GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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Alexandre, fils de la Muse grecque, et lui adressa des poésies dans
le style des hymnes chrétiens en l'honneur de Marie
Il fallait que le conquérant de Constantinople eût foulé aux pieds
bien des préjugés pour se mettre ainsi en révolte ouverte contre les
habitudes de son peuple : aussi bien tenait-il de ses contemporains
italiens, les princes de Naples, d’Este, les Sforza, plutôt que de ses
farouches prédécesseurs. L’astuce en lui égalait l’opiniâtreté et
l’ambition; il s’y mêlait en outre une forte dose de gloriole, facteur
puissant entre tous ceux qui avaient déterminé la Renaissance.
A une date que l’on n’a pas réussi encore à déterminer, mais qui
est certainement antérieure à 1463, Mahomet II pria l’ambassadeur
vénitien de demander à Sigismond Malatesta, le fameux tyran de
Rimini, l’envoi d’un architecte-sculpteur et médailleur attaché à son
service, le Véronais Matteo de’ Pasti. Celui-ci partit pour Constan-
tinople, porteur d’une lettre extrêmement courtoise écrite au nom
de Sigismond par Robert Yalturio, qui le chargea, pour son compte
personnel, de remettre au sultan un exemplaire de son De re
militari1 2.
On rattache à ce voyage la belle médaille de Mahomet II décrite
par M. Armand (t. I, P- 23-25). Le commandeur des fidèles, jeune
encore, avec la barbe peu développée, y porte un turban orné d’une
plume et qui couvre le front jusqu’aux sourcils, tandis qu’il se relève
par derrière, de manière à laisser à découvert l’occiput, qui est rasé.
Au revers, on voit trois aigles sur un plateau circulaire saillant
qu’entoure la légende.
Deux autres médailleurs, Costanzo et Bertoldo, l’élève de Dona-
tello, ont également reproduit les traits du conquérant de Constan-
tinople. Costanzo, à la fois peintre et médailleur, lui avait été adressé
sur sa demande par le roi de Naples. Il passa, affirme-t-on, de longues
années à Constantinople et reçut du sultan le titre de chevalier 3.
M. Armand signale en outre une médaille de Mahomet II, fausse-
ment attribuée à Pisanello.
Plus tard, en 1479, Mahomet II invita le peintre Gentile Bellini,
en même temps que le sculpteur Vellano (voyez ci-dessus) à se fixer
auprès de lui. Gentile répondit à son appel, et passa une année
entière à Constantinople. Le portrait de Mahomet II, dans la
1. Gregorovius, Athènes au moyen âge, t. II, p. 398.
2. Yriarte, Rimini, pp. 130, 284, 380, 387. — Heiss, Les Médailleurs de la
Renaissance ; L. R. Alberti, pp. 18, 19.
3. Article de M. Venturi dans YArchivio storico de l’Arte, 1891, p. 374.
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Alexandre, fils de la Muse grecque, et lui adressa des poésies dans
le style des hymnes chrétiens en l'honneur de Marie
Il fallait que le conquérant de Constantinople eût foulé aux pieds
bien des préjugés pour se mettre ainsi en révolte ouverte contre les
habitudes de son peuple : aussi bien tenait-il de ses contemporains
italiens, les princes de Naples, d’Este, les Sforza, plutôt que de ses
farouches prédécesseurs. L’astuce en lui égalait l’opiniâtreté et
l’ambition; il s’y mêlait en outre une forte dose de gloriole, facteur
puissant entre tous ceux qui avaient déterminé la Renaissance.
A une date que l’on n’a pas réussi encore à déterminer, mais qui
est certainement antérieure à 1463, Mahomet II pria l’ambassadeur
vénitien de demander à Sigismond Malatesta, le fameux tyran de
Rimini, l’envoi d’un architecte-sculpteur et médailleur attaché à son
service, le Véronais Matteo de’ Pasti. Celui-ci partit pour Constan-
tinople, porteur d’une lettre extrêmement courtoise écrite au nom
de Sigismond par Robert Yalturio, qui le chargea, pour son compte
personnel, de remettre au sultan un exemplaire de son De re
militari1 2.
On rattache à ce voyage la belle médaille de Mahomet II décrite
par M. Armand (t. I, P- 23-25). Le commandeur des fidèles, jeune
encore, avec la barbe peu développée, y porte un turban orné d’une
plume et qui couvre le front jusqu’aux sourcils, tandis qu’il se relève
par derrière, de manière à laisser à découvert l’occiput, qui est rasé.
Au revers, on voit trois aigles sur un plateau circulaire saillant
qu’entoure la légende.
Deux autres médailleurs, Costanzo et Bertoldo, l’élève de Dona-
tello, ont également reproduit les traits du conquérant de Constan-
tinople. Costanzo, à la fois peintre et médailleur, lui avait été adressé
sur sa demande par le roi de Naples. Il passa, affirme-t-on, de longues
années à Constantinople et reçut du sultan le titre de chevalier 3.
M. Armand signale en outre une médaille de Mahomet II, fausse-
ment attribuée à Pisanello.
Plus tard, en 1479, Mahomet II invita le peintre Gentile Bellini,
en même temps que le sculpteur Vellano (voyez ci-dessus) à se fixer
auprès de lui. Gentile répondit à son appel, et passa une année
entière à Constantinople. Le portrait de Mahomet II, dans la
1. Gregorovius, Athènes au moyen âge, t. II, p. 398.
2. Yriarte, Rimini, pp. 130, 284, 380, 387. — Heiss, Les Médailleurs de la
Renaissance ; L. R. Alberti, pp. 18, 19.
3. Article de M. Venturi dans YArchivio storico de l’Arte, 1891, p. 374.