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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
être abîmé dans le mouvement de transformation universelle. De
magiques reflets sè jouent un moment dans la transparence des car-
tilages et des tissus sanglants ; puis la nuit gagne doucement la plaine
et le silence se refait peu à peu... »
Pour une fois, en 1883, Guillaumet fit un paysage de la terre de
France, les Champs labourés aux sillons monotones, derrière lesquels
se profile une petite ville endormie du même sommeil que les ksours
les plus mélancoliques. Enfin, on se rappelle que, l’an dernier,
l’exposition des Pastellistes compta plusieurs envois de Guillaumet.
Il y parut avec toutes ses qualités, car la délicatesse du pastel con-
venait à merveille à son tact minutieux et subtil. Qui ne se souvient
des ruelles de Bou-Saada, des femmes occupées à peindre des cruches,
de l’Arabe monté sur son chameau blanc? Autant de perles.
Au moment où la mort l’a frappé, Guillaumet mettait la dernière
main à un tableau où il nous représentait les Tisseuses attentives à
leur métier. La Gazette fait graver à l’eau-forte ce tableau, dans
lequel circule vraiment la délicieuse fraîcheur d’une pénombre tiède.
Yoilà une œuvre réfléchie, d’une saveur intime et paisible, un chef-
d’œuvre de recueillement et de tendre observation.
En même temps, il travaillait à un second tableau dont l’ébauche
est assez arrêtée pour qu’aucune des intentions n'échappe. Il aurait
peut-être appelé celui-là les Noces de Messaouda L En vérité, c’est une
scène de fête. Dans une rue assez large, confinant à des jardins, des
groupes sont étagés le long des murs, accroupis dans la poussière;
ce sont : à gauche, les hommes, dont les longues carabines vont
parler tout à l’heure, des enfants encapuchonnés; au fond, des
femmes, en habits de fête; à droite, des musiciens qui font rage.
Deux mignonnes petites Kabyles parées, s’avancent dans le champ
libre, se tenant par la main et scandant le pas du menuet local. Hélas !
l’œuvre était déjà échantillonnée avec un rare bonheur...
Il ne faut pas s’y tromper. Les qualités que nous avons relevées
chez Guillaumet et qui sont, pour ainsi dire, à fleur d’œuvre dans ses
tableaux, — qualités d’harmonie, de justesse d’effet, de mystère et
d’intimité vraie, — ces qualités sont rares. Elles sont pour plus de
moitié dans Lintérêt que chacun a pris aux productions de ce fin
talent. Car les problèmes qu’il a souvent résolus avec tant de succès
se posent partout devant l’œil de l’artiste, sur une échelle plus ou
moins grande. Il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’en Algérie pour
L Voir la Nouvelle Revue du l°r janvier 1882.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
être abîmé dans le mouvement de transformation universelle. De
magiques reflets sè jouent un moment dans la transparence des car-
tilages et des tissus sanglants ; puis la nuit gagne doucement la plaine
et le silence se refait peu à peu... »
Pour une fois, en 1883, Guillaumet fit un paysage de la terre de
France, les Champs labourés aux sillons monotones, derrière lesquels
se profile une petite ville endormie du même sommeil que les ksours
les plus mélancoliques. Enfin, on se rappelle que, l’an dernier,
l’exposition des Pastellistes compta plusieurs envois de Guillaumet.
Il y parut avec toutes ses qualités, car la délicatesse du pastel con-
venait à merveille à son tact minutieux et subtil. Qui ne se souvient
des ruelles de Bou-Saada, des femmes occupées à peindre des cruches,
de l’Arabe monté sur son chameau blanc? Autant de perles.
Au moment où la mort l’a frappé, Guillaumet mettait la dernière
main à un tableau où il nous représentait les Tisseuses attentives à
leur métier. La Gazette fait graver à l’eau-forte ce tableau, dans
lequel circule vraiment la délicieuse fraîcheur d’une pénombre tiède.
Yoilà une œuvre réfléchie, d’une saveur intime et paisible, un chef-
d’œuvre de recueillement et de tendre observation.
En même temps, il travaillait à un second tableau dont l’ébauche
est assez arrêtée pour qu’aucune des intentions n'échappe. Il aurait
peut-être appelé celui-là les Noces de Messaouda L En vérité, c’est une
scène de fête. Dans une rue assez large, confinant à des jardins, des
groupes sont étagés le long des murs, accroupis dans la poussière;
ce sont : à gauche, les hommes, dont les longues carabines vont
parler tout à l’heure, des enfants encapuchonnés; au fond, des
femmes, en habits de fête; à droite, des musiciens qui font rage.
Deux mignonnes petites Kabyles parées, s’avancent dans le champ
libre, se tenant par la main et scandant le pas du menuet local. Hélas !
l’œuvre était déjà échantillonnée avec un rare bonheur...
Il ne faut pas s’y tromper. Les qualités que nous avons relevées
chez Guillaumet et qui sont, pour ainsi dire, à fleur d’œuvre dans ses
tableaux, — qualités d’harmonie, de justesse d’effet, de mystère et
d’intimité vraie, — ces qualités sont rares. Elles sont pour plus de
moitié dans Lintérêt que chacun a pris aux productions de ce fin
talent. Car les problèmes qu’il a souvent résolus avec tant de succès
se posent partout devant l’œil de l’artiste, sur une échelle plus ou
moins grande. Il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’en Algérie pour
L Voir la Nouvelle Revue du l°r janvier 1882.