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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 38.1888

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Nr. 3
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Gonse, Louis: Claude Mellan, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24192#0210

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190

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

quelques morceaux d'une saveur toute particulière, comme le Phila-
ras, le Pierre Camus, le Naudé, le Louis XIY enfant, le Mazarin, le
jeune duc de Guise, l'Alphonse d'Elbène, le Fouquet, le cardinal de
Bouillon, le Dreux d'Aubray, le Césena, le Père Yves, l'Anne
d'Autriche et l'Henriette d'Angleterre, s'imposent à l'admiration.
Je ne connais pas, dans toute la gravure française de portrait, de
plus délicieux morceau que le Louis XIY enfant. D'un ton léger,
transparent, chevelure, visage et costume, tout y semble aisé et
comme jeté devant la nature, sans nul effort. Une belle épreuve, un
premier état de cette ravissante pièce, est chose précieuse. Les pre-
mières épreuves ont été tirées sur un papier très mince dont le fili-
grane est formé d'un groupe de petits cercles liés en losange, avec
les lettres L et M.
Le Mazarin n'est pas moins étonnant; c'est la même élégance dans
les tailles, le même brio dans la touche, le même éclat lumineux dans
les chairs. Les yeux surtout, noirs, ardents, yeux d'Italien félins et
hardis, sont animés d'une vie singulière. On peut comparer ce
superbe portrait, — le plus ressemblant, le seul ressemblant peut-
être de tous les Mazarin, — avec celui d'Anne d'Autriche, qui est
une merveille de délicatesse, de simplicité et d'expression. La reine
est en costume de veuve, mantille noire et col rabattu en gaze
empesée, avec ce singulier détail de coiffure des cheveux noués en
oignons et retombant sur les joues, avec ses belles chairs grasses,
son limpide et ferme regard. Que de choses enfermées dans ces deux
images, que de contrastes, que de pensées dans ces deux figures : la
reine et le ministre !
Contre son habitude, Mellan semble avoir peiné pour mener à
bien la gravure du Fouquet. Pour une fois, il a capitulé devant les
exigences de son modèle. La planche est très étudiée, poussée
dans les détails, montée de ton; les tailles sont plus rapprochées et
moins libres qu'à l'ordinaire. Le cuivre, très mou, n'a fourni qu'un
petit nombre de bonnes épreuves. Cependant, dans les premières,
qui sont avant la lettre et fort peu communes, la figure qui,
comme je l'ai dit plus haut, est entièrement gravée au pointillé, est
d'une extrême finesse; on y retrouve bien la science de Mellan.
Tout le modelé est conduit avec un rare scrupule ; mais l'ensemble a
je ne sais quoi d'embu et de lourd, qui détonne au milieu de tant
d'œuvres vives, alertese et colorées. L'adresse du graveur n'apparaît
que dans l'exécution des cornes d'abondance remplies de fruits qui
accompagnent l'écusson des armoiries et soutiennent le cadre.
 
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