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GAZETTE DES BEAUX-AltTS.
à la gravure; je ne nomme que les plus célèbres de là-bas. Chez nous
Thomas de Leu et Pierre Dumonstier travaillaient de même, suivis
par les Rabel dont le second, Daniel, fut en ces temps le plus grand
peintre de fleurs sur vélin, et vraisemblablement le dernier tenant
de l’école des Clouet en France.
Sous l’influence de la peinture, les goûts s’étaient transformés du
tout au tout. Un portrait miniature, borné à la représentation discrète
et naïve d’une physionomie, sans accessoires allégoriques, eût paru
bien maigre aux lecteurs de VAstrée. Ceux des peintres français qui
ne dédaignaient point le vélin et l’aquarelle ne concevaient plus une
effigie princière sans l’accompagnement de trophées ou de fleurs,
avec parfois, derrière le personnage, la représentation d’un combat
ou la vue précieuse d’une ville, la topographie entière d’un paysage
à vol d’oiseau. Cette mode, inaugurée sous le règne de Henri IY,
continuée sous Louis XIII par Callot, poursuivie jusque sous
Louis XIY dans l’atelier du graveur Montcornet, entraîna les
miniaturistes aux oeuvres compliquées, aux petits tableaux gouachés,
à toute une économie inédite dans la composition et le rendu des
scènes. C’est bien rarement en dehors des toiles peintes ou des
crayons, exécutés par Daniel Dumonstier d’après le vif, que l’on
trouve des portraitures toutes simples réduites à la physionomie du
modèle.
Opposé au portrait-miniature discret et sincère du xvie siècle,
l’art du xvne dénote une décadence marquée. Le besoin d’enjoliver,
d’enguirlander les moindres choses témoigne d’un retour enfantin
à l’épisode. Aussi bien, grâce à la grande peinture, aux oeuvres
de Champagne, de Rubens ou de Yan Dyck, une paresse venait
aux miniaturistes de traiter d’après nature. Peut-être même leurs
besognes, alors un peu dédaignées, ne leur permettaient plus
d’approcher facilement des grands personnages ; ils en furent tantôt
réduits à la transcription des portraits officiels peints par les maîtres,
et à l’adaptation de ces œuvres. Lorsque le peintre de fleurs, attaché
par Gaston d’Orléans à son service, voudra mettre en frontispice de
son album le portrait du prince, il ne saura mieux faire que de
redire au milieu de trophées guerriers la lourde estampe gravée
par Sébastien Vouillemont. Mon confrère et ami, M. Stein, disait
ici même que cette miniature, aujourd’hui conservée au Muséum
d’histoire naturelle, était l’ouvrage de Daniel Rabel '. Il jugeait que
1. Gazette des Beaux-Arts, 3e série, t. III, p. 294.
GAZETTE DES BEAUX-AltTS.
à la gravure; je ne nomme que les plus célèbres de là-bas. Chez nous
Thomas de Leu et Pierre Dumonstier travaillaient de même, suivis
par les Rabel dont le second, Daniel, fut en ces temps le plus grand
peintre de fleurs sur vélin, et vraisemblablement le dernier tenant
de l’école des Clouet en France.
Sous l’influence de la peinture, les goûts s’étaient transformés du
tout au tout. Un portrait miniature, borné à la représentation discrète
et naïve d’une physionomie, sans accessoires allégoriques, eût paru
bien maigre aux lecteurs de VAstrée. Ceux des peintres français qui
ne dédaignaient point le vélin et l’aquarelle ne concevaient plus une
effigie princière sans l’accompagnement de trophées ou de fleurs,
avec parfois, derrière le personnage, la représentation d’un combat
ou la vue précieuse d’une ville, la topographie entière d’un paysage
à vol d’oiseau. Cette mode, inaugurée sous le règne de Henri IY,
continuée sous Louis XIII par Callot, poursuivie jusque sous
Louis XIY dans l’atelier du graveur Montcornet, entraîna les
miniaturistes aux oeuvres compliquées, aux petits tableaux gouachés,
à toute une économie inédite dans la composition et le rendu des
scènes. C’est bien rarement en dehors des toiles peintes ou des
crayons, exécutés par Daniel Dumonstier d’après le vif, que l’on
trouve des portraitures toutes simples réduites à la physionomie du
modèle.
Opposé au portrait-miniature discret et sincère du xvie siècle,
l’art du xvne dénote une décadence marquée. Le besoin d’enjoliver,
d’enguirlander les moindres choses témoigne d’un retour enfantin
à l’épisode. Aussi bien, grâce à la grande peinture, aux oeuvres
de Champagne, de Rubens ou de Yan Dyck, une paresse venait
aux miniaturistes de traiter d’après nature. Peut-être même leurs
besognes, alors un peu dédaignées, ne leur permettaient plus
d’approcher facilement des grands personnages ; ils en furent tantôt
réduits à la transcription des portraits officiels peints par les maîtres,
et à l’adaptation de ces œuvres. Lorsque le peintre de fleurs, attaché
par Gaston d’Orléans à son service, voudra mettre en frontispice de
son album le portrait du prince, il ne saura mieux faire que de
redire au milieu de trophées guerriers la lourde estampe gravée
par Sébastien Vouillemont. Mon confrère et ami, M. Stein, disait
ici même que cette miniature, aujourd’hui conservée au Muséum
d’histoire naturelle, était l’ouvrage de Daniel Rabel '. Il jugeait que
1. Gazette des Beaux-Arts, 3e série, t. III, p. 294.