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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 35.1887

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https://doi.org/10.11588/diglit.24189#0388

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358

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

et moins enthousiastes peut-être, mais plus naturelles et plus nourries de pensées
que celles de Henri Régnault, elles ont un charme d’accent, une saveur de forme
qui en font une œuvre véritablement digne d’être conservée. Tous les amis des
arts sauront un gré infini à M. Ephrussi d’en avoir réalisé la publication.

Ces lettres, nous avons pris, nous l’avouons, un plaisir sans mélange à les
lire. Elles nous font pénétrer dans le sentiment intime de l’artiste, elles nous
expliquent ses goûts, ses prédilections, ses affinités ; elles éclairent son talent de
peintre de la plus vive lumière; elles nous font connaître l’homme, cette « nature
coriace de Vendéen », un peu difficile d’approche, d’une physionomie un peu
sévère, mais fière, loyale, opiniâtre en toutes choses, très bonne et très aimante
au fond.

Paul Baudry avait de qui tenir. Comme ceux de Gaillard, dont nous parlions
récemment, ses débuts plus que modestes lui avaient appris à une rude école le
dur métier de la vie. Son père, simple sabotier à la Roche-sur-Yon, était un de
ces hommes de forte trempe qui impriment leur marque à tout ce qui les entoure.
« Il passait sa vie dans les bois, levé avant le soleil, subissant l'influence mys-
térieuse du temps et des heures, mêlé pour ainsi dire à la nature, et n’ayant pour
distraction qu’un violon dont il jouait le soir aux étoiles h » Père de douze enfants,
dont Paul fut le troisième, il était de ceux qui composent le fond solide et résistant
de la nation. Une lettre d’Ambroise Baudry adressée à M. Charles Ephrussi nous
le représente, sous une enveloppe assez rugueuse, comme un brave et digne
homme, d’une physionomie un peu à l’ancienne, « un stoïcien sans le savoir, un
caractère antique, d’une beauté morale qu’il ignorait lui-même ». A travers tous
les accidents, toutes les luttes de sa vie d’artiste, au milieu des plus grands succès
de son âge mûr, Paul Baudry était bien resté le fils d’un tel père. La gravité
austère de ses premières années, ce large souffle de la nature qui avait comme
enveloppé son enfance, laissèrent sur son caractère une empreinte indélébile.

La correspondance de Paul Baudry nous le fait voir rempli de ses souvenirs
de jeunesse ; son imagination revenant toujours à cette terre vendéenne où s’étaient
développées les aptitudes de son œil de paysagiste, à cet intérieur paternel où le
labeur et l’économie avaient été ses maîtres. Les privations glissent sur lui comme
sur l’écorce d’un chêne vigoureux. « Rapin, écrivait-il, à un de ses camarades de
Vendée, peu de temps après son arrivée à Paris, on se fait une philosophie à soi,
pratique, bien plus utile et bien plus nécessaire que celle qu’on apprend par cœur
au collège. Nous savons dîner avec six sous comme avec vingt sous; celui qui
passe ce chiffre n’est qu’un amateur. Un jour j’ai déjeuné avec des maçons, et le
soir nous sommes tous allés dîner au Palais-Royal. Je me suis retrouvé quelque-
fois face à face à avaler un bouillon avec mon décrotteur. Loin de me souiller à
ce contact, ce n’est qu’une source d’études et d’observations à faire. Cette bonne
philosophie, qui est la seule vraie, ne me fait goûter que mon bonheur et m’a
appris à vivre de peu. Et plus tard, pense donc comme ce doit être réjouissant,
quelle foule d’impressions cela doit réveiller, quand on a du talent, de la célébrité,
de penser à sa jeunesse, à sa mansarde, à une lettre de son ami et à ces mille
choses qui vous ont laissé une impression, bien effacée, il est vrai, mais qu’un rien
peut encore faire vibrer... » Quelle charmante nature, quel bel équilibre de santé

1. Notice de M. Eug. Guillaume, en tète du Catalogue de l’Exposition des œuvres de
Paul Baudry à l’École des Beaux-Arts.
 
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