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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Clodion, privé de son maître au moment des concours du grand prix
de l’Académie. Si cette perte fut cruelle pour son affection, elle
n’exerça pas grande influence sur son avenir. En effet, dès le
7 avril 1759, Clodion Michel, comme l’appellent les procès-verbaux
de la Compagnie, était jugé digne de concourir, et, aussitôt après la
mort de son oncle, survenue le 12 mai, il se faisait inscrire comme
élève chez Pigalle, peut-être pour se ménager un avocat ayant
l’oreille des juges, lors de la discussion sur le concours du grand prix.
Si telle fut sa tactique, elle réussit pleinement, puisque, le 1er septembre
suivant, l’Académie, réunie en assemblée solennelle, décernait le
premier prix de sculpture à Clodion Michel. Il n’avait pas encore
vingt-un ans. Le modèle qui obtint les suffrages des Académiciens
n’existe plus; on sait seulement que les concurrents avaient dû repré-
senter le meurtre d’Ammon par son frère Absalon au milieu d’un
festin. A cette époque, tous les sujets de concours étaient tirés de
la Bible. Ce fut en 1762 seulement, que des épisodes de l’Histoire
ancienne commencèrent à alterner avec les traits de l’Histoire sainte.
Suivant l’obligation imposée à tous les lauréats de l’Académie,
Clodion dut faire un stage à l’École des élèves protégés avant de
partir pour l’Italie. Fondée par le frère de Mme de Pompadour, cette
école, sur l’utilité de laquelle les opinions les plus diverses ont été
émises, avait alors pour directeur le peintre Carie Van Loo. Le jeune
sculpteur y séjourna pendant près de trois ans, du mois de décem-
bre 1759 au mois de septembre 1762. Malheureusement, les rensei-
gnements font défaut sur cette période de ses études qui dut exercer
forcément une influence profonde sur la direction de son talent.
Quand Clodion arrivait à Rome, le 25 décembre 1762, il avait plus
de vingt-quatre ans. A cet âge, généralement, on sait bien le but qu’on
se propose, et Claude Michel avait une personnalité trop marquée
pour hésiter longtemps sur la voie qui convenait à ses aptitudes.
Il est à remarquer que tous les maîtres du jeune artiste sans
exception ont fait l’éloge de la douceur de ses manières et de la
facilité de son caractère. Tel il était à l’École des élèves protégés, tel
il se retrouve à Rome. Use garde bien de prendre part aux séditieuses
cabales du terrible Mouton. Aussi Natoire n’a-t-il pas assez de mots
pour exalter les heureuses dispositions, l’humeur douce et accommo-
dante du nouveau venu. Ce suffrage favorable ne se dément pas jus-
qu’à la fin des années d’apprentissage. D’après le témoignage de
Natoire, Clodion reste toujours un garçon paisible, obéissant,
studieux, uniquement occupé de son travail.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Clodion, privé de son maître au moment des concours du grand prix
de l’Académie. Si cette perte fut cruelle pour son affection, elle
n’exerça pas grande influence sur son avenir. En effet, dès le
7 avril 1759, Clodion Michel, comme l’appellent les procès-verbaux
de la Compagnie, était jugé digne de concourir, et, aussitôt après la
mort de son oncle, survenue le 12 mai, il se faisait inscrire comme
élève chez Pigalle, peut-être pour se ménager un avocat ayant
l’oreille des juges, lors de la discussion sur le concours du grand prix.
Si telle fut sa tactique, elle réussit pleinement, puisque, le 1er septembre
suivant, l’Académie, réunie en assemblée solennelle, décernait le
premier prix de sculpture à Clodion Michel. Il n’avait pas encore
vingt-un ans. Le modèle qui obtint les suffrages des Académiciens
n’existe plus; on sait seulement que les concurrents avaient dû repré-
senter le meurtre d’Ammon par son frère Absalon au milieu d’un
festin. A cette époque, tous les sujets de concours étaient tirés de
la Bible. Ce fut en 1762 seulement, que des épisodes de l’Histoire
ancienne commencèrent à alterner avec les traits de l’Histoire sainte.
Suivant l’obligation imposée à tous les lauréats de l’Académie,
Clodion dut faire un stage à l’École des élèves protégés avant de
partir pour l’Italie. Fondée par le frère de Mme de Pompadour, cette
école, sur l’utilité de laquelle les opinions les plus diverses ont été
émises, avait alors pour directeur le peintre Carie Van Loo. Le jeune
sculpteur y séjourna pendant près de trois ans, du mois de décem-
bre 1759 au mois de septembre 1762. Malheureusement, les rensei-
gnements font défaut sur cette période de ses études qui dut exercer
forcément une influence profonde sur la direction de son talent.
Quand Clodion arrivait à Rome, le 25 décembre 1762, il avait plus
de vingt-quatre ans. A cet âge, généralement, on sait bien le but qu’on
se propose, et Claude Michel avait une personnalité trop marquée
pour hésiter longtemps sur la voie qui convenait à ses aptitudes.
Il est à remarquer que tous les maîtres du jeune artiste sans
exception ont fait l’éloge de la douceur de ses manières et de la
facilité de son caractère. Tel il était à l’École des élèves protégés, tel
il se retrouve à Rome. Use garde bien de prendre part aux séditieuses
cabales du terrible Mouton. Aussi Natoire n’a-t-il pas assez de mots
pour exalter les heureuses dispositions, l’humeur douce et accommo-
dante du nouveau venu. Ce suffrage favorable ne se dément pas jus-
qu’à la fin des années d’apprentissage. D’après le témoignage de
Natoire, Clodion reste toujours un garçon paisible, obéissant,
studieux, uniquement occupé de son travail.