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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 8.1892

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Nr. 6
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Lefort, Paul: Le Musée du Prado, 2, La peinture italienne - les vénitiens: les musées de Madrid
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https://doi.org/10.11588/diglit.24661#0503

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462

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

qui leur conserve leur relief, leurs proportions véritables et leur
exacte perspective. Tous sont, d’ailleurs, de pénétrants observateurs,
d’admirables portraitistes, et des amoureux passionnés de la nature
et de la vie; tous sont également épris des splendeurs de la lumière
et ils ont encore ce trait commun de rechercher la beauté et la
grâce, mais la beauté puissante et saine, mais la grâce naturelle et
tranquille, et l’une et l’autre sans ombre d’afféterie, comme aussi
sans manière.

C’est en ouvrages de ces glorieux élèves, devenus à leur tour des
maîtres incomparables, que le Musée du Prado est d’une richesse
qui va jusqu’à l’opulence. Faire un choix parmi tant de chefs-
d’œuvre n’est pas chose facile; nous allons cependant le tenter.

Du plus idéaliste, du plus tendre comme du plus charmeur des
peintres réalistes de Venise, de Giorgio Barbarelli (1477-1511), nous
ne rencontrons qu’un unique tableau, mais combien éblouissant!
Le sujet qu’il représente, et que le catalogue intitule Sujet mystique,
est, comme arrangement, de la plus grande simplicité : Sainte
Brigitte, accompagnée de Ulf, le sénéchal de Néricie, son époux,
offre des fleurs au divin Bambino que la Vierge assise tient sur ses
genoux. Tout de suite l’œil du spectateur est absolument conquis par
le délicieux contraste de beauté féminine que présentent la Vierge
et la Sainte : il va de l’une à l’autre, admirant, d’un côté, le profil
pur et finement aristocratique de la Vierge, et de l’autre, le souriant
visage de sainte Brigitte, un type exquis de jeune Vénitienne, bionda e
grassotta, aux chairs fermes et ambrées, à la chevelure ondée, couleur
d’or bruni. Ulf, l’air noble et recueilli, debout dans son armure de
fer, fournit aux costumes somptueux et chatoyants des deux femmes
une superbe opposition. En vérité, c’est un enchantement que cette
peinture blonde, chaude, moelleuse, et d’une profonde intensité, qui
vous enveloppe et vous pénètre d’un charme inouï, à jamais durable.
A elle seule, elle vaut un trésor. Exécutée à l’huile, sur panneau, sa
conservation est parfaite ; elle provient de l’Escurial où, probablement,
elle avait été placée par ordre de Philippe II. Nous devons ajouter
que quelques critiques, comparant ce tableau avec celui qui repré-
sente, au Musée de Dresde, la Sainte Famille, avec la Madeleine, saint
Jérome et saint Paul, voudraient y reconnaître un ouvrage de la
jeunesse du Titien, alors qu’il était sous la vive impression du style
et du coloris de son condisciple leGiorgione. L’hypothèse n’a rien de
choquant, car on peut relever entre les deux peintures beaucoup
d’analogie et plus d’un point de contact; mais, pour la faire accepter,
 
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