472
GAZETTE DES BEAUX-AItTS.
rasio qui fut l’ami et l’élève du Titien et plus tard de Veronèse; son
Christ mort adoré par saint Pie V, mériterait d’ailleurs d’être signalé
même à un autre titre que la rareté : il porte la signature O. Parrhasi,
c’est-à-dire Opus Parrhasi.
On ne saurait s’astreindre à passer méthodiquement la revue des
trente-cinq toiles qui portent au Musée du Prado la signature de
Jacopo Bassano (1510-1592) ou celles de ses fils Francesco et Leandro.
Une telle analyse serait fastidieuse et nous ne rencontrerions point
d’ailleurs parmi leurs ouvrages d’un dessin appuyé et lourd, et, à
notre avis, si monotones dans leur coloris intense, heurté, parfois
brutal, rien qui dépasse en originalité ou en intérêt d’art ce que l’on
peut voir ailleurs ; nous ne ferons d’exception que pour le Christ chas-
sant les vendeurs du Temple, page tout à fait supérieure du vieux
Bassan, une Cène de Francesco, et de Leandro une Vue de Venise, où
l’on voit le Doge, entouré du Sénat, allant s’embarquer sur le Bucen-
taure.
Les peintures de Jacopo Robusti, dit le Tintoret (1512-1594)
paraissent avoir joui auprès de Philippe II d’une faveur que plus tard
Velâzquez, leur enthousiaste admirateur, fit également partager à
Philippe IV. Ceci explique la richesse des collections royales en
ouvrages du rival du Titien. Indépendamment en effet des trente-
trois tableaux catalogués au Musée du Prado, l’Escurial en a conservé
huit, et non des moins importants, parmi lesquels figurent le Lave-
ment des pieds, composition de 19 pieds castillans de largeur sur un
peu plus de 7 pieds de hauteur, achetée 250 livres sterling à la vente
de Charles Ier en même temps que VÉvanouissement d’Esther, toile
payée 100 livres à la même vente et qui est également à l’Escurial.
A l’aide de cet ensemble d’ouvrages, il est possible d’apprécier la
vigueur d’invention de ce grand et fécond artiste.
L’esquisse d’une audace et d’une fougue étonnantes intitulée le
Paradis, acquise par Velâzquez lors de son second voyage en Italie,
présente, à quelques détails près, la même composition que le Paradis
du Musée du Louvre; toutefois, l’esquisse du Prado est moins confuse
que cette dernière; elles sont pareilles en dimensions. On sait que
c’est là le premier jet, l’ébauche de l’immense toile mesurant 74pieds
en largeur sur 30 de hauteur qui décore, à Venise, la salle du Grand
Conseil au palais ducal. Une lettre écrite par l’ambassadeur de Venise,
à Madrid, Hieronimo Lippomano, et datée de l’année 1587 contient
un détail intéressant au sujet de la date d’exécution du Paradis :
l’ambassadeur annonce en effet à son frère que le Tintoret travaille
GAZETTE DES BEAUX-AItTS.
rasio qui fut l’ami et l’élève du Titien et plus tard de Veronèse; son
Christ mort adoré par saint Pie V, mériterait d’ailleurs d’être signalé
même à un autre titre que la rareté : il porte la signature O. Parrhasi,
c’est-à-dire Opus Parrhasi.
On ne saurait s’astreindre à passer méthodiquement la revue des
trente-cinq toiles qui portent au Musée du Prado la signature de
Jacopo Bassano (1510-1592) ou celles de ses fils Francesco et Leandro.
Une telle analyse serait fastidieuse et nous ne rencontrerions point
d’ailleurs parmi leurs ouvrages d’un dessin appuyé et lourd, et, à
notre avis, si monotones dans leur coloris intense, heurté, parfois
brutal, rien qui dépasse en originalité ou en intérêt d’art ce que l’on
peut voir ailleurs ; nous ne ferons d’exception que pour le Christ chas-
sant les vendeurs du Temple, page tout à fait supérieure du vieux
Bassan, une Cène de Francesco, et de Leandro une Vue de Venise, où
l’on voit le Doge, entouré du Sénat, allant s’embarquer sur le Bucen-
taure.
Les peintures de Jacopo Robusti, dit le Tintoret (1512-1594)
paraissent avoir joui auprès de Philippe II d’une faveur que plus tard
Velâzquez, leur enthousiaste admirateur, fit également partager à
Philippe IV. Ceci explique la richesse des collections royales en
ouvrages du rival du Titien. Indépendamment en effet des trente-
trois tableaux catalogués au Musée du Prado, l’Escurial en a conservé
huit, et non des moins importants, parmi lesquels figurent le Lave-
ment des pieds, composition de 19 pieds castillans de largeur sur un
peu plus de 7 pieds de hauteur, achetée 250 livres sterling à la vente
de Charles Ier en même temps que VÉvanouissement d’Esther, toile
payée 100 livres à la même vente et qui est également à l’Escurial.
A l’aide de cet ensemble d’ouvrages, il est possible d’apprécier la
vigueur d’invention de ce grand et fécond artiste.
L’esquisse d’une audace et d’une fougue étonnantes intitulée le
Paradis, acquise par Velâzquez lors de son second voyage en Italie,
présente, à quelques détails près, la même composition que le Paradis
du Musée du Louvre; toutefois, l’esquisse du Prado est moins confuse
que cette dernière; elles sont pareilles en dimensions. On sait que
c’est là le premier jet, l’ébauche de l’immense toile mesurant 74pieds
en largeur sur 30 de hauteur qui décore, à Venise, la salle du Grand
Conseil au palais ducal. Une lettre écrite par l’ambassadeur de Venise,
à Madrid, Hieronimo Lippomano, et datée de l’année 1587 contient
un détail intéressant au sujet de la date d’exécution du Paradis :
l’ambassadeur annonce en effet à son frère que le Tintoret travaille