LE TRÉSOR DE SAINT-MARC.
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totalité des objets d’art qui furent apportés de Constantinople à
Venise ; on conçoit que depuis cette époque, l’incendie de 1231, le
temps, l’incurie, les déprédations dont les plus récentes, il faut bien
le dire à notre honte, datent de l’occupation française à la fin du
siècle dernier, ont considérablement diminué la part des Vénitiens.
Toutefois, pendant longtemps de nouveaux objets ont dû être apportés
au Trésor de différents côtés. Les Vénitiens ont toujours considéré
Saint-Marc comme l’honneur, le véritable palladium de leur république
et chaque fois qu’ils ont pu trouver soit une relique, soit un objet
curieux, ils n’ont jamais manqué d’en orner le sanctuaire de leur
patron; ils continuaient ainsi une tradition déjà longue qui remonte
à l’apport du corps de saint Marc, volé à Alexandrie en 828,
continuée au xie et au xnc siècles par le transport des corps de
saint Tarasius (1018), de saint Nicolas (1102), de saint Étienne (1110).
Il s’ensuit qu’un certain nombre d’objets qui se trouvent1 maintenant
au Trésor doivent provenir de dons postérieurs à 1204; nous le
conjecturons sans qu’il soit souvent possible de l’affirmer; je ne
parle bien entendu que d’objets anciens; car le Trésor possède une
foule d’objets de la Renaissance dont l'origine n’est pas douteuse.
Disposée dans deux salles, dont l’une est une chapelle et contient
les reliquaires, cette collection d’objets d’art est d’un accès peu
commode pour le public et pour les savants; il serait nécessaire,
maintenant que la voilà publiée, qu’on la transportât ailleurs, au
Palais Ducal par exemple, où elle serait plus à l’aise et dans un jour
plus favorable. Je n’ose espérer que ce vœu sera entendu, tant est
grande la force delà routine. Il serait aussi nécessaire que l’on fit une
petite notice très sommaire donnant au visiteur des notions un peu
moins fausses que l’insipide bavardage d’un custode ignorant. C’est
ce que l’on a fait à Monza et tout le monde s’en trouve bien.
Je ne suivrai point dans la description sommaire que j’entreprends
l'ordre numérique des planches de l’ouvrage qui va être publié et
auquel il m’arrivera souvent de renvoyer le lecteur 1 ; je ne m’astrein-
drai pas non plus à parler de tous les objets, parce que cela m’entraî-
nerait beaucoup trop loin ; c’est une tâche dont Mb'r Pasini s’acquittera
en conscience. Je me propose d’étudier d’abord les objets antiques
non pourvus de montures, les objets orientaux, persans ou arabes;
puis les objets byzantins; la Pala d’oro et les œuvres vénitiennes
1. Je le cite sous le nom de Tesoro; quant au travail de Julien Durand, sauf
exceptions, comme il a pris soin de numéroter ses descriptions, je renvoie simple-
ment aux numéros.
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totalité des objets d’art qui furent apportés de Constantinople à
Venise ; on conçoit que depuis cette époque, l’incendie de 1231, le
temps, l’incurie, les déprédations dont les plus récentes, il faut bien
le dire à notre honte, datent de l’occupation française à la fin du
siècle dernier, ont considérablement diminué la part des Vénitiens.
Toutefois, pendant longtemps de nouveaux objets ont dû être apportés
au Trésor de différents côtés. Les Vénitiens ont toujours considéré
Saint-Marc comme l’honneur, le véritable palladium de leur république
et chaque fois qu’ils ont pu trouver soit une relique, soit un objet
curieux, ils n’ont jamais manqué d’en orner le sanctuaire de leur
patron; ils continuaient ainsi une tradition déjà longue qui remonte
à l’apport du corps de saint Marc, volé à Alexandrie en 828,
continuée au xie et au xnc siècles par le transport des corps de
saint Tarasius (1018), de saint Nicolas (1102), de saint Étienne (1110).
Il s’ensuit qu’un certain nombre d’objets qui se trouvent1 maintenant
au Trésor doivent provenir de dons postérieurs à 1204; nous le
conjecturons sans qu’il soit souvent possible de l’affirmer; je ne
parle bien entendu que d’objets anciens; car le Trésor possède une
foule d’objets de la Renaissance dont l'origine n’est pas douteuse.
Disposée dans deux salles, dont l’une est une chapelle et contient
les reliquaires, cette collection d’objets d’art est d’un accès peu
commode pour le public et pour les savants; il serait nécessaire,
maintenant que la voilà publiée, qu’on la transportât ailleurs, au
Palais Ducal par exemple, où elle serait plus à l’aise et dans un jour
plus favorable. Je n’ose espérer que ce vœu sera entendu, tant est
grande la force delà routine. Il serait aussi nécessaire que l’on fit une
petite notice très sommaire donnant au visiteur des notions un peu
moins fausses que l’insipide bavardage d’un custode ignorant. C’est
ce que l’on a fait à Monza et tout le monde s’en trouve bien.
Je ne suivrai point dans la description sommaire que j’entreprends
l'ordre numérique des planches de l’ouvrage qui va être publié et
auquel il m’arrivera souvent de renvoyer le lecteur 1 ; je ne m’astrein-
drai pas non plus à parler de tous les objets, parce que cela m’entraî-
nerait beaucoup trop loin ; c’est une tâche dont Mb'r Pasini s’acquittera
en conscience. Je me propose d’étudier d’abord les objets antiques
non pourvus de montures, les objets orientaux, persans ou arabes;
puis les objets byzantins; la Pala d’oro et les œuvres vénitiennes
1. Je le cite sous le nom de Tesoro; quant au travail de Julien Durand, sauf
exceptions, comme il a pris soin de numéroter ses descriptions, je renvoie simple-
ment aux numéros.