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GAZETTE DES BEAUX ARTS.
Les deux portraits sont traités en pendants. Mêmes dimensions,
même pose du modèle tourné vers la gauche, même coupure en demi-
buste de la figure, même arrangement de cadre, même disposition
de costume, même parti de lumière. Nul apprêt dans les ajustements;
ce sont bien ceux que Gassendi et Pereisc devaient porter tous les
jours, chez eux : de larges robes de laine, avec un grand col de
toile blanche; sur la tète une calotte. Les deux physionomies ont ce
caractère particulier de rudesse et de gravité réfléchie qu'on
retrouve encore aujourd'hui chez les gens d'Aix. Je me souviens
d'avoir vu parmi les pensionnaires de l'VDq^ ÆN/re-CosJe, des visages
qui m'ont fait involontairement songer à Pereisc et à Gassendi.
J'y ai retrouvé ces signes de race si bien saisis et affirmés par
Mellan : le front large et découvert, les yeux grands, vifs et ferme-
ment enchâssés dans l'arcade sourcilière, le nez droit et finement
dessiné, tout le bas de la tête respirant la force et la ténacité, la
barbe et les cheveux rares, mais bien plantés.
Le a une allure superbe; la façon dont la figure s'enlève
en pleine lumière et se modèle dans l'atmosphère, en clair sur
un fond clair, est une innovation hardie dans l'histoire de la gra-
vure. Malheureusement la planche a mal supporté le tirage; il faut
étudier le chef-d'œuvre de Mellan dans quelque épreuve fraîche et
légère, comme celle que j'ai sous les yeux et qui a appartenu à
Mariette. C'est merveille de voir l'éclat velouté des yeux, le sourire
de la bouche et toute cette hnesse expressive du modelé qui a con-
servé l'accent du crayon.
Je préfère cependant le & PgrcNc. Ici Mellan a vérita-
blement touché à la perfection de son art. N'était le costume, on ne
pourrait croire qu'une œuvre aussi libre, aussi vivante, je dirai aussi
moderne, en considérant la nouveauté du point de vue et de la pra-
tique, date du premier tiers du xviP siècle. Il est impossible de ren-
contrer une ligure plus parlante, dont le caractère soit plus juste,
plus individualisé'.
Mellan a une façon unique de faire valoir l'accent, en le simpli-
fiant; son procédé même lui permet d'obtenir un relief qui donne.
1. Il existe au Musée de Versaiiies, dans une des salies du second étage, un
portrait de Pereisc peint à l'huile qui est identique à la gravure. A-t-elle servi à
Mellan? C'est vraisemblable. Est-elle de Mellan? M. de Montaiglon en doute; pour
ma part, j'hésite à me prononcer, mais cela ne me paraît pas impossible. Il fau-
drait un point de comparaison, qui nous manque, toutes les peintures de Mellan
ayant disparu.
GAZETTE DES BEAUX ARTS.
Les deux portraits sont traités en pendants. Mêmes dimensions,
même pose du modèle tourné vers la gauche, même coupure en demi-
buste de la figure, même arrangement de cadre, même disposition
de costume, même parti de lumière. Nul apprêt dans les ajustements;
ce sont bien ceux que Gassendi et Pereisc devaient porter tous les
jours, chez eux : de larges robes de laine, avec un grand col de
toile blanche; sur la tète une calotte. Les deux physionomies ont ce
caractère particulier de rudesse et de gravité réfléchie qu'on
retrouve encore aujourd'hui chez les gens d'Aix. Je me souviens
d'avoir vu parmi les pensionnaires de l'VDq^ ÆN/re-CosJe, des visages
qui m'ont fait involontairement songer à Pereisc et à Gassendi.
J'y ai retrouvé ces signes de race si bien saisis et affirmés par
Mellan : le front large et découvert, les yeux grands, vifs et ferme-
ment enchâssés dans l'arcade sourcilière, le nez droit et finement
dessiné, tout le bas de la tête respirant la force et la ténacité, la
barbe et les cheveux rares, mais bien plantés.
Le a une allure superbe; la façon dont la figure s'enlève
en pleine lumière et se modèle dans l'atmosphère, en clair sur
un fond clair, est une innovation hardie dans l'histoire de la gra-
vure. Malheureusement la planche a mal supporté le tirage; il faut
étudier le chef-d'œuvre de Mellan dans quelque épreuve fraîche et
légère, comme celle que j'ai sous les yeux et qui a appartenu à
Mariette. C'est merveille de voir l'éclat velouté des yeux, le sourire
de la bouche et toute cette hnesse expressive du modelé qui a con-
servé l'accent du crayon.
Je préfère cependant le & PgrcNc. Ici Mellan a vérita-
blement touché à la perfection de son art. N'était le costume, on ne
pourrait croire qu'une œuvre aussi libre, aussi vivante, je dirai aussi
moderne, en considérant la nouveauté du point de vue et de la pra-
tique, date du premier tiers du xviP siècle. Il est impossible de ren-
contrer une ligure plus parlante, dont le caractère soit plus juste,
plus individualisé'.
Mellan a une façon unique de faire valoir l'accent, en le simpli-
fiant; son procédé même lui permet d'obtenir un relief qui donne.
1. Il existe au Musée de Versaiiies, dans une des salies du second étage, un
portrait de Pereisc peint à l'huile qui est identique à la gravure. A-t-elle servi à
Mellan? C'est vraisemblable. Est-elle de Mellan? M. de Montaiglon en doute; pour
ma part, j'hésite à me prononcer, mais cela ne me paraît pas impossible. Il fau-
drait un point de comparaison, qui nous manque, toutes les peintures de Mellan
ayant disparu.