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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 8.1892

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Nr. 2
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Leprieur, Paul: Correspondance d'Angleterre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24661#0181

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CORRESPONDANCE D’ANGLETERRE.

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que leurs ancêtres, commerçants ou corsaires, ont battue en tout sens, ils en con-
naissent la beauté, la force, l’éternelle et mystérieuse agitation; ils ne se conten-
tent pas d’en goûter de loin les bleus ou les verts intenses, ils y vivent. C’est ce qui
fait le grand charme des marines de M. Henry Moore par exemple, à l’Academy
(Temps parfait pour la course), ou à la New Gallery (Barque, mer et vent), rappelant
le fameux titre de Turner, Pluie, vapeur et vitesse. La mer en est presque le seul
personnage. On les devine faites, ou du moins senties au large, dans la vie même
du flot. Il ne manque pas autour de lui de vaillants artistes, dont quelques-uns le
valent, pour rendre la mer et le peuple des côtes, ou les grands fleuves puissants
et larges comme des ports. Depuis le vieux Hook, qui fut un précurseur, jusqu'à
Colin Hunter, Yicat Cole, les deux Wyllie, John Brett, John R. Reid, Napier Hemy,
Allan J. Hook, il n’y aurait qu’à louer.

En somme, de l’extrême fadeur à la brutalité, du sucre au poivre rouge, des
tètes de Keepsake à ses vigoureuses marines, l’art anglais va incertain, capable
des plus exquises délicatesses dans l’émotion et le rêve, et aussi des plus rudes
crudités, saupoudrant tout de sentiment un peu à tort et à travers, à peine entamé
depuis cinquante ans dans ses convictions intimes et sa robuste personnalité.

Quelques notes prises récemment devant certains des plus illustres représen-
tants de l’école idéaliste, mystique ou préraphaélite, comme on voudra l’appeler,
qui manque un peu aux Salons de Londres et nous fait entrevoir pourtant la
peinture anglaise dans ses tendances les plus élevées, vont nous permettre de
compléter, s’il y a lieu, ou de rectifier ces impressions.

La dispersion de la collection Leyland a été pour les curieux de préraphaélisme
un véritable événement. Ami ancien de Rossetti, ayant vécu dans son intimité et
connu par lui la plupart de ceux qui, de près ou de loin, se rattachèrent au mou-
vement de rénovation de l’art en Angleterre, Frederick Leyland fut un homme
de goût et un amateur raffiné. Sa maison de Princes’s gâte, dont il ouvrait si
hospitalièrement la porte, était une merveille d’arrangement et de décoration
intérieure. La salle à manger surtout était célèbre, avec ses boiseries japonaises,
ses porcelaines étagées, et ses curieux panneaux décoratifs de Whistler, ornés de
grands paons en lignes d’or dans le style du Nippon. Des tableaux anciens ou
modernes, pour la plupart de choix, semés un peu partout, faisant partie intime
de l’ameublement, formant une sorte d’accompagnement délicat aux choses
usuelles de la vie, ajoutaient au charme de cette demeure d’élite. La vente qui a
suivi la mort du propriétaire, le 28 mai de cette année, a éparpillé en d’autres
mains les trésors réunis avec tant d’amour.

En dehors de quelques intéressants Italiens, dont le plus rare et le plus consi-
dérable était la série légendaire, en quatre panneaux, de l’histoire de Nastagio
degli Onesti, d’après le Décaméron de Boccace, mentionnés dans Vasari comme
l’œuvre de Botticelli, et qui sont au moins de son atelier, sinon entièrement de sa
main, — œuvre pleine d’imagination et de grâce, exécutée pour la famille Pucci
de Florence, à l’occasion d’un mariage, en 1487, — la collection Leyland nous
offrait surtout une suite incomparable de tableaux des maîtres modernes. Rossetti
et son école, ses amis, ceux qui subirent son influence, depuis les plus illustres
jusqu’aux plus oubliés, ôtaient là représentés par des pièces nombreuses, quelques-
unes admirables.
 
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