LE SCULPTEUR CLODION.
483
Consultez la correspondance du Directeur de l’Académie. Le
16 avril 1766, Natoire écrivait à M. de Marigny: « Le sieur Clodion,
sculpteur, m’a fait voir une suite de petits modèles. Cet artiste est
rempli de goût dans ses ouvrages et fait un très bon sujet; » et trois
mois plus tard, le 16 juillet : « Je suis très content du sieur Clodion.
J’ai vu une suite de petits modèles qu’il a faits d’un très bon goût. Il
a un groupe à faire pour M. le duc de La Rochefoucauld, en marbre,
de moyenne grandeur, et je crois qu’il s’en acquittera très bien. »
Quel était le sujet de ce groupe, une des premières œuvres du
débutant? Natoire ne le dit pas. Peu importe d’ailleurs. Ce qui est
à retenir du passage cité, c’est l’indication fournie sur le genre
adopté par Clodion dès son séjour à Rome. Les grands vestiges
de l’antiquité avaient eu peu d’influence sur la direction de son
talent. Peut-être les modèles grecs et romains ont-ils quelque peu
affiné son style, lui ont-ils appris des délicatesses et des souplesses
de forme qu’il n’eût pas connues dans l’atelier de Lambert-Sigisbert
Adam ou de Pigalle. Mais il demeure avant tout le partisan déter-
miné, convaincu de son temps; il reste le produit des tendances du
xviii0 siècle. Il sera capable, si l’occasion se présente, de prouver
qu’il était de taille à rivaliser avec les plus habiles de ses contem-
porains sur le terrain de la sculpture historique; mais il conservera
toujours une prédilection marquée pour les petits modèles de nymphes
et de satyres, de jeunes femmes lutinées par les Amours et autres
sujets analogues. C’est là sa véritable vocation et son originalité. Il
aura raison de s’y tenir.
D’autre part, la correspondance de Natoire nous montre le succès
couronnant de bonne heure les premiers essais de l’artiste. Il n’est
encore qu’un studieux élève, perdu dans la foule des pensionnaires
du Roi, et déjà les amateurs l’ont distingué; déjà les artistes témoi-
gnent une singulière estime pour ces petits modèles dont parle le bon
Natoire. Il ne s’agit pas seulement ici du groupe de moyenne gran-
deur commandé par le duc de La Rochefoucauld. Plusieurs œuvres de
Clodion figurent dans des ventes importantes de 1767 à 1771, à une
date où il n’avait pas quitté Rome, et où les Parisiens connaissaient
à peine son nom. On le voit paraître, dès 1767, dans le catalogue de
M. de Julienne, le délicat connaisseur, avec trois statuettes en terre
cuite, une Bacchante, une Prêtresse, une femme allumant le feu de
l’Amour. En 1769, un amateur fervent de la sculpture française,
M. La Live de Jully, laissait, dans une collection assez nombreuse de
terres cuites, une Vestale signée Clodion. A la vente de François
483
Consultez la correspondance du Directeur de l’Académie. Le
16 avril 1766, Natoire écrivait à M. de Marigny: « Le sieur Clodion,
sculpteur, m’a fait voir une suite de petits modèles. Cet artiste est
rempli de goût dans ses ouvrages et fait un très bon sujet; » et trois
mois plus tard, le 16 juillet : « Je suis très content du sieur Clodion.
J’ai vu une suite de petits modèles qu’il a faits d’un très bon goût. Il
a un groupe à faire pour M. le duc de La Rochefoucauld, en marbre,
de moyenne grandeur, et je crois qu’il s’en acquittera très bien. »
Quel était le sujet de ce groupe, une des premières œuvres du
débutant? Natoire ne le dit pas. Peu importe d’ailleurs. Ce qui est
à retenir du passage cité, c’est l’indication fournie sur le genre
adopté par Clodion dès son séjour à Rome. Les grands vestiges
de l’antiquité avaient eu peu d’influence sur la direction de son
talent. Peut-être les modèles grecs et romains ont-ils quelque peu
affiné son style, lui ont-ils appris des délicatesses et des souplesses
de forme qu’il n’eût pas connues dans l’atelier de Lambert-Sigisbert
Adam ou de Pigalle. Mais il demeure avant tout le partisan déter-
miné, convaincu de son temps; il reste le produit des tendances du
xviii0 siècle. Il sera capable, si l’occasion se présente, de prouver
qu’il était de taille à rivaliser avec les plus habiles de ses contem-
porains sur le terrain de la sculpture historique; mais il conservera
toujours une prédilection marquée pour les petits modèles de nymphes
et de satyres, de jeunes femmes lutinées par les Amours et autres
sujets analogues. C’est là sa véritable vocation et son originalité. Il
aura raison de s’y tenir.
D’autre part, la correspondance de Natoire nous montre le succès
couronnant de bonne heure les premiers essais de l’artiste. Il n’est
encore qu’un studieux élève, perdu dans la foule des pensionnaires
du Roi, et déjà les amateurs l’ont distingué; déjà les artistes témoi-
gnent une singulière estime pour ces petits modèles dont parle le bon
Natoire. Il ne s’agit pas seulement ici du groupe de moyenne gran-
deur commandé par le duc de La Rochefoucauld. Plusieurs œuvres de
Clodion figurent dans des ventes importantes de 1767 à 1771, à une
date où il n’avait pas quitté Rome, et où les Parisiens connaissaient
à peine son nom. On le voit paraître, dès 1767, dans le catalogue de
M. de Julienne, le délicat connaisseur, avec trois statuettes en terre
cuite, une Bacchante, une Prêtresse, une femme allumant le feu de
l’Amour. En 1769, un amateur fervent de la sculpture française,
M. La Live de Jully, laissait, dans une collection assez nombreuse de
terres cuites, une Vestale signée Clodion. A la vente de François