BURNE-JONES.
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maître, le Masque de Cupidon (The Masque of Cupid), réunion de
figures allégoriques détachées deux par deux, en cortège, et qui est
comme l’équivalent pictural de la pittoresque figuration scénique
des Masques de Ben .Tonson ou du Cornus de Milton 1 2, a également un
caractère essentiellement décoratif. Et quant aux séries légendaires,
aux suites d’ « histoires », comme on eût dit au moyen âge, dont il
déroule si doucement, en narrateur exquis, la succession et le déve-
loppement poétique, elles forment des ensembles dont il est difficile
de briser un chaînon, sans nuire au charme du récit. Déjà, dans sa
première période de travail, de 1864 à 1867 environ, il décora d’une
importante suite de Y Histoire de saint Georges, sur toile, la salle à manger
de M. Birket Foster, peintre de paysages et figures rustiques.
Plus tard se succèdent de merveilleuses séries. Vers 1876% c’est la
Légende de Persée, exécutée et à l’aquarelle et à l’huile, en sept
ou huit tableaux, la première suite appartenant à M. Henderson,
la seconde à l’honorable M. Balfour, ministre actuel d’Irlande,
et dont il avait rêvé, au moins, l’encadrement et la mise en place
dans des panneaux appropriés, ainsi qu’en témoignent chez lui d’in-
génieux projets d’ensemble à l’aquarelle. En 1877, commence la série,
en quatre peintures à l’huile, de l’Histoire de Pygmalion (à M. Craven),
exposée en 1879 à Grosvenor Gallery, poème d’amour sentimental et
chaste, œuvre d’idéaliste raffiné, où tous les stades de la passion et
du désir sont successivement parcourus, avec la plus grande délica-
tesse d’intentions mystiques. En 1890, enfin, apparaît chez Agnew,
où elle attire la foule, l’adorable suite de la Belle au bois dormant (The
Sleeping Beauty), plus connue en Angleterre sous le nom de la Rose
d'églantine (The Briar Rose). Et, en effet, c’est la forêt d’épines,
épaisse, inextricable, dont les lianes envahissantes sont entrées peu
à peu dans le palais endormi, qui sert de lien aux quatre tableaux,
conduit de l’un à l’autre, forme comme un fond continu de souples
entrelacs, depuis la première scène où le prince marqué par les
destins s’apprête à s’engager dans le réseau magique, depuis la salle
1. Nous avons conservé, pour la peinture de Burne-Jones, aussi bien que pour
les opéras ou divertissements semi-lyriques de Ben Jonson,le terme constamment
employé par M. Taine dans son Histoire de la littérature anglaise. Ces masques ou
mascarades, qui eurent si grande vogue en Angleterre pendant la Renaissance et
le xvne siècle, correspondent assez à nos ballets français du temps.
2. Il est bon de remarquer, à ce propos, que les dates, qu’on peut donner des
œuvres de M. Burne-Jones, ne sont en général qu’approximatives, vu qu’il y a
souvent un long intervalle entre leur mise en train et leur achèvement.
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maître, le Masque de Cupidon (The Masque of Cupid), réunion de
figures allégoriques détachées deux par deux, en cortège, et qui est
comme l’équivalent pictural de la pittoresque figuration scénique
des Masques de Ben .Tonson ou du Cornus de Milton 1 2, a également un
caractère essentiellement décoratif. Et quant aux séries légendaires,
aux suites d’ « histoires », comme on eût dit au moyen âge, dont il
déroule si doucement, en narrateur exquis, la succession et le déve-
loppement poétique, elles forment des ensembles dont il est difficile
de briser un chaînon, sans nuire au charme du récit. Déjà, dans sa
première période de travail, de 1864 à 1867 environ, il décora d’une
importante suite de Y Histoire de saint Georges, sur toile, la salle à manger
de M. Birket Foster, peintre de paysages et figures rustiques.
Plus tard se succèdent de merveilleuses séries. Vers 1876% c’est la
Légende de Persée, exécutée et à l’aquarelle et à l’huile, en sept
ou huit tableaux, la première suite appartenant à M. Henderson,
la seconde à l’honorable M. Balfour, ministre actuel d’Irlande,
et dont il avait rêvé, au moins, l’encadrement et la mise en place
dans des panneaux appropriés, ainsi qu’en témoignent chez lui d’in-
génieux projets d’ensemble à l’aquarelle. En 1877, commence la série,
en quatre peintures à l’huile, de l’Histoire de Pygmalion (à M. Craven),
exposée en 1879 à Grosvenor Gallery, poème d’amour sentimental et
chaste, œuvre d’idéaliste raffiné, où tous les stades de la passion et
du désir sont successivement parcourus, avec la plus grande délica-
tesse d’intentions mystiques. En 1890, enfin, apparaît chez Agnew,
où elle attire la foule, l’adorable suite de la Belle au bois dormant (The
Sleeping Beauty), plus connue en Angleterre sous le nom de la Rose
d'églantine (The Briar Rose). Et, en effet, c’est la forêt d’épines,
épaisse, inextricable, dont les lianes envahissantes sont entrées peu
à peu dans le palais endormi, qui sert de lien aux quatre tableaux,
conduit de l’un à l’autre, forme comme un fond continu de souples
entrelacs, depuis la première scène où le prince marqué par les
destins s’apprête à s’engager dans le réseau magique, depuis la salle
1. Nous avons conservé, pour la peinture de Burne-Jones, aussi bien que pour
les opéras ou divertissements semi-lyriques de Ben Jonson,le terme constamment
employé par M. Taine dans son Histoire de la littérature anglaise. Ces masques ou
mascarades, qui eurent si grande vogue en Angleterre pendant la Renaissance et
le xvne siècle, correspondent assez à nos ballets français du temps.
2. Il est bon de remarquer, à ce propos, que les dates, qu’on peut donner des
œuvres de M. Burne-Jones, ne sont en général qu’approximatives, vu qu’il y a
souvent un long intervalle entre leur mise en train et leur achèvement.