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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
genre exclusivement historique : Baldasara Manara, qui a signé de
son nom, soit des initiales B. M., un assez grand nombre de pièces. Il
travaillait dans le second quart du xvie siècle. Il montra d’abord la
douceur dans les colorations et le précieux dans le modelé que nous
signalons ; mais, à mesure qu’il pratique, la sûreté de main lui arrive,
et il peint d’une façon expéditive des œuvres banales qu’il est diffi-
cile, sans la signature, de distinguer de celles d'Urbino. Les
échanges d’ouvriers devaient d’ailleurs être fréquents entre les deux
villes, et les documents en citent même des exemples. Nous avons de
plus relevé plus haut tous les emprunts faits à leur profit par cer-
taines villes qui prenaient ses céramistes à Faenza.
C’est une question qui n’est pas encore résolue que celle de la
signification des lettres qu’on peut lire parfois, non plus au revers
des pièces, mais sur quelques détails des sujets eux-mêmes. Pour
certaines, ou pour des mots entiers, il a été reconnu que leur pré-
sence résultait du fait de leur existence sur l’estampe qui servait de
modèle au céramiste. Nous ne savons s’il en est de même des lettres
F. R. ou de la lettre F. seule que l’on relève sur plusieurs pièces de
Berettino, dont une appartenait naguère à la collection d’Yvon. Quant
à la lettre F, parfois tracée au revers des pièces, nous ne croyons pas
qu’il faille la considérer comme une marque de Faenza. On a trop
souvent attribué au xvie siècle des habitudes industrielles et commer-
ciales qui n’appartiennent qu’au xvme.
Enfin Piccolpasso, qui écrivait sur Y Art du Potier, en 1548, attri-
bue, dans son livre IIIe, à l’atelier de M° Yergîlîotto, de Faenza, un
rouge factice que Passeri, fabricant lui-même, n’a pu reproduire. Il
faut bien en croire un témoin oculaire, mais jusqu’ici toutes les
pièces sur lesquelles ce rouge particulier a été reconnu, ou sont
antérieures à l’époque de Piccolpasso, ou sont d’autres ateliers que
ceux de Faenza.
Dans l’atelier de ce Vergiliotto travailla un peintre nommé Nicolo
da Fano, qui a signé ainsi, après la mention que la pièce a été faite
dans la boutique de Me Vergillio de Faenza, un plat représentant
Apollon et Marsyas. Celui-ci semble différent du Nicolo di Gabriele,
cité par Pungileoni, comme travaillant à Urbino, même de Nicolo da
Faenza, maestro di maiolica, duquel, ainsi que nous l’avons vu plus
haut, le cardinal Hippolyte d’Este acheta une crédence en 1556, et
surtout de N kola d’Urbino, qui a signé une pièce du Musée du Louvre.
L’histoire de la céramique italienne au xvi° siècle aurait ainsi quatre
Nicola, ce qui n’a rien qui puisse étonner.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
genre exclusivement historique : Baldasara Manara, qui a signé de
son nom, soit des initiales B. M., un assez grand nombre de pièces. Il
travaillait dans le second quart du xvie siècle. Il montra d’abord la
douceur dans les colorations et le précieux dans le modelé que nous
signalons ; mais, à mesure qu’il pratique, la sûreté de main lui arrive,
et il peint d’une façon expéditive des œuvres banales qu’il est diffi-
cile, sans la signature, de distinguer de celles d'Urbino. Les
échanges d’ouvriers devaient d’ailleurs être fréquents entre les deux
villes, et les documents en citent même des exemples. Nous avons de
plus relevé plus haut tous les emprunts faits à leur profit par cer-
taines villes qui prenaient ses céramistes à Faenza.
C’est une question qui n’est pas encore résolue que celle de la
signification des lettres qu’on peut lire parfois, non plus au revers
des pièces, mais sur quelques détails des sujets eux-mêmes. Pour
certaines, ou pour des mots entiers, il a été reconnu que leur pré-
sence résultait du fait de leur existence sur l’estampe qui servait de
modèle au céramiste. Nous ne savons s’il en est de même des lettres
F. R. ou de la lettre F. seule que l’on relève sur plusieurs pièces de
Berettino, dont une appartenait naguère à la collection d’Yvon. Quant
à la lettre F, parfois tracée au revers des pièces, nous ne croyons pas
qu’il faille la considérer comme une marque de Faenza. On a trop
souvent attribué au xvie siècle des habitudes industrielles et commer-
ciales qui n’appartiennent qu’au xvme.
Enfin Piccolpasso, qui écrivait sur Y Art du Potier, en 1548, attri-
bue, dans son livre IIIe, à l’atelier de M° Yergîlîotto, de Faenza, un
rouge factice que Passeri, fabricant lui-même, n’a pu reproduire. Il
faut bien en croire un témoin oculaire, mais jusqu’ici toutes les
pièces sur lesquelles ce rouge particulier a été reconnu, ou sont
antérieures à l’époque de Piccolpasso, ou sont d’autres ateliers que
ceux de Faenza.
Dans l’atelier de ce Vergiliotto travailla un peintre nommé Nicolo
da Fano, qui a signé ainsi, après la mention que la pièce a été faite
dans la boutique de Me Vergillio de Faenza, un plat représentant
Apollon et Marsyas. Celui-ci semble différent du Nicolo di Gabriele,
cité par Pungileoni, comme travaillant à Urbino, même de Nicolo da
Faenza, maestro di maiolica, duquel, ainsi que nous l’avons vu plus
haut, le cardinal Hippolyte d’Este acheta une crédence en 1556, et
surtout de N kola d’Urbino, qui a signé une pièce du Musée du Louvre.
L’histoire de la céramique italienne au xvi° siècle aurait ainsi quatre
Nicola, ce qui n’a rien qui puisse étonner.