celui du fond, qui ouvre sur l’abside même,
et s’appuie sur deux pilastres analogues. Dans l’intervalle des deux arcs, c’est-à-dire
dans le nouveau chœur des chanoines, les parois latérales, incrustées de marbres
de toute sorte, offrent aussi de chaque côté un arc de moindre dimension, avec
deux fenêtres formant balcon, à l’usage des dignitaires qui assistent aux offices
derrière les jalousies de bois sculpté et doré à profusion par un Vespignani. Toute
la dynastie des Vespignani s’est partagé le Lateran. Les balcons, en marbres
variés, sont soutenus par des tables en marbre sculpté, qui posent sur des têtes
de séraphins desquelles partent des festons de fruits. Entre ces balcons s’ouvre,
des deux parts, l’espace réservé à la chapelle de chant. Les orgues, tout dorés,
naturellement, ont été reportés aux deux extrémités du transsept. Au-dessus des
loges latérales, qui ont des colonnettes en vert antique, accostant encore l’écusson
papal, on peut admirer deux grandes fresques, encadrées par une sorte de rideau
en trompe-l’œil, terminé par une frange et des glands de stuc. Toutes ces peintures
ont le même style, ou plutôt n’en ont point. Elles représentent Léon XIII qui
ordonne le nouveau travail.
Mal gré la forte différence d’aspect qui distingue l’abside du reste de la nef, on
a cru devoir, pour harmoniser le tout, revêtir la partie basse de compartiments
de marbre en mosaïque dans le genre des œuvres des Cosmas. Au centre, deux
colonnes torses à incrustations brillantes encadrent le trône pontifical, qui n’a
conservé de l’ancienne chaire du moyen âge qu’un degré et une inscription. Pour-
quoi n’avoir pas replacé dans l’église le siège ancien, si élégant, conservé dans le
cloître? Est-ce parce que l’on arrive fâcheusement disposé par la décoration criarde
du transsept et de la nef, que l’on cherche volontiers chicane à ce revêtement
polychrome assez banal, etq ui aurait pu s’inspirer mieux des Cosmas? En tou cas,
il ne repose pas l’œil; et, quand on vient à regarder la mosaïque, on est las d'avoir