CORRESPONDANCE D'ANGLETERRE.
73
portantes constructions antiques qui rehaussent l'elfet de singularité du groupe
principal. Le pendant de ce tableau représente la même Andromède vue de dos,
et le même Persée se livrant à un combat assez langoureux contre un monstre
verdâtre — moitié poisson, moitié lézard, — dont la défense est aussi dépourvue
de vigueur que l'attaque du héros. Ceux qui connaissent le point de vue artistique
et littéraire, et les excentricités voulues de M. Burne-Jones ne s'attendront à ren-
contrer dans ses dernières créations ni le sentiment dramatique, ni les jeux de
la physionomie humaine, ni une interprétation de la nature prise sur la réalité.
Ce que nous y trouvons, c'est une étrangeté d'impression, plus encore que de
sentiment, un coloris rare et délicat plutôt qu'éclatant, un symbolisme vague et
mystérieux, qui éveillent l'idée de profondeurs ténébreuses dans la pensée du pein-
tre. 11 est cependant permis de douter de la profondeur de ces mystères à peine
entrevus, et de voir dans le parti pris et les étranges procédés du peintre une
habile manière de rétrécir les limites de l'art, et en même temps d'afficher son
dédain pour tout ce qui touche à la vérité du grand drame humain et de la passion.
Mais M. Burne-Jones n'a jamais montré dans l'exécution plus de raffinement ni
plus d'originalité; rarement aussi il est parvenu à produire des ensembles, à sa
façon, plus décoratifs.
L'dwyg & la üforl, de M. Watts, est, par contre, l'invention singulièrement
émouvante d'un grand poète sinon d'un grand peintre. Un être surnaturel, puis-
sant et énigmatique, aux immenses ailes repliées, formées de plumes d'une teinte
funèbre, se penche avec une pitié et une tendresse infinies sur le corps d'un petit
enfant mourant qu'il tient sur ses genoux, l'enveloppant de l'ombre et du mystère
suprême de sa présence. La tonalité austère et grise de l'ensemble ajoute singu-
lièrement à la solennité dont est empreinte toute cette conception aussi élevée que
sincère. 11 ne faut plus demander à M. Watts ni la précision absolue dans le dessin,
ni les virtuosités d'exécution; cette œuvre est cependant, sous le rapport de
l'exécution, supérieure à plusieurs d'entre ses devancières.
M. Legros reparaît en public après une absence de plusieurs années, avec
deux toiles. La première, un étendu sur un linceul blanc, dans un
paysage solennel, est une œuvre belle et sérieuse, qui ne sort pas absolument de
la tradition; l'autre, intitulée est un ressouvenir sur une échelle
agrandie de M. Legros lui-même; plusieurs de ces têtes de jeunes femmes sont,
il faut l'avouer, d'anciennes connaissances; mais elles sont empreintes d'un grand
style. Le « Slade Professor B brille surtout par un essai dans le domaine de la
sculpture; c'est la statue d'un m^/7'^, qui est plutôt une charmante esquisse
qu'une œuvre terminée. C'est un travail qui, par son rapport intime avec la na-
ture — idéalisée dans une juste mesure — rappelle l'art grec, qu'il ne vise ce-
pendant pas à imiter. Pour qu'il pût être traduit en marbre, il faudrait que ce
morceau fût beaucoup plus poussé qu'il ne l'est actuellement.
M. Alma-Tadema montre, entre plusieurs petites toiles, une délicieuse Vernis
Mars. C'est tout simplement une fillette blonde comptant cinq printemps à
peine, vue en plein air sous un ciel rayonnant; elle contemple avec amour une
petite image du dieu Mars qu'elle tient entre les bras. Rien de plus charmant que
la lumière caressant doucement la chevelure d'or et les épaules rosées de l'enfant.
Notons en passant une fort curieuse étude de lumière, A ^as sRiih/, par
M. La Thangue. Une jeune femme écrit dans une pièce éclairée par une lampe
— 2° PÉRIODE. 10
XXXVIII.
