LES FAÏENCES DE MARSEILLE AU XVIIIe SIÈCLE 139
le mica et le quartz y sont mélangés en dose rationnelle, et le glu-
ten y est très argileux. Certaines parties blanchâtres, à la fois fari-
neuses et calcaires, ne peuvent qu’en favoriser la vitrification. Ou
rencontre également le petuntzé, spath fusible en usage pour les
couvertes. Le feldspath provençal, qui peut lui être comparé en
quelque sorte, fut, au contraire, employé par eux, à cause de son
abondance et de la possibilité de le trouver au bord des cours d’eau,
le long des montagnes quartzeuses. Malgré l’éloignement des lieux
de production, malgré les difficultés d’ordre matériel auxquelles il
se trouva en butte, on peut dire de Robert qu'il a été le principal
fabricant de porcelaine de Marseille, celui qui posséda au plus haut
degré les ressources du métier et qui, par ses incessantes recherches,
contribua à accroître le prestige industriel de la ville de Marseille.
Son ornementation est la plus vivante qui soit : la fertilité d’imagi-
nation des décorateurs n’est égalée que par la finesse d’exécution
des faïenciers, des doreurs et des émailleurs. L’atelier est une ruche
sans cesse en travail. Ici, ce sont les soupières modelées avec exubé-
rance et sur le couvercle desquelles on a dessiné en relief des pois-
sons de toutes sortes, tandis que sur le fond vert émergent fleurs et
oiseaux; là, apparaissent les pots à eau richement ciselés, oserait-on
dire, et où sont entassés des médaillons qu’entourent des cercles
d’or, des guirlandes fleuries, des colombes qui se becquètent, des
flèches en faisceaux de carquois, des cœurs percés de traits, des
torches enflammées; ailleurs, voici les plats ajourés et décorés de
scènes champêtres, ou encore les plateaux ornés de sujets tirés
d’œuvres de Boucher et de Watteau, sans compter les compotiers à
personnages et à godrons, les couvercles dont le sommet est ponctué
par l’incarnat d’une cerise ou coiffé d’une rose épanouie; plus loin,
ce sont, à profusion, des assiettes au bord chantourné et fileté d’ocre,
de carmin ou d’émeraude, au marli jonché de fleurs, bleuets, roses,
violettes, anémones, giroflées, au fond mouvementé par une marine
de Joseph Vernet ou apaisé par un paysage poétique s’enlevant dans
une gamme de vieille tapisserie. Symphonie délicieuse ! Tableau
charmant où la réalité et la fiction s’unissent pour le plaisir de l’es-
prit autant que pour la satisfaction des sens, et où, en un savoureux
tête-à-tête, l’art cher à Brillat-Savarin donnera joyeusement la
réplique à celui de Bernard Palissy !
Une des plus belles faïences marseillaises est une écuelle accom-
pagnée de son plateau provenant de la collection Arnavon. Cette
écuelle à ailettes, avec son couvercle surmonté d une rose d or, ses
le mica et le quartz y sont mélangés en dose rationnelle, et le glu-
ten y est très argileux. Certaines parties blanchâtres, à la fois fari-
neuses et calcaires, ne peuvent qu’en favoriser la vitrification. Ou
rencontre également le petuntzé, spath fusible en usage pour les
couvertes. Le feldspath provençal, qui peut lui être comparé en
quelque sorte, fut, au contraire, employé par eux, à cause de son
abondance et de la possibilité de le trouver au bord des cours d’eau,
le long des montagnes quartzeuses. Malgré l’éloignement des lieux
de production, malgré les difficultés d’ordre matériel auxquelles il
se trouva en butte, on peut dire de Robert qu'il a été le principal
fabricant de porcelaine de Marseille, celui qui posséda au plus haut
degré les ressources du métier et qui, par ses incessantes recherches,
contribua à accroître le prestige industriel de la ville de Marseille.
Son ornementation est la plus vivante qui soit : la fertilité d’imagi-
nation des décorateurs n’est égalée que par la finesse d’exécution
des faïenciers, des doreurs et des émailleurs. L’atelier est une ruche
sans cesse en travail. Ici, ce sont les soupières modelées avec exubé-
rance et sur le couvercle desquelles on a dessiné en relief des pois-
sons de toutes sortes, tandis que sur le fond vert émergent fleurs et
oiseaux; là, apparaissent les pots à eau richement ciselés, oserait-on
dire, et où sont entassés des médaillons qu’entourent des cercles
d’or, des guirlandes fleuries, des colombes qui se becquètent, des
flèches en faisceaux de carquois, des cœurs percés de traits, des
torches enflammées; ailleurs, voici les plats ajourés et décorés de
scènes champêtres, ou encore les plateaux ornés de sujets tirés
d’œuvres de Boucher et de Watteau, sans compter les compotiers à
personnages et à godrons, les couvercles dont le sommet est ponctué
par l’incarnat d’une cerise ou coiffé d’une rose épanouie; plus loin,
ce sont, à profusion, des assiettes au bord chantourné et fileté d’ocre,
de carmin ou d’émeraude, au marli jonché de fleurs, bleuets, roses,
violettes, anémones, giroflées, au fond mouvementé par une marine
de Joseph Vernet ou apaisé par un paysage poétique s’enlevant dans
une gamme de vieille tapisserie. Symphonie délicieuse ! Tableau
charmant où la réalité et la fiction s’unissent pour le plaisir de l’es-
prit autant que pour la satisfaction des sens, et où, en un savoureux
tête-à-tête, l’art cher à Brillat-Savarin donnera joyeusement la
réplique à celui de Bernard Palissy !
Une des plus belles faïences marseillaises est une écuelle accom-
pagnée de son plateau provenant de la collection Arnavon. Cette
écuelle à ailettes, avec son couvercle surmonté d une rose d or, ses