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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
détails piquants et caractéristiques; et tel de leurs contradicteurs
s'est vu fendre le crâne, ou plus simplement rosser de la belle
manière, sous prétexte de châtiment à infliger au Satan qui habitait
en lui. Et c’était la foi de ces saints solitaires que représentaient
les patriarches grecs d’Alexandrie; ne fût-ce que par crainte, ils
devaient forcément penser comme eux.
Sans doute, les premiers qui s’assirent à Alexandrie sur le trône
de saint Marc, s’étaient tout d’abord efforcés de réagir contre les
tendances païennes que voilait à peine le christianisme de l’époque,
et qui en art ont abouti à la copie servile de la formule antique.
Grecs d’origine, ils avaient ramené la liturgie â la religion grecque
et l’art au style des monuments de Constantin, sans penser même
à les modifier, la foi avait consacré l’un et l’autre; un siècle et demi
plus tard, les luttes de l’Arianisme et du Nestorianisme les remet-
taient en question tous deux.
Pourtant, si grande était la ferveur de l’Egypte copte, que,
longtemps on la voit hésiter à se séparer du reste de l’Orient chrétien.
Jusqu’au concile de Chalcédoine, elle acquiesce aux diverses déci-
sions des conférences doctrinales, bien que dans son for intérieur,
elle n’obéisse qu’à ses propres inspirations. Au cours du concile de
Chalcédoine, l’éclat n’en devait être que plus terrible.
Dioscore, alors patriarche d’Alexandrie, déclare à l’avance ne
point souscrire aux décisions du concile, au cas où la majorité adopte
le texte des délibérations qui lui est soumis. Il injurie l’impératrice
Pulchérie, épouse de Marcien, jette à terre la lettre du pape Léon et
refuse d’y souscrire. Son exemple ébranle les évêques assemblés, et
pour obtenir d’eux qu’ils contresignent la célèbre lettre, il faut que
Marcien éloigne Dioscore et les soustraie à son intimidation.
Du coup, la querelle du Nestorianisme se trouvait sous une nou-
velle forme, rouverte. Habitué à ne voir dans la divinité qu’une nature
unique, l’Egyptien ne pouvait se faire à l’idée des deux natures
réunies en la personne de Jésus : monophysite dans l’antiquité, il
était naturel qu’il le redevint encore, et ce qui prouve, d’ailleurs, que
cette question touchait tout particulièrement au fond de ses vieilles
croyances, c’est qu’elle est la seule qui l’ait intéressé vraiment.
Cantonnée dans son schisme, l’Égypte y demeure à partir de cette
époque, en dépit des avances de la cour de Rome et des coquetteries
de celle de Byzance; et si grand devient le trouble auquel l’Église
d’Alexandrie est en proie, qu’il devient malaisé d’en reconstituer
les agissements.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
détails piquants et caractéristiques; et tel de leurs contradicteurs
s'est vu fendre le crâne, ou plus simplement rosser de la belle
manière, sous prétexte de châtiment à infliger au Satan qui habitait
en lui. Et c’était la foi de ces saints solitaires que représentaient
les patriarches grecs d’Alexandrie; ne fût-ce que par crainte, ils
devaient forcément penser comme eux.
Sans doute, les premiers qui s’assirent à Alexandrie sur le trône
de saint Marc, s’étaient tout d’abord efforcés de réagir contre les
tendances païennes que voilait à peine le christianisme de l’époque,
et qui en art ont abouti à la copie servile de la formule antique.
Grecs d’origine, ils avaient ramené la liturgie â la religion grecque
et l’art au style des monuments de Constantin, sans penser même
à les modifier, la foi avait consacré l’un et l’autre; un siècle et demi
plus tard, les luttes de l’Arianisme et du Nestorianisme les remet-
taient en question tous deux.
Pourtant, si grande était la ferveur de l’Egypte copte, que,
longtemps on la voit hésiter à se séparer du reste de l’Orient chrétien.
Jusqu’au concile de Chalcédoine, elle acquiesce aux diverses déci-
sions des conférences doctrinales, bien que dans son for intérieur,
elle n’obéisse qu’à ses propres inspirations. Au cours du concile de
Chalcédoine, l’éclat n’en devait être que plus terrible.
Dioscore, alors patriarche d’Alexandrie, déclare à l’avance ne
point souscrire aux décisions du concile, au cas où la majorité adopte
le texte des délibérations qui lui est soumis. Il injurie l’impératrice
Pulchérie, épouse de Marcien, jette à terre la lettre du pape Léon et
refuse d’y souscrire. Son exemple ébranle les évêques assemblés, et
pour obtenir d’eux qu’ils contresignent la célèbre lettre, il faut que
Marcien éloigne Dioscore et les soustraie à son intimidation.
Du coup, la querelle du Nestorianisme se trouvait sous une nou-
velle forme, rouverte. Habitué à ne voir dans la divinité qu’une nature
unique, l’Egyptien ne pouvait se faire à l’idée des deux natures
réunies en la personne de Jésus : monophysite dans l’antiquité, il
était naturel qu’il le redevint encore, et ce qui prouve, d’ailleurs, que
cette question touchait tout particulièrement au fond de ses vieilles
croyances, c’est qu’elle est la seule qui l’ait intéressé vraiment.
Cantonnée dans son schisme, l’Égypte y demeure à partir de cette
époque, en dépit des avances de la cour de Rome et des coquetteries
de celle de Byzance; et si grand devient le trouble auquel l’Église
d’Alexandrie est en proie, qu’il devient malaisé d’en reconstituer
les agissements.