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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Parthénon exhaussé dans la lumière sur ses degrés de marbre, ce
Musée fait penser à ces humbles églises souterraines, qui ont été
comme étouffées sous la montée des siècles, et par-dessus lesquelles
une autre église, plus belle, s’est élancée, triomphante 1. Leur crypte,
étroite et basse, parle aux croyants des temps de lutte et d’efforts et
d’ardentes aspirations ; souvent elle renferme les reliques des saints
et des martyrs. Pareillement le petit Musée de l’Acropole, par les
œuvres qu’il contient, rappelle surtout le labeur persévérant des
sculpteurs archaïques et leurs continuels efforts vers le mieux, vers
la lointaine perfection que le siècle suivant devait atteindre; et
enfin, ce n’est pas une pure fantaisie de langage, que de qualifier des
noms de victimes et de martyrs ces pauvres statues, toutes mutilées
et couvertes de blessures, qu’une bande de barbares a brutalement
renversées, piétinées, roulées à travers les décombres des temples
incendiés.
Pourtant, il ne faudrait pas pousser trop loin la comparaison. La
crypte chrétienne est plongée dans une demi-ombre, où l’on n’aper-
çoit d’habitude que de timides et mornes images. Ici, pénètre libre-
ment la gaieté de la lumière attique; la même gaieté éclairait l’àme
des vieux artistes et s’est communiquée à leurs œuvres. Dès l’entrée,
on est accueilli par le regard franc de tous les yeux grands ouverts
et par le sourire de toutes les bouches. Dieux ou mortels, tous sont
souriants, comme s’ils voulaient se faire pardonner, à force d’ama-
bilité, ce qu’ils sentent en eux d’encore imparfait. C’est une bonne
volonté charmante, un amusant et presque touchant désir de plaire.
A ce sourire, dès les primitives et grossières ébauches en tuf, on
reconnaît l’art grec, un art humain, sociable, nullement éloigné de
l’homme, mais qui, au contraire, prend l’homme pour objet unique,
et ne se préoccupe que d’exprimer la vie, — d’abord, la vie naïve-
ment vivante, si je puis ainsi dire, et ensuite, de plus en plus, une
vie harmonieuse, épurée, idéale, mais toujours foncièrement vraie et
naturelle. C’est ici l’enfance et la jeunesse de cet art : on suit tous
les progrès de son développement, toutes les étapes vers sa belle
maturité.
Les premières de ces sculptures doivent être attribuées au
vne siècle. Ce sont les frontons des vieux temples, où les imagiers,
dans des bas-reliefs ou des hauts-reliefs en pierre tendre, avaient
gauchement retracé les mythes populaires, tels que le combat d’Her-
1. Les trois églises d’Assise (Taine, Voyage en Italie).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Parthénon exhaussé dans la lumière sur ses degrés de marbre, ce
Musée fait penser à ces humbles églises souterraines, qui ont été
comme étouffées sous la montée des siècles, et par-dessus lesquelles
une autre église, plus belle, s’est élancée, triomphante 1. Leur crypte,
étroite et basse, parle aux croyants des temps de lutte et d’efforts et
d’ardentes aspirations ; souvent elle renferme les reliques des saints
et des martyrs. Pareillement le petit Musée de l’Acropole, par les
œuvres qu’il contient, rappelle surtout le labeur persévérant des
sculpteurs archaïques et leurs continuels efforts vers le mieux, vers
la lointaine perfection que le siècle suivant devait atteindre; et
enfin, ce n’est pas une pure fantaisie de langage, que de qualifier des
noms de victimes et de martyrs ces pauvres statues, toutes mutilées
et couvertes de blessures, qu’une bande de barbares a brutalement
renversées, piétinées, roulées à travers les décombres des temples
incendiés.
Pourtant, il ne faudrait pas pousser trop loin la comparaison. La
crypte chrétienne est plongée dans une demi-ombre, où l’on n’aper-
çoit d’habitude que de timides et mornes images. Ici, pénètre libre-
ment la gaieté de la lumière attique; la même gaieté éclairait l’àme
des vieux artistes et s’est communiquée à leurs œuvres. Dès l’entrée,
on est accueilli par le regard franc de tous les yeux grands ouverts
et par le sourire de toutes les bouches. Dieux ou mortels, tous sont
souriants, comme s’ils voulaient se faire pardonner, à force d’ama-
bilité, ce qu’ils sentent en eux d’encore imparfait. C’est une bonne
volonté charmante, un amusant et presque touchant désir de plaire.
A ce sourire, dès les primitives et grossières ébauches en tuf, on
reconnaît l’art grec, un art humain, sociable, nullement éloigné de
l’homme, mais qui, au contraire, prend l’homme pour objet unique,
et ne se préoccupe que d’exprimer la vie, — d’abord, la vie naïve-
ment vivante, si je puis ainsi dire, et ensuite, de plus en plus, une
vie harmonieuse, épurée, idéale, mais toujours foncièrement vraie et
naturelle. C’est ici l’enfance et la jeunesse de cet art : on suit tous
les progrès de son développement, toutes les étapes vers sa belle
maturité.
Les premières de ces sculptures doivent être attribuées au
vne siècle. Ce sont les frontons des vieux temples, où les imagiers,
dans des bas-reliefs ou des hauts-reliefs en pierre tendre, avaient
gauchement retracé les mythes populaires, tels que le combat d’Her-
1. Les trois églises d’Assise (Taine, Voyage en Italie).