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GAZETTE DES BEAUX-AIITS.
près huit ou dix minutes : pendant tout ce temps il tint ma main
doucement serrée dans les siennes, sans que je me sois permis de la
lui retirer. Avec une phrase en français (langue qu’il n’aime pas à
parler) et le reste en italien, il me dit combien il était touché de
l’attention du Prince Régent et combien il était heureux de se rendre
à son désir en posant devant moi; il joignit à cette déclaration un
compliment tout à mon adresse. Alors je lui exprimai ma reconnais-
sance et mon respect, je lui baisai la main en m’inclinant, et ce fut
tout. »
Le second modèle de Lawrence, le cardinal Consalvi, était aussi
un vieillard : mais on ne lit aucune trace de fatigue dans l’expression
hautaine et résolue de ses traits. Le peintre l’a représenté assis, la
main gauche appuyée sur une table, l’autre main tenant des papiers
et le grand chapeau rouge. Et pour accentuer encore la noble sécurité
de cette imposante figure, il a donné pour fond au tableau un ciel
gros de tempête. Aucun de ses portraits ne ressemble davantage que
celui-là aux oeuvres des maîtres classiques : la belle composition, la
vigueur du rendu, la simplicité et la profondeur de l’expression font
songer à notre grand David. Lawrence, d’ailleurs, a toujours été
particulièrement fier de ce portrait du cardinal. Le modèle, aussi,
paraît lui avoir plu d’une façon toute spéciale. « Le cardinal est un
des plus beaux sujets que j’aie jamais eu à peindre, écrit-il : sa figure
appelle la sympathie et témoigne d’une intelligence puissante. » Le
portrait de Consalvi a été peint pour la cour d’Angleterre et appar-
tient aujourd’hui à la Reine, comme celui du pape. Il a été gravé
pour la première fois en 1828 par S. Cousins. Le portrait du pape n’a
été gravé qu’en 1840, par WagstafF ; mais, dès 1830, F.-C. Lewis en
avait gravé l’esquisse.
Quant à Canova, ce n’était pas pour Lawrence une connaissance
nouvelle. Le peintre et le sculpteur s’étaient déj à rencontrés à Londres.
Aussi lorsque le pape lui demanda d’exécuter pour sa collection du
Vatican un portrait de Canova, Lawrence n’eut-il qu’à se rappeler,
pour le dessin de la tête, un portrait en buste peint autrefois dans
son atelier de Russell-Square. Mais il apporta un soin infini au
rendu du costume et des accessoires; et il mit dans l’expression du
visage une vie si intense que Canova, dit-on, en fut émerveillé.
GAZETTE DES BEAUX-AIITS.
près huit ou dix minutes : pendant tout ce temps il tint ma main
doucement serrée dans les siennes, sans que je me sois permis de la
lui retirer. Avec une phrase en français (langue qu’il n’aime pas à
parler) et le reste en italien, il me dit combien il était touché de
l’attention du Prince Régent et combien il était heureux de se rendre
à son désir en posant devant moi; il joignit à cette déclaration un
compliment tout à mon adresse. Alors je lui exprimai ma reconnais-
sance et mon respect, je lui baisai la main en m’inclinant, et ce fut
tout. »
Le second modèle de Lawrence, le cardinal Consalvi, était aussi
un vieillard : mais on ne lit aucune trace de fatigue dans l’expression
hautaine et résolue de ses traits. Le peintre l’a représenté assis, la
main gauche appuyée sur une table, l’autre main tenant des papiers
et le grand chapeau rouge. Et pour accentuer encore la noble sécurité
de cette imposante figure, il a donné pour fond au tableau un ciel
gros de tempête. Aucun de ses portraits ne ressemble davantage que
celui-là aux oeuvres des maîtres classiques : la belle composition, la
vigueur du rendu, la simplicité et la profondeur de l’expression font
songer à notre grand David. Lawrence, d’ailleurs, a toujours été
particulièrement fier de ce portrait du cardinal. Le modèle, aussi,
paraît lui avoir plu d’une façon toute spéciale. « Le cardinal est un
des plus beaux sujets que j’aie jamais eu à peindre, écrit-il : sa figure
appelle la sympathie et témoigne d’une intelligence puissante. » Le
portrait de Consalvi a été peint pour la cour d’Angleterre et appar-
tient aujourd’hui à la Reine, comme celui du pape. Il a été gravé
pour la première fois en 1828 par S. Cousins. Le portrait du pape n’a
été gravé qu’en 1840, par WagstafF ; mais, dès 1830, F.-C. Lewis en
avait gravé l’esquisse.
Quant à Canova, ce n’était pas pour Lawrence une connaissance
nouvelle. Le peintre et le sculpteur s’étaient déj à rencontrés à Londres.
Aussi lorsque le pape lui demanda d’exécuter pour sa collection du
Vatican un portrait de Canova, Lawrence n’eut-il qu’à se rappeler,
pour le dessin de la tête, un portrait en buste peint autrefois dans
son atelier de Russell-Square. Mais il apporta un soin infini au
rendu du costume et des accessoires; et il mit dans l’expression du
visage une vie si intense que Canova, dit-on, en fut émerveillé.