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GAZETTE DES BEAUX-AIITS.
qui se défend contre les coups d’Achille. Ici, le duel vient seulement
de commencer ; docile à la voix de la guerrière, le cheval s’agenouille :
un instant après, l’Amazone en viendra aux mains avec le fils de
Pélée qui, après lui avoir porté le coup fatal, la recevra entre ses
bras avec la compassion de l’amour naissant1 2.
Avant de quitter l’Amazonomachie, nous signalerons encore un
groupe d’une rare beauté, composé d’une guerrière blessée qui se
retire, soutenue par une compagne. Le motif est tout à fait pareil à
celui que nous avons rencontré dans la chasse de Méléagre ; il montre
combien les sculpteurs savaient varier librement les motifs qui
formaient comme le vocabulaire de leur art.
M. Petersen a fait, au sujet de ces riches compositions, une
remarque fine et singulièrement juste. La représentation des épisodes
delà guerre de Troie affecte, sur les monuments lyciens, un caractère
autre que sur ceux de la Grèce propre : la cité d’Hector n’était pas
considérée comme une ennemie dans une région dont les princes
avaient été les alliés de Priam, qui, comme laTroade, avait une rivière
nommée le Xantbe, où le nom de la ville de Tlos, comme celui de
Trysa, rappelait même celui de Troie3. Aussi les sculpteurs ont-ils
représenté la résistance héroïque d’Ilion de préférence aux scènes de
sa ruine et l’on croit voir à Trysa comme une discrète indication du
respect et de la sympathie qu’inspirent les vaincus. Du reste, l’épopée
grecque elle-même, qui s’est constituée sur la côte et dans les îles de
l’Asie, n’est pas étrangère à ce sentiment; on a pu même aller jusqu’à
dire que le véritable héros de VIliade était Hector. Il y a là une
exagération évidente, mais où la part de vérité ne doit pas, croyons-
nous, être méconnue.
Déjà Schœnborn avait affirmé que ces épisodes de la frise du
mausolée se rapportent tous à l’histoire de la prise de Troie. Cette
histoire, il est à peine besoin de le rappeler, n’est pas contenue tout
entière dans l'Iliade, mais l’antiquité possédait bien d’autres poèmes,
aujourd’hui connus seulement par des analyses, qui en racontaient les
différentes péripéties. N’est-ce pas là qu’il faut chercher le commen-
taire des scènes que nous venons de décrire?
1. Je ne crois pas, contrairement àM. Benndorf, que l'Amazone de Trysa se dis-
pose à descendre de cheval pour demander grâce. Elle est encore séparée d'Achille
par un arbre et ne peut pas se rendre ainsi sans combat. En revanche, cette expli-
cation est très vraisemblable pour la peinture du vase que nous reproduisons, où
le geste suppliant de l’Amazone ne laisse guère d’incertitude.
2. Cf. Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art, t. Y, p. 347.
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qui se défend contre les coups d’Achille. Ici, le duel vient seulement
de commencer ; docile à la voix de la guerrière, le cheval s’agenouille :
un instant après, l’Amazone en viendra aux mains avec le fils de
Pélée qui, après lui avoir porté le coup fatal, la recevra entre ses
bras avec la compassion de l’amour naissant1 2.
Avant de quitter l’Amazonomachie, nous signalerons encore un
groupe d’une rare beauté, composé d’une guerrière blessée qui se
retire, soutenue par une compagne. Le motif est tout à fait pareil à
celui que nous avons rencontré dans la chasse de Méléagre ; il montre
combien les sculpteurs savaient varier librement les motifs qui
formaient comme le vocabulaire de leur art.
M. Petersen a fait, au sujet de ces riches compositions, une
remarque fine et singulièrement juste. La représentation des épisodes
delà guerre de Troie affecte, sur les monuments lyciens, un caractère
autre que sur ceux de la Grèce propre : la cité d’Hector n’était pas
considérée comme une ennemie dans une région dont les princes
avaient été les alliés de Priam, qui, comme laTroade, avait une rivière
nommée le Xantbe, où le nom de la ville de Tlos, comme celui de
Trysa, rappelait même celui de Troie3. Aussi les sculpteurs ont-ils
représenté la résistance héroïque d’Ilion de préférence aux scènes de
sa ruine et l’on croit voir à Trysa comme une discrète indication du
respect et de la sympathie qu’inspirent les vaincus. Du reste, l’épopée
grecque elle-même, qui s’est constituée sur la côte et dans les îles de
l’Asie, n’est pas étrangère à ce sentiment; on a pu même aller jusqu’à
dire que le véritable héros de VIliade était Hector. Il y a là une
exagération évidente, mais où la part de vérité ne doit pas, croyons-
nous, être méconnue.
Déjà Schœnborn avait affirmé que ces épisodes de la frise du
mausolée se rapportent tous à l’histoire de la prise de Troie. Cette
histoire, il est à peine besoin de le rappeler, n’est pas contenue tout
entière dans l'Iliade, mais l’antiquité possédait bien d’autres poèmes,
aujourd’hui connus seulement par des analyses, qui en racontaient les
différentes péripéties. N’est-ce pas là qu’il faut chercher le commen-
taire des scènes que nous venons de décrire?
1. Je ne crois pas, contrairement àM. Benndorf, que l'Amazone de Trysa se dis-
pose à descendre de cheval pour demander grâce. Elle est encore séparée d'Achille
par un arbre et ne peut pas se rendre ainsi sans combat. En revanche, cette expli-
cation est très vraisemblable pour la peinture du vase que nous reproduisons, où
le geste suppliant de l’Amazone ne laisse guère d’incertitude.
2. Cf. Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art, t. Y, p. 347.