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GAZETTE DES BEAUX ARTS.
été donné comme successeur à Sébastien dans la décoration de la Farnésine,
depuis que Sébastien s’était senti surpassé et qu’il avait compris que ses fresques
n’avaient pas eu tout le succès qu’il souhaitait avoir, il tomba de plus en plus sous
l’influence de Michel-Ange. Et bientôt non content d’entrer en rapports directs
avec Michel-Ange, il l’imita.
On retrouve dans ses œuvres, à partir de cette époque, outre les qualités
propres à l’École vénitienne, qualités qu’il possédait, une imitation des formes
puissantes de son nouveau modèle. Aussi prit-il une place importante parmi les
peintres ses contemporains, et devint-il capable d’entrer en concurrence avec
Raphaël.
En mêlant ces deux éléments différents, l'imitation des formes de Michel-Ange
et les dons de coloriste qui lui étaient propres, il en arriva à produire des œuvres
aussi remarquables que celle qui se trouve dans la National Gallery, c’est une
œuvre dans laquelle il a sacrifié la richesse de son coloris, une œuvre plus grise,
mais plus puissante peut-être que les autres. On sait que Sébastien del Piombo était
placé par les contemporains au même rang que Raphaël ; la Transfiguration et la
Résurrection de Lazare furent commandés en même temps par le cardinal Giulio
de Medicis, l’année même où fut peint le Joueur de violon. Raphaël aurait voulu,
en peignant ce portrait, lutter avec un rival et peut-être le dépasser.
Quoi qu’il en soit, et quelque parti qu’on prenne dans la discussion, une œuvre
comme la Dorothea attirera toujours l’attention de ceux qu’intéresse l’histoire du
génie, et qui cherchent curieusement comment les grands maîtres, si variés,
arrivent à s’assimiler toutes les perfections de leurs contemporains.
Si la Dorothea est de Sébastien del Piombo, quel honneur pour ce peintre
d’avoir fait un tableau qui puisse se comparer aux plus belles œuvres de Raphaël,
et lui être attribué sans invraisemblance. Le jour où cette attribution serait certaine,
on en reviendrait aux jugements des contemporains qui plaçaient les deux maîtres
presque au même rang.
Si la Dorothea est l’œuvre de Raphaël, c’est une date importante dans la vie
du grand maître romain. Raphaël, pour lutter avec un rival, aurait acquis toutes
les qualités d’arrangement et de couleur de l’École vénitienne. Ce serait une nou-
velle transformation de son génie.
AMÉDÉE PIGEON.
GAZETTE DES BEAUX ARTS.
été donné comme successeur à Sébastien dans la décoration de la Farnésine,
depuis que Sébastien s’était senti surpassé et qu’il avait compris que ses fresques
n’avaient pas eu tout le succès qu’il souhaitait avoir, il tomba de plus en plus sous
l’influence de Michel-Ange. Et bientôt non content d’entrer en rapports directs
avec Michel-Ange, il l’imita.
On retrouve dans ses œuvres, à partir de cette époque, outre les qualités
propres à l’École vénitienne, qualités qu’il possédait, une imitation des formes
puissantes de son nouveau modèle. Aussi prit-il une place importante parmi les
peintres ses contemporains, et devint-il capable d’entrer en concurrence avec
Raphaël.
En mêlant ces deux éléments différents, l'imitation des formes de Michel-Ange
et les dons de coloriste qui lui étaient propres, il en arriva à produire des œuvres
aussi remarquables que celle qui se trouve dans la National Gallery, c’est une
œuvre dans laquelle il a sacrifié la richesse de son coloris, une œuvre plus grise,
mais plus puissante peut-être que les autres. On sait que Sébastien del Piombo était
placé par les contemporains au même rang que Raphaël ; la Transfiguration et la
Résurrection de Lazare furent commandés en même temps par le cardinal Giulio
de Medicis, l’année même où fut peint le Joueur de violon. Raphaël aurait voulu,
en peignant ce portrait, lutter avec un rival et peut-être le dépasser.
Quoi qu’il en soit, et quelque parti qu’on prenne dans la discussion, une œuvre
comme la Dorothea attirera toujours l’attention de ceux qu’intéresse l’histoire du
génie, et qui cherchent curieusement comment les grands maîtres, si variés,
arrivent à s’assimiler toutes les perfections de leurs contemporains.
Si la Dorothea est de Sébastien del Piombo, quel honneur pour ce peintre
d’avoir fait un tableau qui puisse se comparer aux plus belles œuvres de Raphaël,
et lui être attribué sans invraisemblance. Le jour où cette attribution serait certaine,
on en reviendrait aux jugements des contemporains qui plaçaient les deux maîtres
presque au même rang.
Si la Dorothea est l’œuvre de Raphaël, c’est une date importante dans la vie
du grand maître romain. Raphaël, pour lutter avec un rival, aurait acquis toutes
les qualités d’arrangement et de couleur de l’École vénitienne. Ce serait une nou-
velle transformation de son génie.
AMÉDÉE PIGEON.