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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 38.1888

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Nr. 2
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Ephrussi, Charles: Le vicomte Both de Tauzia
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https://doi.org/10.11588/diglit.24192#0176

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160

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

éléments du patrimoine de la nation, il suivait avec un intérêt vigilant
ses moindres productions, ses tentatives d'innovations hardies, et il
lui est arrivé de prédire plus d'une renommée qu'on ne soupçonnait
point encore.
Mais c'était surtout au Louvre, dans ce cabinet discrètement
orné dequelques belles reproductions d'œuvres italiennes du xv" siècle,
parmi les livres de critique d'art en toutes langues, quand il était assis
devant ce bureau surchargé de fiches, de notes, de carnets, de
catalogues, c'était là qu'il fallait le voir, inactif et flâneur en
apparence, mais toujours occupé de son cher métier, préparant une
belle notice, méditant un classement nouveau, comparant menta-
lement tel dessin et tel autre, dissimulant son activité et son
savoir, comme d'aucuns leur paresse et leur ignorance. D'une
droiture inflexible., d'une rare sincérité de sentiments, ennemi des
compromis et des faiblesses, fuyant la réclame et le bruit, sauvage
à l'égard des étrangers et des importuns, il ne se donnait qu'à ses
quelques amis, mais sans réserve, avec un charmant abandon, enjoué
et cordial, causeur spirituel et fin, toujours modeste et n'ayant de
l'érudit que la science. Le samedi, à la sortie de l'Institut, qu'on
apercevait par delà la Seine des fenêtres de son cabinet, quelques
intimes, Bonnat, le marquis de Chennevières, le prince d'Arenberg,
MM. Buon et Barbet de Jouy montaient volontiers son escalier sans
fin pour s'entretenir avec lui des choses de l'art. Que de bonnes heures
n'avons-nous pas passées dans ces familières et instructives causeries,
où tout était admis sauf le pédantisme! Que d'utiles choses on y
apprenait sans presque s'en douter! Que de voyages sans fatigues,
en ces bons fauteuils du Louvre, à travers tous les Musées d'Europe !
Et nous ne le verrons plus! 11 ne nous restera que le souvenir de
cet esprit charmant, de ce caractère loyal, de cette haute science
appuyée sur une acuité et une justesse uniques de l'œil. Il était au
Louvre le dernier d'une génération d'hommes, aujourd'hui enlevés
au Musée par la mort ou par l'exil, qui formaient comme une famille
entièrement dévouée à leur glorieuse Maison.

CHARLES EPHRUSSI.
 
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