73
portantes constructions antiques qui rehaussent l'elfet de singularité du groupe
principal. Le pendant de ce tableau représente la même Andromède vue de dos,
et le même Persée se livrant à un combat assez langoureux contre un monstre
verdâtre — moitié poisson, moitié lézard, — dont la défense est aussi dépourvue
de vigueur que l'attaque du héros. Ceux qui connaissent le point de vue artistique
et littéraire, et les excentricités voulues de M. Burne-Jones ne s'attendront à ren-
contrer dans ses dernières créations ni le sentiment dramatique, ni les jeux de
la physionomie humaine, ni une interprétation de la nature prise sur la réalité.
Ce que nous y trouvons, c'est une étrangeté d'impression, plus encore que de
sentiment, un coloris rare et délicat plutôt qu'éclatant, un symbolisme vague et
mystérieux, qui éveillent l'idée de profondeurs ténébreuses dans la pensée du pein-
tre. 11 est cependant permis de douter de la profondeur de ces mystères à peine
entrevus, et de voir dans le parti pris et les étranges procédés du peintre une
habile manière de rétrécir les limites de l'art, et en même temps d'afficher son
dédain pour tout ce qui touche à la vérité du grand drame humain et de la passion.
Mais M. Burne-Jones n'a jamais montré dans l'exécution plus de raffinement ni
plus d'originalité; rarement aussi il est parvenu à produire des ensembles, à sa
façon, plus décoratifs.
L'dwyg & la üforl, de M. Watts, est, par contre, l'invention singulièrement
émouvante d'un grand poète sinon d'un grand peintre. Un être surnaturel, puis-
sant et énigmatique, aux immenses ailes repliées, formées de plumes d'une teinte
funèbre, se penche avec une pitié et une tendresse infinies sur le corps d'un petit
enfant mourant qu'il tient sur ses genoux, l'enveloppant de l'ombre et du mystère
suprême de sa présence. La tonalité austère et grise de l'ensemble ajoute singu-
lièrement à la solennité dont est empreinte toute cette conception aussi élevée que
sincère. 11 ne faut plus demander à M. Watts ni la précision absolue dans le dessin,
ni les virtuosités d'exécution; cette œuvre est cependant, sous le rapport de
l'exécution, supérieure à plusieurs d'entre ses devancières.
M. Legros reparaît en public après une absence de plusieurs années, avec
deux toiles. La première, un étendu sur un linceul blanc, dans un
paysage solennel, est une œuvre belle et sérieuse, qui ne sort pas absolument de
la tradition; l'autre, intitulée est un ressouvenir sur une échelle
agrandie de M. Legros lui-même; plusieurs de ces têtes de jeunes femmes sont,
il faut l'avouer, d'anciennes connaissances; mais elles sont empreintes d'un grand
style. Le « Slade Professor B brille surtout par un essai dans le domaine de la
sculpture; c'est la statue d'un m^/7'^, qui est plutôt une charmante esquisse
qu'une œuvre terminée. C'est un travail qui, par son rapport intime avec la na-
ture — idéalisée dans une juste mesure — rappelle l'art grec, qu'il ne vise ce-
pendant pas à imiter. Pour qu'il pût être traduit en marbre, il faudrait que ce
morceau fût beaucoup plus poussé qu'il ne l'est actuellement.
M. Alma-Tadema montre, entre plusieurs petites toiles, une délicieuse Vernis
Mars. C'est tout simplement une fillette blonde comptant cinq printemps à
peine, vue en plein air sous un ciel rayonnant; elle contemple avec amour une
petite image du dieu Mars qu'elle tient entre les bras. Rien de plus charmant que
la lumière caressant doucement la chevelure d'or et les épaules rosées de l'enfant.
Notons en passant une fort curieuse étude de lumière, A ^as sRiih/, par
M. La Thangue. Une jeune femme écrit dans une pièce éclairée par une lampe
— 2° PÉRIODE. 10
XXXVIII.