CHARDIN
AU MUSÉE DU LOUVRE
mÈs avoir de son vivant, le
Salon de messieurs de l'Académie au
Louvre, Chardin tapisse aujourd'hui
de trente de ses chefs-d'œuvre nos
galeries françaises de peinture. Sa
modestie légendaire de placeur de
tableaux toujours prêt à mettre ses
propres œuvres en bouche-trou pour
le contentement des confrères lui
donnerait presque droit, même à dé-
faut d'autres mérites, à l'étendue
d'une longue cimaise. Cette déduction
souriante n'a rien d'otfensant au génie du maître, car il est le peintre
des peintres français, et il rayonne de partout. Le Louvre est sa vraie
maison, et, fut-il le seul] à y représenter notre art national, de
Watteau à Prud'hon, il y suffirait merveilleusement. Peut-être
serait-ce un avantage pour son époque, car ce siècle un peu trop
pommadé de petits-maîtres aurait tout intérêt à voir cette robuste
peinture le synthétiser. On se demande même comment des condi-
tions d'air et de milieu d'une pareille afféterie sociale permirent
l'éclosion d'un tel maître. Sans s'arrêter à des hypothèses incer-
taines, il vaut mieux s'en tenir à la grande loi des artistes supérieurs
poussés comme au hasard et sans autre attache avec leurs contem-
porains. Et, en effet, tout en Chardin paraissait devoir contrarier les
habitudes du goût courant : absence de sujet, vulgarité des objets et
des figures, épaisseur de touche à la place du joli « torché des
AU MUSÉE DU LOUVRE
mÈs avoir de son vivant, le
Salon de messieurs de l'Académie au
Louvre, Chardin tapisse aujourd'hui
de trente de ses chefs-d'œuvre nos
galeries françaises de peinture. Sa
modestie légendaire de placeur de
tableaux toujours prêt à mettre ses
propres œuvres en bouche-trou pour
le contentement des confrères lui
donnerait presque droit, même à dé-
faut d'autres mérites, à l'étendue
d'une longue cimaise. Cette déduction
souriante n'a rien d'otfensant au génie du maître, car il est le peintre
des peintres français, et il rayonne de partout. Le Louvre est sa vraie
maison, et, fut-il le seul] à y représenter notre art national, de
Watteau à Prud'hon, il y suffirait merveilleusement. Peut-être
serait-ce un avantage pour son époque, car ce siècle un peu trop
pommadé de petits-maîtres aurait tout intérêt à voir cette robuste
peinture le synthétiser. On se demande même comment des condi-
tions d'air et de milieu d'une pareille afféterie sociale permirent
l'éclosion d'un tel maître. Sans s'arrêter à des hypothèses incer-
taines, il vaut mieux s'en tenir à la grande loi des artistes supérieurs
poussés comme au hasard et sans autre attache avec leurs contem-
porains. Et, en effet, tout en Chardin paraissait devoir contrarier les
habitudes du goût courant : absence de sujet, vulgarité des objets et
des figures, épaisseur de touche à la place du joli « torché des