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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ques motifs principaux. Seules, les miniatures destinées à illustrer
les korans en conservent la finesse et la fière allure, finesse et allure
empruntées par elles aux lettres ornées et aux encadrements des
vieux manuscrits religieux.
Au résumé, l’art copte est avant tout un art de tendances qui n’a
pas eu le temps de s’épurer et de s’idéaliser. Obligé de se recon-
quérir pour redevenir lui, il s’attarde aux difficultés de la route, et
son seul rôle dans l’histoire de l’art est d’ètre le lien qui rattache
l’art des Kalifes à l’art de l’antiquité. Art pauvre, maladroit et chétif,
il est resté impuissant à atteindre au fini de la facture, et l’on s’est
éloigné de lui, sans même se demander la raison de cette maladresse
et de cette pauvreté, pourquoi certaines formes ont suffi à soulever
ses répugnances, pourquoi certaines combinaisons de lignes ont eu
le don de le captiver, pourquoi ses retours continuels vers les motifs
du style antique, pourquoi sa persistance à s’éloigner des arts d’imi-
tation.
Cette raison en est surtout que l’Égypte qui, de toute antiquité,
s’était complue à cet état d’âme que la théologie a nommé « la délec-
tation morose », traverse en devenant chrétienne une crise d’une
extraordinaire intensité. Elle s’attache alors davantage aux impres-
sions abstraites qu’exhalent les combinaisons architecturales et les
assemblages de formes symétriques; l’aspect réel des choses lui est
de plus en plus indifférent et peu à peu ainsi un style se forme, style
incomplet, style embryonnaire, style barbare si l’on veut, mais qui,
cependant, constitue une manière, une manifestation, une étape,
sinon de l’art, du moins de l’histoire de l’art.
Qui pourrait même affirmer que cet art obscur n’influença en
rien l’art de l’Occident chrétien? Certains détails des monuments
byzantins de l’Italie orientale rappellent d’une manière frappante
certaines formes propres à l’art de l’Égypte chrétienne. Les lions
qui soutiennent les colonnes du porche du dôme de Palerme ou de
San-Zeno de Vérone, ressemblent singulièrement aux lions coptes,
tant par la pose que par le détail du modelé. Les façades de San-
Frediano à Lucques ou de Saint-Cyriaque à Ancône ont un étrange
air de famille avec les façades des églises coptes des ixe et xe siècles
que nous montrent les stèles d’Erment. Les détails architectoniques
de plusieurs autres églises de cette région qui va de Ravenne à
Ancône sont de point en point identiques à certains détails de l’or-
donnance de YÉglise suspendue et du Dier Abou Sergali (Sainte Serge)
au Vieux Caire ou de l’église de Naggadah en Haute-Égypte; et, ce
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
ques motifs principaux. Seules, les miniatures destinées à illustrer
les korans en conservent la finesse et la fière allure, finesse et allure
empruntées par elles aux lettres ornées et aux encadrements des
vieux manuscrits religieux.
Au résumé, l’art copte est avant tout un art de tendances qui n’a
pas eu le temps de s’épurer et de s’idéaliser. Obligé de se recon-
quérir pour redevenir lui, il s’attarde aux difficultés de la route, et
son seul rôle dans l’histoire de l’art est d’ètre le lien qui rattache
l’art des Kalifes à l’art de l’antiquité. Art pauvre, maladroit et chétif,
il est resté impuissant à atteindre au fini de la facture, et l’on s’est
éloigné de lui, sans même se demander la raison de cette maladresse
et de cette pauvreté, pourquoi certaines formes ont suffi à soulever
ses répugnances, pourquoi certaines combinaisons de lignes ont eu
le don de le captiver, pourquoi ses retours continuels vers les motifs
du style antique, pourquoi sa persistance à s’éloigner des arts d’imi-
tation.
Cette raison en est surtout que l’Égypte qui, de toute antiquité,
s’était complue à cet état d’âme que la théologie a nommé « la délec-
tation morose », traverse en devenant chrétienne une crise d’une
extraordinaire intensité. Elle s’attache alors davantage aux impres-
sions abstraites qu’exhalent les combinaisons architecturales et les
assemblages de formes symétriques; l’aspect réel des choses lui est
de plus en plus indifférent et peu à peu ainsi un style se forme, style
incomplet, style embryonnaire, style barbare si l’on veut, mais qui,
cependant, constitue une manière, une manifestation, une étape,
sinon de l’art, du moins de l’histoire de l’art.
Qui pourrait même affirmer que cet art obscur n’influença en
rien l’art de l’Occident chrétien? Certains détails des monuments
byzantins de l’Italie orientale rappellent d’une manière frappante
certaines formes propres à l’art de l’Égypte chrétienne. Les lions
qui soutiennent les colonnes du porche du dôme de Palerme ou de
San-Zeno de Vérone, ressemblent singulièrement aux lions coptes,
tant par la pose que par le détail du modelé. Les façades de San-
Frediano à Lucques ou de Saint-Cyriaque à Ancône ont un étrange
air de famille avec les façades des églises coptes des ixe et xe siècles
que nous montrent les stèles d’Erment. Les détails architectoniques
de plusieurs autres églises de cette région qui va de Ravenne à
Ancône sont de point en point identiques à certains détails de l’or-
donnance de YÉglise suspendue et du Dier Abou Sergali (Sainte Serge)
au Vieux Caire ou de l’église de Naggadah en Haute-Égypte; et, ce