LA RENAISSANCE AU MUSÉE DE BERLIN.
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la manière de comprendre la personnalité, la naïve fidélité des moin-
dres détails, dont l’ensemble du tableau n’est cependant pas troublé,
justifient la réputation de cette œuvre et l’effet qu’a produit, à Paris,
son exposition aux enchères delà collectionSclioenborn-Pommersfel-
den en 1867. 11 a été gravé en 1883 dans la Gazette.
Le portrait de Holzschulier, qui fait aujourd’hui pendant à celui
de Muffel, depuis qu’il a été prêté en 1871 par la famille pour être
exposé dans le Musée national de Nuremberg, constitue pour nous
Allemands, de même que pour les étrangers, l’œuvre la plus saisissante
peut-être de la galerie de Berlin. 11 trahit, au premier coup d’œil,
dans l’exécution, la couleur et la manière, une même époque de pro-
duction que celle du portrait de Muffel, c’est-à-dire la dernière période
du maître. On ne peut certainement pas qualifier Dürer de coloriste.
Il se servait de son pinceau comme un dessinateur de son crayon et
sa couleur a un éclat métallique qui donne comme la sensation d’une
peinture sur verre. Cependant, dans quelques-unes de ses toiles bien
conservées, l’éclat et l’harmonie des tons offrent un charme tout
particulier. C’est spécialement le cas du portrait de Holzschulier,
dans lequel le coloris est d’un effet à la fois vigoureux et ravissant. La
blancheur mate des cheveux qui entourent la tête, tranchant sur le
fond d’un bleu gris clair, produit une merveilleuse opposition avec
la fourrure d’un brun foncé. Ce n’est cependant pas son coloris qui
fait que cette peinture passe pour l’un des plus admirables portraits
qui soient au monde. Elle doit une bonne partie de sa réputation à la
captivante personnalité du personnage représenté et à la surprenante
manière dont l’artiste a su la rendre. Par les mojœns les plus simples,
Dürer a réussi à exprimer la volonté indomptable et le tempérament
fougueux de son modèle, dont le caractère est presque tout entier
dans son regard pénétrant. Il a même, pour donner plus d’accent à
ce regard, orienté les yeux de telle sorte que les pupilles se trouvent
dans les coins et font ressortir le blanc pur dans lequel se reflète le
croisillon de la fenêtre.
Par un semblable artifice et à la même époque, Dürer a donné à la
figure de saint Marc, dans les panneaux représentant les apôtres,
qui se trouvent à Munich, une expression non moins particulière.
Le dessin parfaitement net de la bouche hermétiquement fermée, le
modelé impeccable de la tête, la manière dont sont traitées la longue
chevelure et la barbe d’une blancheur éclatante, dans lesquelles
chaque poil parait être rendu, toutes ces choses contribuent au même
degré à imprimer à la tête de Holzschulier un caractère tout spécial
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la manière de comprendre la personnalité, la naïve fidélité des moin-
dres détails, dont l’ensemble du tableau n’est cependant pas troublé,
justifient la réputation de cette œuvre et l’effet qu’a produit, à Paris,
son exposition aux enchères delà collectionSclioenborn-Pommersfel-
den en 1867. 11 a été gravé en 1883 dans la Gazette.
Le portrait de Holzschulier, qui fait aujourd’hui pendant à celui
de Muffel, depuis qu’il a été prêté en 1871 par la famille pour être
exposé dans le Musée national de Nuremberg, constitue pour nous
Allemands, de même que pour les étrangers, l’œuvre la plus saisissante
peut-être de la galerie de Berlin. 11 trahit, au premier coup d’œil,
dans l’exécution, la couleur et la manière, une même époque de pro-
duction que celle du portrait de Muffel, c’est-à-dire la dernière période
du maître. On ne peut certainement pas qualifier Dürer de coloriste.
Il se servait de son pinceau comme un dessinateur de son crayon et
sa couleur a un éclat métallique qui donne comme la sensation d’une
peinture sur verre. Cependant, dans quelques-unes de ses toiles bien
conservées, l’éclat et l’harmonie des tons offrent un charme tout
particulier. C’est spécialement le cas du portrait de Holzschulier,
dans lequel le coloris est d’un effet à la fois vigoureux et ravissant. La
blancheur mate des cheveux qui entourent la tête, tranchant sur le
fond d’un bleu gris clair, produit une merveilleuse opposition avec
la fourrure d’un brun foncé. Ce n’est cependant pas son coloris qui
fait que cette peinture passe pour l’un des plus admirables portraits
qui soient au monde. Elle doit une bonne partie de sa réputation à la
captivante personnalité du personnage représenté et à la surprenante
manière dont l’artiste a su la rendre. Par les mojœns les plus simples,
Dürer a réussi à exprimer la volonté indomptable et le tempérament
fougueux de son modèle, dont le caractère est presque tout entier
dans son regard pénétrant. Il a même, pour donner plus d’accent à
ce regard, orienté les yeux de telle sorte que les pupilles se trouvent
dans les coins et font ressortir le blanc pur dans lequel se reflète le
croisillon de la fenêtre.
Par un semblable artifice et à la même époque, Dürer a donné à la
figure de saint Marc, dans les panneaux représentant les apôtres,
qui se trouvent à Munich, une expression non moins particulière.
Le dessin parfaitement net de la bouche hermétiquement fermée, le
modelé impeccable de la tête, la manière dont sont traitées la longue
chevelure et la barbe d’une blancheur éclatante, dans lesquelles
chaque poil parait être rendu, toutes ces choses contribuent au même
degré à imprimer à la tête de Holzschulier un caractère tout spécial