CORRESPONDANCE DE COPENHAGUE.
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Ce qui fait le plus défaut à toutes ces œuvres, c'est le sentiment de la décoration,
si rare d'ailleurs, même en France, où depuis quelques années l'idée est trop
sacrifiée au morceau d'exécution, à l'impression. On tend trop à réduire l'art à
la copie de la nature, copie toujours inférieure au modèle, et à négliger la
composition décorative qui devrait être l'expression la plus belle et la plus haute de
la pensée humaine. En art, l'idée sera toujours supérieure à la main et, si l'on
mesure le chemin parcouru depuis le r^Dcp^r^de Rude jusqu'au monument
élevé à le mémoire de Gambetta, on a le droit et le devoir de se demander si
l'idée, qui doit être souveraine maîtresse de toute composition, ne disparait point
derrière une perfection d'exécution, une recherche de vibration de la peau dans
l'étude du nu, et s'il suffit de juxtaposer des morceaux d'exécution pour constituer
une œuvre.
Nous croyons fermement que si l'art renouvelle incessamment ses formes par
l'étude sincère de la nature, c'est la grandeur de la pensée, non l'habileté de la
main qui donne à l'œuvre son caractère de suprême beauté et cette unité, sans
laquelle iln'y a point d'art.
Après notre visite à l'Exposition des beaux-arts, nous remarquons, au passage,
de charmants bijoux Scandinaves en filigrane d'argent, rehaussé d'émail, dont la
forme est tout à fait originale.
Le samedi est encore jour de fête. Les artistes danois ont voulu, avant notre
départ, nous faire les honneurs du château de Ivronborg à Elseneur et du château
de Frederiksborg. Dès le matin un bateau à vapeur, pavoisé aux couleurs fran-
çaises, nous porte sur le Sund, brillant comme l'émeraude, et entre dans le Catté-
gat, aussi agité que le Sund était calme. A la demande des dames françaises,
qu'effraye le roulis, nous abordons à Elseneur. La côte suédoise nous apparaît
dans une lumière rosée. C'est un admirable spectacle.
Nos visites à Kronborg et à Frederiksborg ne sont qu'une longue série d'ova-
tions : les maires nous souhaitent la bienvenue en français ; les rues sont pavoisées ;
à notre entrée dans le château de Kronborg une musique ùnilitaire joue les airs
nationaux et, ô surprise ! dans la cour du château d'Hamlet, l'air connu de Paulus.
Après un magnifique festin nous gagnons en chemin de fer Frederiksborg, le
monument le plus complet de la Renaissance danoise, planté au milieu d'eaux
vives et relié à la terre, comme le château de Chenonceaux, par des ponts élé-
gants ; une galerie ornée de statues précède la cour d'honneur. Le château, con-
struit en briques, est remarquable par la silhouette originale de ses campaniles
recouverts de cuivre et par la richesse des motifs de fer forgé et de pierre,
enchâssés en quelque sorte dans la brique.
L'intérieur du château a été restauré avec soin; mais c'est une œuvre d'orfè-
vrerie plus encore que d'architecture. Dans les salons, qui précèdent la grande
salle des fêtes, sont quelques belles œuvres des peintres danois modernes les plus
éminents, Bâche, Bloch, etc. M. Bâche est aujourd'hui notre hôte, avec le doyen
des architectes danois, M. Herholdt, l'auteur de la banque de Copenhague et de la
bibliothèque de l'Université.
Un nouveau banquet nous réunit â Frederiksborg et les toasts succèdent aux
toasts. D'après la mode Scandinave, les convives ont pris les hors-d'œuvre debout
avant de passer dans la salle du banquet. Nous donnons rendez-vous aux artistes
danois, pour l'année prochaine, à l'Exposition universelle de Paris.
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Ce qui fait le plus défaut à toutes ces œuvres, c'est le sentiment de la décoration,
si rare d'ailleurs, même en France, où depuis quelques années l'idée est trop
sacrifiée au morceau d'exécution, à l'impression. On tend trop à réduire l'art à
la copie de la nature, copie toujours inférieure au modèle, et à négliger la
composition décorative qui devrait être l'expression la plus belle et la plus haute de
la pensée humaine. En art, l'idée sera toujours supérieure à la main et, si l'on
mesure le chemin parcouru depuis le r^Dcp^r^de Rude jusqu'au monument
élevé à le mémoire de Gambetta, on a le droit et le devoir de se demander si
l'idée, qui doit être souveraine maîtresse de toute composition, ne disparait point
derrière une perfection d'exécution, une recherche de vibration de la peau dans
l'étude du nu, et s'il suffit de juxtaposer des morceaux d'exécution pour constituer
une œuvre.
Nous croyons fermement que si l'art renouvelle incessamment ses formes par
l'étude sincère de la nature, c'est la grandeur de la pensée, non l'habileté de la
main qui donne à l'œuvre son caractère de suprême beauté et cette unité, sans
laquelle iln'y a point d'art.
Après notre visite à l'Exposition des beaux-arts, nous remarquons, au passage,
de charmants bijoux Scandinaves en filigrane d'argent, rehaussé d'émail, dont la
forme est tout à fait originale.
Le samedi est encore jour de fête. Les artistes danois ont voulu, avant notre
départ, nous faire les honneurs du château de Ivronborg à Elseneur et du château
de Frederiksborg. Dès le matin un bateau à vapeur, pavoisé aux couleurs fran-
çaises, nous porte sur le Sund, brillant comme l'émeraude, et entre dans le Catté-
gat, aussi agité que le Sund était calme. A la demande des dames françaises,
qu'effraye le roulis, nous abordons à Elseneur. La côte suédoise nous apparaît
dans une lumière rosée. C'est un admirable spectacle.
Nos visites à Kronborg et à Frederiksborg ne sont qu'une longue série d'ova-
tions : les maires nous souhaitent la bienvenue en français ; les rues sont pavoisées ;
à notre entrée dans le château de Kronborg une musique ùnilitaire joue les airs
nationaux et, ô surprise ! dans la cour du château d'Hamlet, l'air connu de Paulus.
Après un magnifique festin nous gagnons en chemin de fer Frederiksborg, le
monument le plus complet de la Renaissance danoise, planté au milieu d'eaux
vives et relié à la terre, comme le château de Chenonceaux, par des ponts élé-
gants ; une galerie ornée de statues précède la cour d'honneur. Le château, con-
struit en briques, est remarquable par la silhouette originale de ses campaniles
recouverts de cuivre et par la richesse des motifs de fer forgé et de pierre,
enchâssés en quelque sorte dans la brique.
L'intérieur du château a été restauré avec soin; mais c'est une œuvre d'orfè-
vrerie plus encore que d'architecture. Dans les salons, qui précèdent la grande
salle des fêtes, sont quelques belles œuvres des peintres danois modernes les plus
éminents, Bâche, Bloch, etc. M. Bâche est aujourd'hui notre hôte, avec le doyen
des architectes danois, M. Herholdt, l'auteur de la banque de Copenhague et de la
bibliothèque de l'Université.
Un nouveau banquet nous réunit â Frederiksborg et les toasts succèdent aux
toasts. D'après la mode Scandinave, les convives ont pris les hors-d'œuvre debout
avant de passer dans la salle du banquet. Nous donnons rendez-vous aux artistes
danois, pour l'année prochaine, à l'Exposition universelle de Paris.